Vivaqua surendettée: le scandale des intercommunales et le trou bruxellois

Siège de Vivaqua, anciennement Compagnie intercommunale bruxelloise des eaux.
Olivier Mouton
Olivier Mouton Chef news

L’intercommunale de distribution de l’eau à Bruxelles appelle à l’aide, incapable de rénover son réseau. C’est la faillite d’un système et le reflet du mal de la capitale.

Vivaqua est au bord du gouffre. Sa présidente, Laurence Bovy (PS), le reconnaît dans le Standaard ce jeudi matin. Avec plus d’un milliard de dette, elle se trouve dans l’incapacité de rénover un réseau d’égoûts susceptibles de rendre l’âme: sur 2000 kilomètres, à peine 14 ont été rénovés alors que le quart du réseau appelle à l’aide. Avec des risques réels de faire écrouler les voiries dans la capitale.

C’est une saga lamentable qui n’est pas sans rappeler celle des tunnels mal en point. C’est, à nouveau, la chronique annoncée d’un mal qui ronge la capitale, ainsi que la faillite du système pervers des intercommunales.

Faillite annoncée

Une chronique annoncée? Au début de l’année passée, Vivaqua avait déjà demandé une indexation record de ses tarifs (14,5% en 2023 et plus de 4% en 2024) afin de faire face à des coûts qui explosent en raison de l’inflation et des frais d’entretien du réseau. La demande était accompagnée… d’une intervention plus importante pour soulager les tarifs sociaux, annoncée par le ministre régional Alain Maron (Ecolo).

Christophe De Beukelaer (Engagés), dans l’opposition régionale, dénonçait déjà “une situation financière inquiétante alors que des investissements colossaux sont nécessaire”. “Je pense que le Gouvernement n’a pas conscience de l’ampleur du problème du secteur de l’eau à Bruxelles, soulignait-il. Le risque systémique pour la Région est réel. Avec des conséquences potentiellement lourdes pour le contribuable bruxellois.” Nous y sommes.

Le responsable de l’opposition demandait également que l’on explore des pistes comme des collaborations avec les acteurs flamands et wallons de l’eau. Ou que l’on imagine une fusion avec un autre “machin”, Hydra, gestionnaire de l’eau et chargée du traitement des eaux usées.

La Région bruxelloise est, de longue datée, épinglée pour son nombre démesuré de structures parapubliques.

Pieuvre politique et manne d’argent

La saga Vivaqua est révélatrice du scandale de ces nombreuses intercommunales qui servent avant tout de machines à recycler les politiques. La désignation de Laurence Bovy à la tête de cette société, en 2016, avait fait l’objet d’une polémique, à l’époque, car l’ancienne cheffe de cabinet socialiste avait été nommée alors qu’elle n”était arrivée qu’en troisième position lors du concours de recrutement. A l’origine de sa désignation, il y avait notamment Yvan Mayeur, ancien bourgmestre de la Ville, contraint de quitter la politique après le scandale du Samusocial.

Le salaire de Laurence Bovy, longtemps resté discret, a fini par être dévoilé: plus de 280 000 euros bruts par an. Chez Vivaqua, on précise qu’il a toujours été public – en tout cas après des révélations dans la presse. Ce n’est certes pas cela qui fait déraper la situation financière de l’entreprise, mais cela a suscité la grogne. De même que les salaires indexés des 1300 employés ont fait l’objet de débats au conseil communal de la Ville.

Dans bien des secteurs, les intercommunales permettent à des pouvoirs locaux désargentés de mutualiser la gestion du bien collectif. C’est une bonne chose. Mais l’affaire Publifin en Wallonie et les interrogations plus larges dans le secteur de l’énergie ont témoigné de la pieuvre politique que cela représentait. Trop souvent, au détriment d’une gestion efficace.

A Bruxelles, cette situation révèle également la paupérisation d’une Région Capitale qui songe à son bien-être, mais voit son tissu social se détériorer. Tant le chômage, qui diminue légèrement, que l’endettement de la Région en font une souris pour le chat lors de futures négociations institutionnelles. L’enclavement de la Région, qui ne correspond pas à son hinterland socio-économique, est un autre souci majeur.

En fin de compte, l’incapacité à faire face aux nécessaires investissements pour moderniser les réseaux, dans tous les cas, induit un appel aux deniers publics pour renflouer les caisses. La facture d’énergie est une feuille d’impôts déguisée, ce pourrait aussi être le cas de celle de l’eau.

Et le citoyen, indigné mais impuissant, voit passer ces mauvaises nouvelles qui nourrissent son rejet d’un système opaque et inefficace.

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