Ces fusillades à Bruxelles, révélatrices d’une capitale mal aimée et mal gérée
Le trafic de drogue prend la ville en otage, à l’image d’Anvers. Un mort et des quartiers livrés à la violence. Mais politiquement, tout le monde se renvoie la balle. Comme un symbole d’une Bruxelles assiégée.
Quatre fusillades, un mort et une insécurité permanente. Ces derniers jours, Bruxelles a vécu un nouveau cauchemar, suscitant des critiques en pagaille et un chaos politique en guise de réponse. Comme pour témoigner d’un capitale mal aimée et mal gérée, les deux sentiments causant un cocktail explosif.
Bruxelles n’est pas la seule à faire face à un trafic de drogue de plus en plus intense et désinhibé dans sa violence. Avant elle, Anvers avait connu les mêmes affres de fusillades en plein jour et de règlements de compte entre dealers pour conserver un pas de porte. Mais dans la capitale, les coups sont plus durs, des morts tombent et les rivalités politiques s’aiguisent.
Bruxelles mal aimée
Il suffit de voir tourner ce matin une vidéo sur les réseaux sociaux pour comprendre la façon dont Bruxelles est perçue au nord du pays. Dans un quartier concerné par le narcotrafic, un journaliste de la VRT accompagne une équipe de policiers. Il doit porter un gilet de sécurité pour parer les éventuels coups de couteau. Faut-il rappeler le récent attentat lors du match de football Belgique- Suède, en plus de ces dérapages urbains liés à la drogue?
La vidéo en question est également relayée par Georges-Louis Bouchez, président du MR, dans l’opposition régionale. “Quand même étonnant que les meilleurs reportages sur la situation à Bruxelles soit le fait de médias flamands, souligne le libéral Etienne Dujardin qui publie ce tweet. Jamais de BX1 ou d’autres médias publics francophones.” Les libéraux ne sont pas les derniers à fustiger en permanence la mauvaise gestion de la capitale.
“Les fusillades à répétition à Bruxelles montrent que les trafiquants de drogue règlent leurs comptes avec un sentiment d’impunité jamais vu, souligne François De Smet, président de DéFI, présent dans la majorité régionale. La lutte contre la criminalité organisée est une responsabilité fédérale. Nous devons nous mobiliser pour empêcher la Belgique de se transformer en narco-Etat.”
Très juste, mais cela témoigne aussi du bras de fer qui est en cours.
Bruxelles mal gérée?
La Région et le fédéral se renvoient la balle, comme en témoigne fort justement Le Soir ce jeudi matin. Rudie Vervoort (PS), ministre-président bruxellois, a exprimé son courroux lors de ses voeux, mercredi. “J’ai moi-même certains pouvoirs dans ce genre de situation, comme nos bourgmestres, mais ces pouvoirs sont limités, et là, dans la situation présente, on parle de trafic de stupéfiants, c’est l’affaire du gouvernement fédéral, de la police judiciaire fédérale“, souligne-t-il.
Et Rudi Vervoort de dénoncer: “Le chef de corps à Bruxelles l’a dit lui-même, tout le monde le dit, il manque 20 % des effectifs à Bruxelles, quelque 200 agents, c’est un problème structurel, et le fédéral ne bouge pas, le ministère de l’Intérieur n’opère pas, donc nous voilà démunis, forcément.”
Réplique fédérale, dans le même quotidien: “C’est la faute du fédéral ? Toujours la même rengaine. Les 20 % d’effectifs manquants ? Demandez au collège de police des trois communes concernées, Saint-Gilles, Anderlecht, Forest. Les bourgmestres, dans leurs prérogatives, ont-ils investi intelligemment ces dernières années ? Dans les infrastructures, les véhicules, le personnel ? Ils n’ont pas fait les bons choix, et quand ça tourne mal, alors ils accusent le fédéral… C’est déplorable.”
Cela dit, le Premier ministre, Alexander De Croo (Open VLD), a déjà été vu plus réactif dans des dossiers écourant l’image du pays.
Un problème international
Paul Van Tigchelt (Open VLD), ministre de la Justice, inscrit cela dans un malaise plus large, européen: “Il semble qu’un réseau extrêmement violent, que nous pouvons relier au Peterbos tente de dominer le commerce de la drogue. Il semble également que ce réseau ait été infiltré par la mafia marseillaise.”
Un rapport d’Europol devrait préciser les sources de cette violence: “Lorsque nous aurons une image de “qui est qui”, nous pourrons mieux nous attaquer au problème“, dit Paul Van Tigchelt.
La capitale de l’Europe n’est, forcément, pas épargnée par ce mal qui ronge les Etats européens. Sa complexité institutionnelle et son rapport difficile avec les autres Régions en font toutefois une cible privilégiée. En Flandre, voire en Wallonie, certains y voient la confirmation que quelque chose ne tourne pas rond autour de la plus belle Grand-Place du monde. Tandis qu’à Bruxelles prévaut ce sentiment permanent que notre pays n’aime décidément pas sa capitale.
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