Brexit: la vidéo qui fait le buzz
Plus de 4 millions de vues sur YouTube en dix jours. C’est monnaie courante pour Orelsan ou Stromae. Cela l’est moins pour un vidéo purement économique d’une demi-heure produite par le Financial Times.
Et pourtant, c’est le score étonnant réalisé par la vidéo publiée sur Youtube“The Brexit effect : how leaving the EU hit the UK”.
Une vidéo dans laquelle, loin des slogans politiques, le FT lève le voile, en interrogeant patron d’entreprises et économistes, sur l’impact réel de la sortie de l’Union européenne pour le Royaume-Uni.
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Le premier effet, rappelle le quotidien dans ce petit film, a été de faire plonger la livre d’une dizaine de pour cent, ce qui a renchéri immédiatement le prix des produits importés, sans pour autant soutenir les exportations. L’inflation, par ce simple mécanisme, a augmenté de 2 à 3 %. Cela a rendu simplement les gens plus pauvres : on a estimé la perte de revenu réel induite par cette première réaction au Brexit à 870 livres par ménage et par an.
Puis, comme les performances économiques n’ont pas été au rendez-vous, les gouvernements britanniques successifs ont essayé de réveiller la flamme. Par toute sorte de moyens, de plus en plus osés. Cette politique a connu son point d’orgue voici quelques semaines, avec ce projet “téméraire” de mini-budget, accordant de larges cadeaux fiscaux sans proposer des pistes pour les financer. Un projet tellement téméraire que les marchés financiers se sont révoltés et ont provoqué un incroyable chaos, secouant la livre sterling et faisant bondir les taux d’intérêt.
En queue de peloton
La vidéo montre que désormais, l’économie britannique est en queue de peloton. La comparaison de ses performances avec celles des autres économies les plus avancées est parlante : depuis le milieu de l’an dernier, le ratio commerce/PIB, qui mesure l’importance du commerce international pour l’économie d’un pays, est le plus bas des pays du G7.
L’an dernier voit en effet l’instauration du “trade and cooperation agreement”, ces nouvelles normes régissant les relations commerciales entre l’UE et le Royaume-Uni. Les règles sont désormais basiques et bien plus contraignantes. La patronne d’une société spécialisée dans l’exportation de thé explique qu’une livraison pour l’Italie prend désormais 12 semaines, en raison des délais d’attente aux douanes et de la paperasserie à remplir. Et la chef d’entreprise de dire que sur le premier semestre de cette année, elle n’a plus simplement pu rien vendre dans l’Union européenne : le Royaume-Uni étant désormais traité comme une partie tierce, l’entreprise doit se plier aux règles différentes des 27 États membres. Un casse-tête.
Dès lors, le nombre de relations commerciales réalisées par les petites entreprises britanniques a chuté d’un tiers. Des économistes estiment que cette baisse de l’intensité des relations d’affaires avec l’Union aura un impact négatif de 470 livres par an sur les salaires.
Idem du côté des investissements, qui décrochent depuis 2016 par rapport à la croissance des autres pays du G7. Les investisseurs n’ont simplement pas retrouvé le chemin de l’économie britannique.
Paradoxe irlandais
Une région a profité de la situation : l’Irlande du Nord, qui est désormais, selon les accords, la seule partie du monde qui puisse avoir un pied dans le Royaume-Uni et conserver un pied dans l’Union européenne pour le marché des biens. Mais ce succès régional non seulement prouve par l’absurde à quel point il était suicidaire de quitter l’Union, mais il réveille aussi des questions identitaires qui pourraient faire imploser le Royaume-Uni : pourquoi, dès lors, ne pas réunifier les deux Irlande ? Et accessoirement, pourquoi l’Écosse, notoirement anti-brexit, ne demanderait-elle pas, elle aussi, son indépendance ?
Le succès de la vidéo du FT s’explique parce qu’elle met les points sur les “i” : elle confronte les slogans aux réalités économiques. Désormais, l’omerta qui transparaissait dans la classe politique britannique sur l’impact réel du Brexit est en train de se lever : les piètres performances du pays ne peuvent plus se cacher derrière la période de transition ou le covid. Il y a un élément structurel, et déprimant, que l’on ne peut plus occulter : vouloir quitter un marché commun d’environ 400 millions de personnes se paie cash !
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