Avec le “Davos du désert”, l’Arabie saoudite tente de redorer son image
Grands PDG et riches magnats participent à partir de mardi à un forum “à la Davos” en Arabie saoudite, la riche monarchie pétrolière du Golfe qui cherche à briller après les scandales sur les droits humains et des tensions avec les Etats-Unis.
La Future Investment Initiative (FII) a été lancée en 2017 comme un pendant au Moyen-Orient du célèbre forum économique organisé chaque année en Suisse, le royaume saoudien, le plus grand exportateur de pétrole brut, tentant de redorer son image. C’est le prince héritier Mohammed ben Salmane, dirigeant de facto du royaume, qui est à l’origine de cette initiative, l’un de nombreux projets visant à diversifier l’économie saoudienne. Mais elle avait été largement éclipsée par les accusations de graves violations des droits humains, en particulier l’assassinat en 2018 du journaliste et critique saoudien Jamal Khashoggi tué au consulat de son pays à Istanbul.
Cette année, la FII, surnommée le “Davos du désert”, intervient après un retour sur le devant de la scène internationale du prince Mohammed, qui a reçu l’ex-Premier ministre britannique Boris Johnson, le président français Emmanuel Macron et le président américain Joe Biden. Avant son élection, M. Biden avait pourtant promis de faire de l’Arabie saoudite un “paria” en raison des accusations des services de renseignements américains mettant en cause le prince héritier dans le meurtre de Khashoggi. Mais avec l’invasion russe de l’Ukraine, suivie de la hausse des prix du pétrole et de l’inflation mondiale, le prince Mohammed est devenu incontournable.
A la nouvelle édition de la FII prévue de mardi à jeudi, il y aura 200 intervenants supplémentaires par rapport aux précédentes, soit 500 au total, parmi quelque 6.000 participants.
“Enorme délégation chinoise”
“La combinaison de la guerre en Ukraine, de la crise énergétique et de la hausse des prix du pétrole a renforcé l’influence géopolitique et économique de l’Arabie saoudite”, constate Kristian Ulrichsen, chercheur au centre de réflexion Baker Institute.
Pour le célèbre publicitaire Richard Attias, qui organise le forum, ce dernier montre que l’Arabie saoudite est “en train de devenir un centre mondial”. Parmi les participants figurent nombreux chefs d’entreprise de pays d’Amérique du Sud ainsi qu'”une énorme délégation chinoise”, comprenant plus de 80 PDG, a précisé Richard Attias lors d’une conférence de presse cette semaine à Ryad. “Nous n’ignorons pas les problèmes qui se posent dans le monde. Mais ce n’est pas en boycottant une plateforme quelle qu’elle soit que vous résoudrez un problème”, a fait valoir cet ancien producteur exécutif de Davos. Pourtant, la discorde entre Washington et Ryad pourrait bien peser sur la FII, aucun responsable politique américain n’ayant été invité cette année, contrairement aux éditions précédentes. Pour M. Attias, il s’agit seulement de mettre l’accent sur le monde des affaires. Jusqu’à 400 PDG américains devraient participer au forum, assure-t-il.
Relations tendues
Proches partenaires, les Etats-Unis et l’Arabie saoudite entretiennent des relations glaciales en raison de la répression implacable contre la dissidence politique dans le royaume. Ces dernières semaines, les relations se sont encore envenimées en raison de la décision des pays exportateurs de pétrole, Arabie saoudite et Russie en tête, de réduire la production pour soutenir les prix qui étaient en train de baisser. Une décision qui a provoqué l’ire des Etats-Unis.
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Ces derniers ont accusé Ryad de “s’aligner” sur la Russie qui cherche à financer sa guerre en Ukraine à travers la vente d’hydrocarbures. Mais le royaume saoudien, soutenu par d’autres pays pétroliers du Golfe, a rejeté ces accusations, affirmant que la décision était motivée par des raisons “purement économiques”. Interrogée par l’AFP, l’ambassade des Etats-Unis à Ryad n’a pas répondu aux questions sur la participation américaine à la FII. Quant aux femmes et hommes d’affaires américains, le chercheur Kristian Ulrichsen n’est pas surpris par leur participation. “J’imagine que les PDG se diront que si Biden lui-même peut se rendre en Arabie saoudite après le meurtre de Khashoggi, ils peuvent s’y rendre aussi.”
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