Avant Bloomberg, la longue liste des institutions plaçant les finances publiques belges dans le rouge

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Baptiste Lambert

“La Belgique vit au-dessus de ses moyens”. L’un des médias économiques les plus influents au monde dresse un bilan peu flatteur (le mot est faible) de nos finances publiques. Personne ne pourra se montrer surpris. Avant Bloomberg, toutes les institutions nationales et internationales ont tiré la sonnette d’alarme.

“Ce gouvernement laisse notre pays plus fort qu’avant la crise”, a déclaré mercredi le Premier ministre Alexander De Croo (Open Vld) devant la Chambre, lors de la dernière séance plénière de cette législature. Une déclaration qui a fait bondir l’opposition, mais qui, surtout, interroge sur la capacité de nos élus à prendre la mesure des défis budgétaires à venir.

Le nouveau carcan budgétaire européen qui devrait s’appliquer au 1er janvier 2025 obligera probablement notre pays à réaliser un effort d’au moins 30 milliards d’euros. Un effort que la Belgique pourra répartir en 7 ans, à condition de réaliser des réformes structurelles majeures, ce que la Vivaldi, composée de 7 partis, n’est pas parvenue à faire. La réforme des pensions ne nous protègera pas de l’augmentation du coût lié au vieillissement, le “jobs deal” n’est en rien une révolution qui fera bondir le taux d’emploi à 80% et la réforme fiscale s’est soldée par un échec cuisant.

Certes, la Vivaldi a dû faire face aux crises successives lors de la première moitié de la législature et la croissance a mieux résisté qu’ailleurs en Europe, lors de la deuxième moitié. Mais cela s’est fait au détriment des finances publiques. Et la situation budgétaire devrait encore se dégrader, plaçant notre pays dans les dernières places du classement européen. Toutes les institutions l’ont montré.

La Banque nationale

Si le déficit et la dette belge ont été légèrement revus et corrigés en 2023, respectivement à 4,4% et à 105,2% du PIB, les prochaines années s’annoncent rudes : le déficit devrait plonger à 5,2% en 2026 et la dette s’alourdir à 110%, selon la Banque nationale.

Le déficit s’alourdit en raison des charges d’intérêts sur la dette et des dépenses liées au vieillissement. Il devrait nous placer à l’avant-dernière place des déficits européens, devant la seule la Slovaquie. Pire : de tous les pays dont la dette dépasse les 100%, c’est en Belgique que la situation budgétaire se dégradera le plus. La Grèce réduira son déficit à moins de 1% en 2025, l’Espagne sera proche de l’objectif de 3% tandis que le Portugal sera toujours sur la voie d’un excédent budgétaire.

Dernier point d’attention : la dégradation des finances publiques des régions. La dette de la Région wallonne et celle de la Région de Bruxelles-Capitale sont plus de deux fois supérieures aux recettes en 2023. L’année dernière, la dette des régions et communautés pesait 101,3 milliards d’euros, sur les 500 milliards d’euros de dette, au total.

Le Bureau fédéral du plan

Dans ses perspectives économiques pour 2024-2029, le Bureau du plan (BFP) ne dit pas autre chose : le déficit se stabilisera cette année, avant de plonger à nouveau. Il s’établirait à 5,6% en 2029 et la dette à 116,8% du PIB, à politique inchangée. La croissance ne suffira pas à compenser l’augmentation des dépenses primaires. Et le taux d’emploi ne grimperait à l’horizon 2029 que de 2%, à 74,3%, loin de l’objectif des 80%.

Cette semaine, les partis politiques ont remis les priorités de leur programme au BFP en vue d’une évaluation. Aucun parti ne semble mesurer l’ampleur de la tâche : personne, via ses priorités, ne ramènerait le déficit en dessous des 3%.

Le Comité de monitoring

En mars dernier, le Comité de monitoring réalisait sa mise à jour des finances belges, et c’est encore pire. Le déficit public atteindrait 6,3% à l’horizon 2029, soit 44,8 milliards d’euros. L’institution voit la dette plonger à 118,9% en 2029.

La Commission européenne

Passons ensuite aux institutions internationales. En novembre dernier, la Commission européenne dressait un rapport peu flatteur sur les finances belges. Alors que les prochaines règles budgétaires devraient s’appliquer l’année prochaine, notre pays fait partie des quatre pays les plus à risques de ne pas rentrer dans les clous, en compagnie de la France, la Croatie et la Finlande. Plutôt que d’assainir soi-même son budget, la Belgique pourrait voir la Commission l’imposer, sanctions à la clé. On parle d’un effort de 4 à 7 milliards par an, selon la durée de la période d’assainissement.

Par ailleurs, la Commission européenne est loin d’être conquise par notre réforme des pensions. Ce qui devrait d’ailleurs affecter 5% de la première tranche du Plan de relance, et peut-être un total de 300 millions d’euros sur les 5,3 milliards d’euros. Chaque euro compte.

L’OCDE

L’OCDE vient tout juste de mettre à jour son rapport sur les perspectives économiques des pays industrialisés. L’institution appelle notre pays à “un plan d’assainissement coordonné à moyen terme entre toutes les entités fédérées pour garantir la viabilité des finances publiques”, mais juge que ce plan “est peu probable à court terme”, en raison “des élections du mois de juin”.

Ce qu’il faudrait faire ? Le rapport cite “un transfert de la charge fiscale du travail vers le capital” et encourage à “une plus large participation des seniors à la formation tout au long de la vie pour accroître l’offre de main-d’œuvre.” Mais ce n’est pas tout : Le recours accru à des examens approfondis des dépenses permettrait de réaliser des économies budgétaires, ajoute l’institution.

Le FMI

En octobre dernier, le Fonds monétaire international tablait sur un déficit de 5,5% du PIB à l’horizon 2028 et une dette de 115%, dans le même ordre de grandeur que les autres institutions.

Au niveau des pistes de solution, le groupe d’experts en charge d’analyser la situation financière de la Belgique faisait clairement un choix : “En raison du niveau élevé de la fiscalité, les possibilités de mobiliser des recettes fiscales supplémentaires semblent relativement limitées, même si les réformes fiscales doivent se poursuivre.”

La piste privilégiée par le FMI se portait plutôt sur la réduction des dépenses : “L’ajustement budgétaire devrait principalement se concentrer sur la rationalisation des dépenses et l’augmentation de l’efficacité, qui est à la traîne par rapport aux pays les plus performants.”

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