Faut-il mettre Bruxelles sous tutelle financière?

Le ministre-président bruxellois Rudi Vervoort (PS). BELGA PHOTO DIRK WAEM
Baptiste Lambert

Question provocatrice, mais pas illégitime, au vu de la dégringolade des finances publiques bruxelloises. Le budget 2024 atteint presque les sommets de la crise sanitaire alors que se discutent actuellement les douzièmes provisoires. La proposition du gouvernement sortant irrite le MR et les Engagés.

Une note de Bruxelles.fiscalité à destination des négociateurs bruxellois est parvenue à La Libre. Elle montre comment la Région bruxelloise est tombée dans un gouffre financier en l’espace de 10 ans.

Une chute incontrôlée

La grande plongée a démarré en 2017, lorsque le gouvernement Vervoort II s’est accordé un déficit de 500 millions d’euros par an. “Chacun en a profité pour créer sa petite administration“, se remémore Bernard Clerfayt (DéFi), actuel ministre de l’Emploi, dans le quotidien. L’engagement de fonctionnaires a explosé jusqu’au moratoire de 2023.

Les années de crises sanitaire et énergétique ont fait basculer le déficit annuel au-delà du milliard d’euros. Mais ces crises ne peuvent pas tout justifier : en 2024, le déficit du gouvernement Vervoort III est encore de 1,3 milliard d’euros sur un budget de 7,844 milliards d’euros. Ce sont les dépenses en mobilité qui ont le plus explosé.

Du côté de la dette, elle a quasiment triplé depuis 2017 pour atteindre 14 milliards d’euros en 2024. À politique inchangée, certaines projections la voient encore doubler à 22,162 milliards d’euros d’ici 2029.

Des libéraux impuissants

Selon Alain Maron (Ecolo), ministre sortant de l’Énergie et de l’Environnement, le péché originel du gouvernement est que “l’accord de majorité 2019-2024 a été négocié sans cadre budgétaire global (…). Il était donc trop ambitieux au regard des moyens de la Région.” Chaque ministre y est allé de ses projets, tirant la couverture vers lui.

Le PS s’est montré très dépensier sur la construction de logements sociaux, Ecolo dans les politiques environnementales (prime Rénolution). DéFI n’est pas parvenu à freiner ses partenaires, pas plus que les deux ministres libéraux successifs. “Je ne peux pas dire que j’ai fait un bon ministre du Budget“, a même reconnu Sven Gatz (Open Vld), en mars dernier, avant les élections. Mais quand celui-ci tire la sonnette d’alarme en vue de baisser les dépenses, les OIP lui tombent dessus, s’estimant à l’os.

Vers un shutdown ?

En l’absence de nouveau gouvernement, la reconduction du budget 2024 pour l’année 2025 est en discussion, via les douzièmes provisoires. Mais voilà que le gouvernement sortant, sous la houlette de Rudi Vervoort (PS), demande des dérogations, avec un projet d’ordonnance qui prévoit environ 4,1 douzièmes de dépenses, contre les 3 attendus pour le premier trimestre.

Une nécessité, selon le ministre-président, pour payer les loyers, les assurances, mais aussi les salaires, car le budget 2024 ne prenait pas en compte les indexations d’octobre 2023 et d’avril 2024. Le dérapage incontrôlé se poursuit.

Le MR et les Engagés froncent les sourcils. La Cour des comptes n’a pas reçu tous les documents justificatifs pour ces nombreuses dérogations, de sorte qu’elle ne peut pas effectuer son contrôle. Pas plus que les députés qui doivent pourtant voter le texte ce jeudi en commission, au Parlement bruxellois.

La pression est grande. Également de l’extérieur. La FGTB estime que ne pas voter le budget équivaudra à un “shutdown”. Au micro de BX1, ce matin, Aline Godfrin, députée bruxelloise du MR, disait ne pas “vouloir d’un shutdown”, mais “on ne veut pas être complice d’une aggravation de la dette non plus”.

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