Pourquoi la position institutionnelle du PS à Bruxelles est compréhensible, mais intenable
Les socialistes bruxellois ont suspendu leur participation aux négociations régionales bruxelloises car la note des partis flamands ne respecte pas les équilibres institutionnels. Cela doit être évoqué au fédéral, dit le PS, qui refuse une réforme de la seule Région. Son parti frère, Vooruit, est pourtant demandeur.
Ahmed Laaouej, président de la fédération bruxelloise du PS, a suspendu sa participation aux négociations régionales bruxelloises, avec l’aval de ses troupes. En cause, la participation de la N-VA (avec Groen, Vooruit et l’Open VLD) à l’aile flamande de la majorité. Et le contenu de la”supernota” rédigée par la formatrice flamande Elke Van den Brandt (Groen).
La principale motivation est institutionnelle. “Nous voulons le respect des équilibres institutionnels“, a répété Caroline Désir, députée bruxelloise et ancienne ministre de l’Education. Outre le fait que le PS de refuse de les remettre en cause, cela devrait être “évoqué au niveau fédéral”, précise-t-elle.
L’attitude du PS s’explique, mais elle est intenable. Voici pourquoi.
Un équilibre fondateur, mais…
Notre système institutionnel complexe repose sur un double équilibre et une double protection des minorités.
Au fédéral, les francophones sont minoritaires, mais “reçoivent” la parité au gouvernement et des mécanismes de protection, pour éviter les dérapages institutionnels. A Bruxelles, les Flamands “reçoivent” une double majorité régionale et une représentation garantie – ce qui n’est pas le cas au niveau communal.
Les partis flamands réclament notamment, dans la “supernota” une “fusion des communes, des CPAS et des zones de police”, avec la perspective d’avoir une “Ville-Région” dotée des compétences générales pour les dix-neuf communes. Le modèle anversois, avec des districts, transpire de la note, mais cette position n’est pas uniquement celle de la N-VA: Vooruit, parti frère du PS, défend cela de longue date, y compris lorsqu’il était dans la majorité bruxelloise.
En d’autres termes, cette position flamande ne serait à ce stade “que” un point déposé sur la table des négociations. Mais la N-VA pourrait en profiter pour bloquer la Région, laisse entendre le PS qui, en retour, menace de la bloquer…
En touchant à ces équilibres, on risque de remettre en cause le sacro-saint partage institutionnel fédéral et régional. C’est vrai, mais…
Une position intenable
Le PS défend une histoire, mais refuse de l’adapter aux jours nouveaux et joue un jeu machiavélique. A trois niveaux, au moins.
Premièrement, en demandant que la question soit “évoquée” au fédéral s’il y a lieu, il rejette la patate chaude à un niveau de pouvoir où il ne négocie pas et ouvre potentiellement une boîte de Pandore institutionnelle d’une autre nature, plus large, qu’il serait le premier à dénoncer.
Deuxièmement, su la Région bruxelloise fonctionnait de façon optimale, cela se saurait. Le PS refuse de voir… que la gestion de la Région Capitale est critiquée de toutes parts et mériterait objectivement une lifting, en réduisant notamment le nombre de pouvoir et de baronnies pour permettre une vision davantage cohérente et globale de la Région. En matière de mobilité, de parking, d’urbanisme, de sécurité, le besoin est criant. Faut-il forcément rejeter des idées parce qu’elles viennent de partis flamands?
Troisièmement, le PS accable la N-VA, Ahmed Laaouej l’accusant au départ d’être un “parti poreux aux idées racistes”. On l’a dit, elle n’est pas la seule à porter ces idées institutionnelles. Quant à la porosité en question, on en est droit de se demander jusqu’à quel point le PS est devenu “poreux aux idées communautaristes”. Mais le PS joue sur du velours: Ecolo et surtout DéFi refuserait aussi de négocier avec la N-VA, il peut donc faire monter la pression.
“L’attitude du PS bruxellois pourrait nous enfermer dans un blocage total de Bruxelles“, affirmait ce week-end Charles Picqué, ancien ministre-président bruxellois et fondateur de la Région. Un socialiste francophone, qui s’inquiète des dérives actuelles du PS régional.
La presse flamande évoque une “prise d’otage”. La presse francophone salue le talent de négociateur d’Ahmed Laoouej, qui a largement gagné le “second tour” des communales”, mais se demande s’il ne commet pas là sa première erreur de jugement.
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