Amiante: Le pollueur est-il vraiment le payeur?

Si le principe du pollueur-payeur se trouve établi par décret en Flandre depuis 1995, force est de constater qu’en matière d’amiante, son application est restée timide.
Certes, un accord en ce domaine a été conclu en 2014 entre Joke Schauvliege, à l’époque ministre cd&v de l’Environnement, et Eternit, principal producteur d’amiante. Mais il ne portait que sur 4,8 millions d’euros à payer entre 2014 et 2031, une “misère” au regard des 3 milliards d’euros qui seront nécessaires pour désamianter la Flandre d’ici 2040, comme le prévoit le plan d’action flamand. Estimant ce montant totalement insuffisant, Zuhal Demir, alors ministre en charge de l’Environnement, avait rouvert cet épineux dossier en 2024. Des discussions avaient été engagées avec Eternit, mais les élections avaient tout arrêté.
Devant le peu d’empressement mis par Jo Brouns (cd&v), nouvellement en charge de l’Environnement, à reprendre ce dossier, Andy Pieters, ancien chef de cabinet de Zuhal Demir, a décidé de le transformer en initiative parlementaire. D’où la rédaction d’une note conceptuelle pour une nouvelle réglementation imposant notamment aux producteurs d’amiante une obligation légale de compensation destinée à financer la politique d’élimination progressive de l’amiante en Flandre.
“Il ne reste qu’une entreprise de cette époque, et c’est nous : cette obligation nous paraît dès lors totalement disproportionnée”, est venue plaider Eternit au cours des auditions consacrées à ce dossier. La Flandre a effectivement compté, avec Eternit, Alfit, Coverit, JM Balmat, Asbestile et SVK, jusqu’à six producteurs d’amiante. Et en début d’année, SVK, basé à Saint-Nicolas, a définitivement arrêté toute production de matériaux de construction en fibre-ciment, entraînant au passage un licenciement collectif de 79 personnes.
Trois milliards d’euros seront nécessaires pour désamianter la Flandre d’ici 2040, comme le prévoit le plan d’action flamand.
Matériau “miracle”
Considéré comme un matériau miracle, l’amiante a connu son heure de gloire entre 1950 et 1980, et plus de 3.500 applications industrielles, y compris pour les filtres à cigarettes, destinés à rassurer les fumeurs ! Nous n’avons produit qu’un seul matériau, de l’amiante-ciment, poursuit Eternit, cherchant à minimiser son rôle dans la diffusion de l’amiante. De plus, au lendemain de l’incendie de l’Innovation (1967), son utilisation aurait, selon l’entreprise, été encouragée par les autorités en raison de ses propriétés ignifuges. En réalité, il s’agit là d’une interprétation assez large de la modification du RGPT (réglementation générale pour la protection du travail), intervenue en 1978, stipulant que les locaux dans lesquels se trouvent entreposées des marchandises susceptibles de prendre feu devaient dorénavant être “construits en maçonnerie, en béton ou en autres matériaux incombustibles”.
Le mieux étant quelquefois l’ennemi du bien, l’habileté juridique avec laquelle Eternit a cherché à diluer sa responsabilité – allant jusqu’à considérer, dans un slide, comme “pollueur” non seulement le producteur, mais tout intervenant dans la chaîne de valeur, y compris l’utilisateur d’un produit – a fini par indisposer les membres de la commission, manifestement émus par le témoignage de victimes venues réclamer au Parlement, non pas des millions, mais simplement “de la reconnaissance, du respect et de l’empathie”.
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Guillaume Capron
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