Baisse des taux: des opportunités 
sur les marchés…

© Getty Images

Mais attention aux fausses bonnes idées. Même si les grandes banques centrales n’ont pas encore bougé le petit doigt, les marchés ont déjà largement anticipé le recul du loyer de l’argent.

Qui dit baisse des taux dit normalement hausse des obligations. En effet, une obligation offrant un taux de 5% se revend plus cher si les nouvelles n’offrent plus qu’un taux de 3%. La perspective de baisses de taux par la Réserve fédérale américaine (Fed) et la Banque centrale européenne (BCE) est donc de bon augure pour les obligations.

Toutefois, cette hausse des cours des obligations a déjà largement eu lieu, les taux de référence sur les marchés ayant sensiblement reflué depuis octobre. En ­Belgique, le rendement annuel des obligations souveraines (OLO) à 10 ans est ainsi passé d’un pic de 3,7% à 2,9% aujourd’hui. Aux Etats-Unis, la baisse a même été un peu plus marquée (de 5% à 4%).

Ce recul reflète les anticipations d’une baisse des taux directeurs des banques centrales, qui déterminent le loyer de l’argent à court terme. Schématiquement, le rendement d’une obligation à long terme est basé sur les prévisions de taux directeurs et une prime de terme, un “bonus” compensant notamment le risque que les anticipations ne soient pas correctes.

Normalisation de la prime de terme

Comme vous pouvez le constater ci-contre, les taux à 10 ans demeurent largement supérieurs aux planchers atteints en 2020. Les conditions étaient toutefois assez particulières à l’époque, les banques centrales luttant contre un risque déflationniste accentué par la pandémie.

Aujourd’hui, l’environnement est tout autre. D’une part, les perspectives d’inflation restent plus élevées en raison notamment du ralentissement de la mondialisation ou de la transition écologique. D’autre part, les spécialistes s’attendent à ce que la prime de terme, qui avait quasiment disparu après la crise de 2008, demeure plus élevée, reflétant l’incertitude sur les taux et les besoins de financement plus élevés des gouvernements, tout particulièrement aux Etats-Unis.

Même s’il ne faut pas espérer aujourd’hui réaliser rapidement une plus-value en achetant une obligation, les rendements actuels restent tout à fait corrects pour l’investisseur de long terme. Vous pouvez par exemple attendre la prochaine émission de bons d’Etat ou vous tourner vers les marchés boursiers. Dans ce second cas, vous avez tout intérêt à privilégier les obligations cotant sous leur prix d’émission. Cette plus-value obtenue lors du remboursement de l’obligation n’est en effet pas taxée, contrairement aux intérêts (précompte ordinaire de 30%). A noter que la liste des titres disponibles dépend de votre intermédiaire financier.

Marchés à deux vitesses

Le loyer de l’argent influence aussi grandement les marchés d’actions qui perdent en attractivité (par rapport aux obligations) quand les taux montent et inversement. Les valeurs de croissance y sont particulièrement sensibles, car une hausse des taux a aussi pour effet de réduire la valeur actuelle des profits attendus dans le futur.

Toutefois, force est de constater que la chute de 2022 n’est plus qu’un lointain souvenir. Le Nasdaq flirte avec ses records et les Sept Fantastiques (Microsoft, Alphabet, Amazon, Apple, Nvidia, Tesla et Meta) ont encore pris de ­l’embonpoint, pesant plus de 13.000 milliards de dollars au total. Les perspectives des actions de croissance dépendent ainsi aujourd’hui davantage de l’évolution de leurs résultats que des taux comme l’ont démontré les réactions extrêmes aux chiffres du 4e trimestre : de -35% pour Snap (Snapchat) à +20% pour Meta (Facebook).

D’autres segments de marché n’ont par contre pas encore (pleinement) récupéré et pourraient encore profiter de la baisse des taux.

La baisse des taux fait toutefois un grand perdant: le secteur ­bancaire. La tendance actuelle lui est même doublement négative.

Décote des immobilières

Le principal est celui des sociétés immobilières réglementées – entreprises actives dans la location d’un portefeuille de biens. L’indice paneuropéen Stoxx 600 REITs avait plongé de 33% en 2022, des taux plus élevés étant synonymes de crédits plus onéreux et de dividendes moins attractifs. Depuis, le secteur n’a pas rebondi.

Nombre de sociétés immobilières cotent ainsi toujours sous la valeur intrinsèque de leur portefeuille de biens, permettant de compenser tout risque de recul des prix de l’immobilier.

Afin d’éviter la double taxation des dividendes, vous pouvez vous tourner vers les sociétés belges ou les fonds. L’ETF Amundi FTSE EPRA Europe Real Estate (Euronext Paris ; code EPRE ; frais annuels de 0,35%) vous permet de miser en une fois sur une centaine de grandes sociétés immobilières européennes. Au niveau mondial, citons le VanEck Global Real Estate (Euronext Amsterdam ; code TRET ; frais annuels de 0,30%) surtout exposé aux États-Unis.

Aristocrates du dividende

Plus largement, les actions à dividende sont aussi à la traîne. Tout particulièrement celles que l’on surnomme les aristocrates du dividende, c’est-à-dire des entreprises capables d’augmenter durablement leur coupon année après année.

L’indice mondial MSCI World Dividend Growers Quality pointe ainsi toujours en retrait par rapport aux sommets de début 2022 alors que la plupart des grands indices (S&P 500 américain, Dax allemand, Cac40 français, etc.) ont établi de nouveaux records. Pour miser facilement sur ces “aristocrates”, vous pouvez vous tourner vers les fonds indiciels.

Dans la zone euro, le SPDR S&P Euro Dividend Aristocrats (Euronext Paris ; code EUDV ; frais annuels de 0,30%) rassemble 40 actions, allant d’Ageas à Sanofi, offrant un rendement de dividende moyen de 4,1%. Aux Etats-Unis, le SPDR S&P US Dividend Aristocrats UCITS (Bourse de Francfort ; code SPYD ; frais annuels de 0,35%) compte 16 positions avec un rendement moyen de 3,0%.

La baisse des taux fait toutefois un grand perdant: le secteur bancaire. La tendance actuelle est même doublement négative comme l’expliquait récemment Jérôme Grivet, directeur général de Crédit agricole. Les taux à court terme, déterminants pour les coûts de financement des banques, ne baissent pas (encore) alors que les taux à long terme, influençant les conditions d’octroi de crédit, diminuent depuis ­l’automne.

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