Pascal Smet, le chute du chantre de « Bruxelles aux Bruxellois »
« Je dérange et je sais pourquoi », nous disait-il en 2017. Le secrétaire d’Etat socialiste flamand a démissionné après avoir invité le maire de Téhéran à Bruxelles. Une personnalité qui a compté dans l’évolution de la capitale.
« Je dérange et je sais pourquoi : j’opère un changement de paradigme à Bruxelles, je veux que ce ne soit plus une ville pour des voitures, mais pour les gens. Une partie du MR y est allergique. Ils veulent continuer à rouler avec leur bagnole de luxe à n’importe quelle vitesse. Je suis leur ennemi. »
Pascal Smet, secrétaire d’Etat Vooruit, nous parlait de la sorte en octobre 2017, quand il fut mis sur la sellette après la fermeture inopinée du viaduc Herrmann-Debroux. La saga des tunnels fut une épreuve de force pour celui que d’aucuns surnommaient le « ministre bruxellois de l’immobilité ».
Ironie du sort, c’est sur une toute autre affaire qu’il a décidé de démissionner, dimanche. Accusé d’avoir invité le maire de Téhéran, Alireza Zakani, à participer au Brussels Urban Summit, il a préféré s’en aller après que des révélations successives aient mis en doute sa promesse de « transparence totale » au sujet de cette visite d’un soutien du régime oppressif iranien. Un « devoir de morale » soutient-il.
« Bruxelles aux Bruxellois »
Pascal Smet, c’est une personnalité forte et une certaine vision de Bruxelles, inspirée de la Flandre dont il est originaire, mais aussi de son amour des villes et de leur évolution. C’est le chantre d’une vision visant à prioriser « Bruxelles aux Bruxellois », après des années de bruxellisation urbanistique et de combat institutionnel autour de la capitale.
Du haut de la tour où il avait ses bureaux de ministre, dans le quartier Nord, le socialiste flamand nous assurait, lors du même entretien : « Cette catégorie de la population qui m’attaque, très conservatrice, n’hésite d’ailleurs pas à utiliser des arguments antinéerlandophones et antigays. J’ai déjà lu sur les réseaux sociaux : ‘Retourne vers la Flandre avec ton vélo sans selle et tu vas aimer ça, enc… !’ Quand on m’insulte, on crache au visage des Bruxellois ! Je suis un homme de conviction, je propose pour Bruxelles ce que l’on a fait à Bordeaux, Copenhague, Madrid ou Milan : moins de voitures, plus de place pour les piétons, les cyclistes et les transports en commun. »
Cet amoureux du quartier branché de la rue Antoine Dansaert savait qu’il devait se battre contre l’adversité pour façonner la capitale différemment. Sa force, il la puisait dans ces oppositions, mais aussi dans les références internationales, les modes architecturales et la conviction politique. Ce n’est pas pour rien que Pascal Smet avait été nommé au gouvernement bruxellois par feu Steve Stevaert en 2004. Steve « Stunt », comme on le nommait, aimait faire des « coups » médiatiques et prônait notamment la gratuité des transports publics : Pascal Smet, incontestablement, est de cette même trempe.
Une influence démesurée
Secrétaire d’Etat et ministre depuis 2003, à l’exception d’une législature, Pascal Smet aura occupé de nombreuses compétences en Région bruxelloise, avec une préférence certaine pour la mobilité, l’urbanisme et le patrimoine, mais aussi un attrait pour l’international ou l’organisation de la ville. L’homme aura incontestablement eu un poids plus important que le petit parti socialiste flamand qu’il représentait.
Si on peut lui reprocher un caractère tempétueux ou une forme de dogmatisme, on ne pourra jamais affirmait qu’il manquait de créativité ou de vision. On lui doit des pistes cyclables, des lignes de tram, des réaménagements urbains, mais aussi des débats animés (sur une piscine en plein air dans le canal ou les rooftops) et une vision mâtinée de progressisme flamand, davantage favorable à Uber, par exemple, que ses collègues socialistes francophones, au point qu’on lui a reproché des accointances coupables.
Avec le départ de Pascal Smet, c’est une certaine idée de la ville qui s’en va et les libéraux doivent sabrer le champagne. Sauf que, revanchard, il pourrait entraîner dans sa chute Hadja Lahbib (MR), ministre des Affaires étrangères, dont le rôle dans l’octroi des visas à la délégation iranienne n’est pas toujours 100% clair.
Avec le temps, ce « Bruxelles aux Bruxellois » est devenu le leitmotiv plus large des socialistes et des écologistes, une identité régionale en soi. « Quand je suis arrivé, oui, j’avais ce sentiment d’être Don Quichotte qui se battait contre les moulins à vent, nous disait-il. A l’époque, j’avais besoin d’un brise-glace pour avancer. Maintenant, beaucoup de gens ont compris et pensent comme moi. »
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