Bientôt la fin de la taxe Reynders ? Rien n’est moins sûr

Didier Reynders

Avec l’écroulement probable de l’Arizona, la suppression de la taxe Reynders de 30 % un temps évoquée risque elle aussi de passer à la trappe. Pourtant cette taxe est un véritable boulet pour les investisseurs. D’autant plus qu’elle frappe l’investissement le plus populaire en Belgique : les fonds mixtes composés d’obligations et d’actions.

Contrairement à d’autres pays européens, la Belgique ne connaît pas de taxe générale sur les plus-values. Ainsi, si vous vendez une obligation, une action ou une part d’un fonds de placement à un prix supérieur à celui de l’achat, cette plus-value n’est pas imposable. Pour autant que vous l’ayez fait avec prudence. Car si l’administration fiscale estime que la plus-value est due à un comportement spéculatif, par exemple si vous avez effectué de nombreux achats et ventes sur une courte période, l’impôt sur les plus-values de 33 % s’applique. La frontière entre un spéculateur et un bon père de famille est évaluée au cas par cas par les autorités fiscales.

Il existe cependant une exception importante à cette règle générale : la taxe Reynders. Elle est aussi appelée “taxe sur la plus-value des fonds d’investissement”.  Cette taxe est prélevée sur les plus-values de capitalisation des fonds obligataires. Concrètement si vous achetez des parts d’un fonds obligataire et que vous les vendez plus tard à un prix plus élevé, vous payez un impôt de 30 % sur ce gain ou cette plus-value.

La taxe Reynders n’est pas la seule anomalie fiscale en ce qui concerne les investissements. Sauf qu’ici elle touche particulièrement les investisseurs qui agissent en bon père de famille. Soit le gros des investisseurs belges. Ces derniers détenaient en portefeuille, à la fin de l’année dernière, pour 164 milliards d’euros de fonds concernés par la taxe Reynders.

En place depuis 2006

Cette taxe porte le nom du ministre des finances de l’époque, Didier Reynders (MR). Elle a été introduite en 2006 sur les fonds d’investissement dont le portefeuille est composé d’au moins 40 % d’obligations. C’est en réalité une transposition d’une directive européenne en droit belge. Elle vise à encourager les investissements à long terme et à décourager la spéculation.

Au départ, elle a aussi été introduite pour mettre fin à la situation où ceux qui investissaient dans un fonds obligataire qui capitalisait les intérêts n’avaient pas à payer de précompte mobilier (PM). À partir de 2008, les éventuelles plus-values ont également été incluses dans la base de calcul du PM. À l’époque, le taux était de 15 %.  Il est aujourd’hui (et depuis 2017) de 30 %.

Cela se complique encore lorsqu’on sait qu’à l’origine, le ministre Reynders avait fait en sorte que seuls les fonds disposant d’un passeport européen soient soumis à la taxe sur les intérêts et les plus-values. Ce qui faisait qu’un grand nombre de fonds basés en Belgique et au Luxembourg pouvaient donc encore être capitalisés « gratuitement ».

En 2013, nouveau changement de cap. Le Premier ministre de l’époque, Elio Di Rupo (PS) supprime ce cadeau fiscal et y ajoute un effet rétroactif de cinq ans. Dans les faits, cela s’est traduit par des épargnants qui se sont retrouvés face à une montagne d’impôts différés à payer.

Comment la calculer correctement ?

Tout cela fait que le calcul de la taxe Reynders est assez complexe, pour ne pas dire kafkaïen. Surtout si vous investissez dans des fonds situés à l’étranger. Il n’est donc pas rare de payer trop d’impôts ou d’avoir une bien aigre surprise. 

Pour rappel seuls les revenus et les plus-values que le fonds tire des titres à revenu fixe sont soumis à cet impôt. Elle vise en effets les fonds ou les trackers qui investissent plus de 10% dans les produits productifs d’intérêts, comme les obligations, les certificats du trésor ou encore les obligations d’entreprise.

Il faut donc en premier lieu déterminer de quel type de fond il s’agit

  • Si c’est un fonds obligataire pur, ils sont toujours soumis à la taxe Reynders lors de la vente. Peu importe qu’il s’agisse d’un fonds de distribution ou de capitalisation. La taxe sera appliquée dans les deux cas. L’investisseur devra par contre aussi payer une taxe sur les opérations boursières lors de la vente d’un fonds de capitalisation.
  • Fonds mixtes (qui contiennent à la fois des actions et des obligations). L’impôt ne sera dû que sur la partie « obligations et espèces », sauf si le fonds investit plus de 90 % en actions. Dans ce cas il ne sera pas non plus soumis à la taxe.
  • Fonds d’action : La taxe Reynders n’est jamais appliquée.

Concrètement si vous réalisez un bénéfice de 100 euros sur la vente d’un fonds qui n’investit que dans des obligations, vous paierez 30 % d’impôt sur les plus-values. Si ce fonds n’est composé qu’à moitié d’obligations, c’est cette moitié qui sera taxée.

L’assiette fiscale

Un autre point est une détermination correcte de l’assiette fiscale. Or dans un fonds mixte, où la proportion d’obligations change constamment, ce n’est pas évident. Pour simplifier le calcul, certains fournisseurs de fonds calculent quotidiennement une valeur de revenu imposable par action (TIS). Cette valeur TIS représente la part de la valeur nette d’inventaire constituée de revenus imposables provenant d’obligations. Pour rappel une plus-value sur une obligation se produit lorsque le taux d’intérêt tombe en dessous du taux d’intérêt en vigueur au moment de l’achat. Il peut également y avoir des moins-values lorsque l’inverse se produit. Mais le calcul de cette valeur demande beaucoup de travail. Du coup de nombreux fournisseurs de fonds, souvent étrangers, ne le font pas.

L’investisseur peu méfiant paie la note

Si on n’a pas de valeur TIS, une autre option est un test d’actifs. Il révèle le pourcentage moyen du fonds investi en obligations. Si il n’y a ni TIS ni test d’actif, c’est la totalité du gain en capital est considérée comme la base imposable. En effet, les banques, qui collectent cette taxe pour le gouvernement, peuvent également calculer la base d’imposition à un taux forfaitaire. Elles doivent ensuite déterminer la part du fonds investie en obligations (par exemple 50 %). Ce n’est qu’après qu’elles examinent le montant total de la plus-value réalisée lors de la vente. Concrètement la banque déduira la taxe sur la moitié de ce montant. Comme souvent quand c’est standardisé, le manque de nuances fait que l’on paye généralement trop.

Par exemple parce que la plus-value sur les actions est généralement plus importante que sur les obligations. Ou parce que l’on ne connait pas toujours la date d’achat. En effet, si vous ne pouvez prouver vous-même la date d’achat, la banque prélèvera la taxe sur l’ensemble de la plus-value réalisée depuis le 1er juillet 2005 (ou 2008).

Un “terrain de jeu plus équitable » en matière de fiscalité pas pour tout de suite

C’est aussi pour toutes ces raisons que certains fonds mixtes ne sont tout simplement fiscalement pas intéressants pour les Belges.

Les ETF (à l’exception des ETF d’actions) sont également soumis partiellement à cette taxe. La taxe Reynders fait en outre doublon avec la taxe boursière (en cas de vente) instaurée pour cibler les fonds de capitalisation. Aujourd’hui, cette taxe s’élève à 1,32 % de la valeur totale du fonds. Enfin si les courtiers belges s’occupent généralement de cette taxe Reynders pour leurs clients. Les courtiers étrangers (souvent moins chers), ne la gèrent pas.

La super-note du formateur Bart De Wever parlait d’un « terrain de jeu plus équitable » en matière de fiscalité. Elle proposait une taxe sur les plus-values de 10 % sur les investissements. Cela sous-entendait aussi une probable suppression de la taxe Reynders. Mais vu les derniers couacs, la super-note risque bien de finir aux oubliettes. Tout comme la fin envisagée de la taxe Reynders.

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