Bouchez au Cercle de Wallonie: “Mon but n’est pas de gagner des voix, mais de gagner les esprits”
L’omniprésent président du MR a vendu, devant des patrons conquis, cinq grandes réformes pour mener une “guerre culturelle” et transformer la Belgique. Non sans avouer sa déception à l’égard de la Vivaldi.
“Le président de parti omniprésent”: tel était le thème de la conférence donnée par Georges-Louis Bouchez, président du MR, au Cercle de Wallonie, mardi 9 novembre à midi, au Bivouac à Braîne-l’Alleud. Devant un parterre de chefs d’entreprises plutôt acquis à sa cause, le feu-follet de 35 ans a déroulé et secoué, sans tabou, comme il en a l’habitude. Lui qui, rappelait en introduction le vice-président de la FEB, Jean Eylenbosch (Coca Cola), entend incarner une “droite populaire et non populiste”.
“On me présente souvent comme quelqu’un de clivant, entame-t-il. Ce qui est particulier, ce n’est pas l’usage du qualificatif, mais la connotation négative qu’on lui donne. Or, c’est l’essence même de la démocratie.” Le fait d’être clivant, soutient-t-il, c’est précisement le fait de défendre une position. Et c’est ce que les partis, à l’entendre, ne font plus assez. “Il ne faut pas s’étonner que, d’élection en élection, ce sont les populistes qui augmentent.”
Georges-Louis Bouchez rappelle le début des années 2000, quand le gouvernement Verhofstadt avait la chance de pouvoir mener de front une grande réforme fiscale et le maintien d’une norme importante de la sécurité sociale. “Il y avait une très grande ressemblance entre tous les partis politiques: ils s’habillaient pareil, ils pensaient pratiquement pareil. L’enjeu, alors, était de chercher des voix au centre.”
En cette période de grands changements, les extrémistes ont le vent en poupe et des grands choix de société doivent être posés. Or, les moyens budgétaires ne sont plus aussi larges. Résultat: “on retrouve des politiques de gauche et des politiques de droite“. S’il a mis l’accent sur la philosophie politique du libéralisme lorsqu’il a pris la tête du parti, c’est pour faire exister le MR et, soulignera-t-il plus tard, faire en sorte que son parti devienne le nouveau parti pivot dont le pays a besoin pour mener à bien de grandes réformes.
Le credo est le suivant: “gagner les esprits plutôt que gagner des voix“.
La démonstration se fait en cinq temps. Avec des accents fort qui font sourire l’assemblée. Une vision proclamée sans la moindre note écrite, ce qui séduit les patrons. Ce leitmotiv fort laisse parfois songeur, quand on sait que le MR participe à tous les niveaux de pouvoir (sauf Bruxelles).
1. Activer le marché de l’emploi
Le président libéral insiste sur le fait que le taux de l’emploi belge est insuffisant. “Le taux d’emploi moyen chez nous est de 69%. En Allemagne, il est de 84%! Et chez nous, cela cache de fortes disparités régionales: 72% en Flandre, 62% en Wallonie et 59% à Bruxelles.” Ce chiffre-là est plus significatif que celui du chômage, insiste-t-il, parce que les réformes du passé ont généré un déplacement du chômage vers les maladies de longue durée et l’incapacité de travailler. “Comment se fait-il que certains ont plus vite mal au dos dans certaines régions?, ironise-t-il. Je n’ai pas le sentiment que l’on doive marcher plus ou que le climat suscite plus de rhumatismes.”
L’allongement du temps de carrière et l’activation des demandeurs d’emploi constituent dès lors deux pierres d’angle fondamentales de toute réforme pour l’avernir. Il s’agit d’assurer la viabilité du système. “Si vous comencez à travailler à 20 ans et que vous terminez à 60 ans, cela signifie que tenant compte de l’espérance de vie, vous passez plus de temps inactif qu’actif.”
2. Réformer les pensions
Chaque année, le coût des pensions augmente de 1 milliard d’euro, souligne Georges-Louis Bouchez. La croissance belge est entièrement avalée par le vieillissement de la population. “Notre régime de pensions est coûteux, mais il est aussi profondément injuste“, souligne le président du MR. Il cite le cas d’un chauffeur de bus qui, selon son statut, recevra une pension très différente: 1000 euros pour celui qui travaille en tant qu’indépendant, 1200 – 1500 euros pour le salarié, plus de 2000 euros – “le Graal” – pour celui qui travaille au TEC. Conclusion: “Il faut une convergence des pensions et tendre vers un statut unique.”
Au passage, il épingle le PS dont des communes – il cite malicieusement celles de Stéphane Moreau et de Alain Mathot – ont une large majorité de contractuels. “C’est hallucinant d’aller défendre au fédéral des modèles qu’ils ne peuvent même même pas défendre au niveau local.”
Au passage, Georges-Louis Bouchez annonce que, dans l’état actuel, son parti s’opposera au “plan Oxygène” par lequel le gouvernement wallon voudrait reprendre les charges des pensions du personnel communal à Liège, Charleroi ou Mons. On ne peut décider quelque chose qui revient à donner une prime à la mauvaise gestion des quarante dernières années, précise-t-il.
3 Revoir en profondeur l’enseignement et la formation
“Si on veut augmenter le taux d’emploi, on doit impérativement améliorer notre enseignement”, souligne le libéral. qui tacle particulièrement le fondamental, dont la ministre PS Caroline Désir a la charge. “Il faut qu’en troisième primaire, un enfant soit capable de livre et écrire et compter. C’est la base! Il est invraisemblable qu’à l’université, on doive encore créer des groupes de travail pour apprendre le b.a-ba!” Ou encore: “Vous connaissez beaucoup d’organismes qui subventionnent l’échec? Moi, j’en connais une, la Fédération Wallonie Bruxelles.”
Ironique encore, le président du MR s’étonne de cette nouvelle mode qui consiste à déposer des recours en permanence contre les professeurs. Il souligne l’importance de la réforme initiée par la ministre de l’Enseignement superieur, Valérie Glatigny (une MR), pour réduire la durée des études universitaires. “Certains mettaient dix ans pour obtenir un diplôme, le moins que l’on puisse dire, c’est qu’ils approfondisssent la matière.”
En matière de formation qualifiante, Bouchez appelle a une réforme de la réalité plus qu’à un changement de qualité, il s’agit de revaloriser les métiers, mais aussi d’améliorer le lien entre formation et emploi. “On a 125 CIS, des centres de formation socio-professionnelle, en Wallonie. On a un business de la formation qui arrange bien tout le monde, les syndicats en premier lieu.” Mais le système coûté bien trop cher – 2,3 milliars si l’on tient compte de tout – alors qu’il reste 220 000 demandeurs d’emploi, clame-t-il. En fustigant le taux de chômage d’emploi des jeunes à 50% dans les grandes villes ou les “générations de chômeurs” dans certaines familles.
4 Réformer la fiscalité en profondeur
“Le système fiscal belge est trop compliqué, souligne le président du MR. Le plus facile à faire serait de supprimer 3/4 des codes fiscaux actuels.” Pourquoi, alors, s’est-il précisément opposé à la suppression d’une niche fiscale lors du conclave budgétaire, sous la forme d’une suppression de l’adjuvant pour une seconde ou une troisième résidence? “Je serai d’accord le jour où l’on diminue d’abord le taux nominal.” Là encore, le PS est l’objet de ses critiques.
La Vivaldi dans son ensemble n’est d’ailleurs pas épargnée. “Sous le gouvernement de Charles Michel, nous avons fait un tax shift de 10 milliards d’euros qui a créé 220 000 emplois. Ici, nous avons un plan de relance de 5 milliards qui créerait moins de 5000 emplois. Avoir le PS au gouvernement, cela permet visiblement d’éviter les critiques.”
5 Réussir la révolution énergétique par la technologie
Enfin, le président du MR insiste longuement sur son dernier combat: la nécessité de préserver deux centrales nucléaires – voir la possibilité d’en construire de nouvelles – pour réussir la transition énergétique. Or: “Si vous lisez bien le rapport d’Elia, le CRM, c’est à 87% du gaz”, dit-il. “J’aimerais bien que l’on m’explique comment on fait pour aller à Glasgow tout en s’engageant à des émissions de 13 millions de tonnes de CO2 avec ce choix du gaz.”
Fondamentalement, démontre-t-il, il s’agit de croire en la croissance et au progrès pour réussir les révolutions qui nous attendent. Contrairement aux écologistes et les activistes qui le soutiennent, qui prônent en sourdine la décroissance. “L’histoire a démontré que ce sont les pays riches qui ont pris soin de la planète avec les technologies et le progrès.” C’est la voie de l’optimisme libéral. Et aux patrons qui l’ont écouté, il précise: “Je ne pense pas qu’il y ait beaucoup de partisans de la décroissance ici, si?”
Avant de soutenir encore, en réponse à la première question: “Le premier choix que le politique doit faire, ce n’est pas de gagner les voix, mais de gagner les esprits.” En espérant que les voix suivent: “Je sais que pris un risque en disant que je voulais le MR à 30%, que les journalistes me le reprocheront si on est à 27%, mais ce n’est pas grave. L’important, c’est la dynamique que cela induit.”
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