Brussels Airport: non il n’est pas prévu de “déplacer secrètement” les nuisances vers la Flandre

© Belga
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Brussels Airport est à nouveau le centre d’une bisbrouille linguistique, qui oppose les gouvernements flamand et fédéral. Selon le gouvernement flamand, la récente modification des trajectoires de vol, résultant d’une nouvelle technique de navigation, entraîne davantage de nuisances pour la périphérie flamande. Deux ministres flamands, Ben Weyts, chargé de la périphérie et sa collègue de l’Environnement Zuhal Demir (tous deux N-VA), ont annoncé qu’ils allaient invoquer une procédure en conflit d’intérêts contre la dernière modification des routes aériennes de et vers l’aéroport de Bruxelles.

Depuis le 5 octobre, les avions à destination et en provenance de l’aéroport de Bruxelles suivent de nouvelles routes aériennes. Le département flamand de la recherche souligne qu’à cause de cela les habitants des communes de la périphérie nord de Bruxelles subissent davantage de nuisances sonores qu’auparavant, et ce tant le jour que la nuit. Le gouvernement flamand, par l’intermédiaire du ministre en charge de la Périphérie flamande, Ben Weyts (N-VA), invoque donc un conflit d’intérêts. Mais selon le ministre fédéral de la Mobilité, Georges Gilkinet (Ecolo), la nouvelle technologie de navigation ne modifie pas la répartition des vols sur l’aéroport et les trajectoires de vol. Qui a raison ?

Ring-Route, route de jour, représentant 20 % de l’ensemble des départs. © Trends
Route de jour avec virage à gauche, représentant 46 % de l’ensemble des départs.
– En bleu : situation avant le 5 octobre 2023 (routes conventionnelles)
– En rouge : situation après le 5 octobre 2023 (nouvelles routes) © Trends
Zulu-Route, la route aérienne de nuit. © Trends

Nouvelle technologie

Depuis le début du mois, certaines routes de départ qui traversent la limite nord de Bruxelles utilisent les procédures d’approche PBN (“Performance Based Navigation”), une technologie obligatoire en Europe qui recourt à des satellites plutôt qu’à des balises et à des systèmes d’aide à l’atterrissage au sol, comme par le passé, a expliqué une porte-parole de M. Gilkinet à l’agence Belga.

“Les balises radio au sol servaient à guider les avions vers et depuis les aéroports”, précise encore Wouter Dewulf, économiste de l’aviation (UAntwerpen). “Il s’agissait en quelque sorte d’émetteurs placés le long de la trajectoire de vol. Aujourd’hui, c’est la navigation par satellite qui s’en charge. Cela signifie que les trajectoires de vol sont désormais plus précises, car les signaux satellitaires sont justement beaucoup plus précis.

“Aujourd’hui, un avion suit toujours exactement la même route, avec une marge de 20 à 30 mètres. Auparavant, au moment du décollage ou de l’atterrissage, il se trouvait parfois à 200-300 mètres plus à gauche ou plus à droite. Ce n’était absolument pas dangereux. Un satellite a une précision de 10 mètres. La technologie est également beaucoup plus robuste, car une balise radio peut tomber en panne. Alors qu’il y a beaucoup, beaucoup de satellites qui tournent autour de la Terre”.

Toujours les mêmes qui trinquent

“La navigation basée sur les performances est plus efficace et plus sûre. Autre avantage : il n’y a plus rien à régler lors de l’atterrissage. L’avion atterrit parfaitement, même dans le brouillard”. Mais cette précision a aussi des conséquences désagréables. “L’inconvénient est que la technique est trop précise et que l’on concentre un peu plus les nuisances”, explique Eddy Van de Voorde, économiste aviation à l’UAntwerpen.

“Le bruit des avions est conique, il se propage donc à gauche, à droite et en bas”, ajoute encore M. Dewulf. “Si cet entonnoir tombe toujours au même endroit, ce sont toujours les mêmes personnes qui subissent le bruit. On concentre donc la nuisance plus qu’on ne la disperse”.

“L’aéroport de Bruxelles utilise généralement une seule piste (25R), parce que l’on préfère décoller avec le nez au vent et que le vent vient généralement de l’ouest”, précise M. Dewulf. “Par conséquent, ce sont toujours les mêmes personnes qui subissent le bruit au-dessus d’elles.

La faute à qui ?

La révision de ces routes n’a donc pas été faite pour des raisons électorales ? “Le ministre ne l’a pas fait exprès”, répondent les deux experts en aviation. “Si ces routes peuvent être modifiées, il faut six mois pour qu’elles soient à nouveau approuvées. Constatation appuyée par le cabinet du ministre, il n’est pas prévu de “déplacer secrètement” les nuisances vers la Flandre et d’ailleurs le ministre dit avoir déjà pris des mesures pour réduire la pression sonore sur les riverains.

Georges Gilkinet a d’ailleurs précisé à VRTNWS qu’il s’agit d’une obligation européenne de passer à la navigation basée sur la performance. “L’intention est de rendre ces routes aériennes similaires aux routes conventionnelles. J’ai demandé à la Direction générale du Transport aérien (DGTA) une analyse approfondie et une comparaison entre l’ancien et le nouveau système. J’attends les résultats. Si nécessaire, il y aura des ajustements”, promet la ministre de la mobilité verte.

“Conflit d’intérêt ou pas, rien ne peut être changé en ce qui concerne la technologie. La critique est valable, mais le gouvernement flamand ne doit pas non plus exagérer. Il s’agit surtout d’une fièvre électorale”, conclut M. Dewulf

Et pour les nuisances sonores, la perception joue également un rôle. “Les vols à l’aéroport de Bruxelles-National n’ont pas encore atteint le niveau de 2019, soit avant la crise sanitaire, et ils sont également inférieurs à ceux de 2001, avant la faillite de la Sabena. De plus, pendant justement cette période du Covid, ils se sont débarrassés de tous les avions les plus bruyants. La plupart des avions qui volent aujourd’hui sont plus modernes. Mais il est vrai que les nuisances sonores sont de toute façon plus élevées qu’en 2020 et 2021, lorsque tout était à l’arrêt, et donc cela modifie également la perception.

La “poubelle du bruit de l’Europe”

M. Gilkinet a déjà mis sur la table la suppression des vols intérieurs de courte distance et la révision des “Quota Counts” (QC, quota de bruit maximum par mouvement durant certaines tranches horaires). “Je comprends l’inquiétude des riverains, qui souffrent énormément des nuisances sonores provoquées par notre aéroport national. Je travaille en toute transparence et je veux absolument éviter que Bruxelles National ne devienne la poubelle du bruit de l’Europe”, a ajouté M. Gilkinet.

Mais ce n’est pas pour autant que le ministre fédéral est tiré d’affaire. “Georges Gilkinet a eu trois ans pour résoudre le problème”, affirment Dewulf et Van de Voorde. “C’est ce que prévoit l’accord de coalition fédéral. Ce n’est pas en s’y prenant un mois à l’avance, pour ainsi dire, que l’on va résoudre le souci. C’est un dossier très difficile. Beaucoup de ministres ont grincé des dents à ce sujet”.

Sa déclaration, selon laquelle l’aéroport de Bruxelles ne doit pas devenir la “poubelle à bruit” de l’Europe, suscite également un certain ressentiment. “C’est absurde, car dans l’aviation, il y a toujours au moins deux pôles”, affirme M. Van de Voorde. “Un avion qui atterrit ou décolle ici a décollé ou atterrira ailleurs. Alors comment pouvons-nous être la poubelle du bruit ? C’est une affirmation très malheureuse. »    Selon M. Gilkinet, un groupe de travail technique doit se concerter cette semaine avec les Régions.

Laurens Bouckaert

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