Après l’accord fédéral, il ne reste plus que la Région bruxelloise à débloquer. Le président des Engagés met en avant le risque de perdre la confiance des marchés, le coût de la crise (2,3 milliards) et le risque sur le statut international de la ville. “Ce n’est pas que Bruxelles, c’est toute la Belgique qui serait touchée.” Il déplore: “Chaque fois que l’on crée un peu de confiance, il y en a un qui insulte ses copains, c’est fatiguant”.
L’accord fédéral budgétaire engrangé, il ne reste plus que la Région bruxelloise à débloquer. Alors que Georges-Louis Bouchez avait jusqu’à ce mardi matin pour rabibocher tout le monde, le PS boude la négociation et menace désormais de n’en faire qu’à sa guise au Parlement. Vendredi, soit avant le marathon fédéral, Yvan Verougstraete, président des Engagés, nous confiait son inquiétude.
Frédéric De Gucht (Open VLD) a attaqué le PS après une réunion qui n’avait pas été mauvaise, la semaine dernière. Comment lisez-vous cette séquence ?
Cette réunion avait été meilleure, c’est vrai. C’est quand même très étonnant. Il faut que les Bruxellois, et les Belges de manière générale, se rendent compte de la situation dans laquelle on est. À Bruxelles, la crise, ce n’est pas pour rire. Mais crier au shutdown, ce n’est pas forcément non plus la meilleure chose à faire pour un ministre du Budget. Ce qu’il faut faire aujourd’hui, c’est trouver des solutions parce qu’on risque de perdre la confiance des marchés. Or, Bruxelles a tous les atouts pour être une ville hyper rentable et profitable: on y crée énormément de richesses et une étude récente montre que les transferts de richesse sont plus importants que dans les autres Régions. Mais Bruxelles a aussi d’énormes défis puisqu’elles cristallisent les pauvretés, à l’instar des grandes villes.
Tout cela, ça fait dix-huit mois qu’on le sait…
C’est vrai et dans une situation comme celle-là, la dernière des choses à faire, c’est d’aller insulter ton partenaire: cela n’a aucun sens.
C’est pourtant régulier dans ces négociations…
Que l’on fasse un peu de langue de bois ou une petite pique, je peux l’imaginer, mais l’insulter frontalement de la sorte, c’est un manque de responsabilité ou de sens politique.
Mais le PS bloquait, non?
C’est plus compliqué que cela. On ne peut pas dire que le PS bloque tout. Ce qui est sûr, c’est que pour arrêter le blocage, il faut créer de la confiance. Le PS pourrait faire des concessions qu’il ne fait pas forcément dans un contexte où la confiance n’est pas là. Or, chaque fois que l’on crée un peu cette confiance, il y en a un qui insulte, c’est fatiguant.
On est revenu à la case départ. Une autre majorité est en vue ?
J’essaie d’avoir comme ligne de ne pas trop parler de scénarii parce que dès que l’on ouvre une porte, il y a un appel d’air potentiel, et si on ferme une porte, ce n’est pas crédible. Mais c’est hallucinant et effrayant de dire qu’après dix-huit mois, nous en sommes toujours au même point. Or, entretemps, certains nous avaient dit qu’il fallait faire un choc durant les six premiers mois. Depuis, nous avons accumulé 2,3 milliards de dettes, en plus et 50 millions d’intérêts chaque année…
On aurait pu faire une trajectoire plus douce sans ces dix-huit mois. Cinquante millions, cela revient à la question de savoir si l’on indexe la dotation générale aux communes, un sujet qui cristallise le PS et le MR. On aurait pu ne pas y toucher, mais on les a donnés aux banques. La responsabilité des négociateurs, nous y compris à la place que l’on a, est lourde.
On a l’impression que ce ne sont même pas des confrontations idéologiques, mais plutôt de personnes et de stratégie, non?
Il y a un fond d’idéologie, quand on doit faire un choix entre deux options, couper dans A ou dans B. Mais quand on doit couper dans A et dans B, l’idéologie joue moins. Là, c’est une question de personnes où que l’on ne veut pas lâcher.
Personne ne veut accepter la responsabilité de la douleur d’une mesure ?
Personne ne veut faire des efforts dans ses dossiers de prédilection. Il y a une volonté de chacun de protéger ses priorités, ce qui est normal, mais à un moment donné, il faut mettre le sens de l’État en priorité.
Thierry Geerts, CEO de Beci, nous disait que les autorités régionales bruxelloises sont en train de montrer par l’absurde qu’elles ne servient à rien…
Je crois au contraire qu’elles servent, hélas… C’est vrai qu’en étant en incapacité d’agir, on donne raison aux communautaristes et aux nationalistes. Mais ces autorités sont indispensables: quand je vois la limitation des allocations de chômage dans le temps qui arrive, c’est une catastrophe pour qu’Actiris soit paralysée. Quand on ne décide pas ce qu’on va faire avec le Métro 3, c’est une catastrophe. On parle de gros montants.
Quand on ne fait pas ce qu’il faut pour la propreté et la sécurité, c’est mettre à risque la présence des institutions internationales. Le président du Parlement européen me disait qu’il y a de plus en plus de députés sous stress : je ne sais pas si l’on se rend compte de ce que cela a comme impact pour notre Régio… Bruxelles internationale, c’est 25% de tous les emplois générés à Bruxelles! Je ne sais pas si l’on se rend compte de la boîte d’allumettes avec laquelle on est en train de jouer. Ce n’est pas Bruxelles qui serait touchée, c’est tout le pays!