Inauguré en 2022, le très coûteux navire de recherche Belgica n’est plus sorti en mer depuis un an. Depuis juin, il rouille dans la base navale de Zeebruges. La faute à un litige juridique entre les autorités belges et Genavir.
Le Belgica, inauguré en 2022, a été conçu pour passer 300 jours par an en mer à des fins de recherche scientifique. A la pointe de la technologie, le navire est pourtant gardé à quai, sans eau ni électricité depuis qu’un conflit a éclaté avec l’armateur français Genavir. Car si le bateau est bel et bien la propriété du gouvernement belge, le Belgica a vu son exploitation confiée à la compagnie française Genavir, officiellement nommé opérateur du navire en 2021.
Pourquoi un tel gâchis ?
Mais l’année dernière, la compagnie, responsable de la maintenance et de l’équipage (principalement des marins venus de Lettonie), a fait l’objet d’une plainte pour dumping social après qu’elle ait tenté de conclure une convention collective de travail (CCT) en Lettonie. Or le Belgica naviguant sous pavillon belge, cette action constituerait une violation de la Convention maritime du travail, un traité de l’Organisation internationale du travail (OIT). Malgré plusieurs demandes, Genavir ne se serait pas mis en conformité et sa licence de navigation lui a été retirée par le gouvernement fédéral.
En réaction, Genavir a alors résilié unilatéralement le contrat en 2024 et entamé dans la foulée une action en justice contre les autorités belges. Comme la procédure est encore en cours, aucune des deux parties ne souhaite s’exprimer sur le contenu de ces actions. En sachant que le tribunal de première instance francophone de Bruxelles accuse du retard, autant dire que la situation pourrait encore s’éterniser.
En attendant, le Genavir ne réalise plus qu’un entretien minimal du bateau, histoire d’éviter qu’il ne coule. Ce qui exclut de facto toute mission scientifique.
250 jours en mer par an pour être rentable
Or pour rentabiliser cet outil dans lequel l’état a tout de même investi 54,5 millions, il faudrait que le Belgica soit en mer au moins 250 jours par an. On est très loin. En 2023, le Belgica a effectué 248 jours de recherche en mer ; en 2024, seulement 29 jours. Et en 2025 ? Pas une seule journée.
Et rien de bon n’est annoncé pour l’année prochaine ni celle d’après. Bien que la communauté scientifique ait sollicité 350 jours de navigation, le navire océanographique Belgica devrait rester à quai toute cette année. La ministre de la Politique scientifique Vanessa Matz (Engagés), vient en effet d’annoncer que pour l’année 2026, il n’est pas certain que le bateau parte en opération. Si des discussions ont été entamées avec la Défense pour reprendre (provisoirement) les missions de Genavir, aucun planning n’a été réalisé. Il reste cependant un peu de marge puisque celui-ci est établi en septembre de l’année qui précède.
Deux solutions sur la table
Pour l’instant deux solutions sont sur la table. Continuer avec Genavir ou lancer un appel d’offres pour un nouvel exploitant. Mais en admettant que la ministre lance un nouvel appel demain, il faudrait un an pour boucler la procédure. Il n’y a donc pas de vraie solution dans l’immédiat.
Ce gâchis est un désastre pour la communauté scientifique qui a vu déjà plusieurs missions scientifiques de premières importances tomber à l’eau. Pire encore, les données scientifiques risquant de manquer pour certaines espèces en 2025, l’Europe pourrait appliquer le principe de précaution, soit réduire certains quotas de pêche.