Daan Killemaes
‘Allons-nous vraiment subsidier les émissions de CO2 ?’
La condition de base pour une transition énergétique rapide et réussie est une législation stable, mais cette condition n’est pas remplie, estime le rédacteur en chef du Trends néerlandophone Daan Killemaes.
Qu’il s’agisse de la liaison Oosterweel à Anvers, de la construction de nouvelles centrales électriques, du développement de l’e-commerce ou des investissements d’entreprises, il existe une constante dans ce pays. À cause d’un manque criant de prises de décision et d’une longue procédure d’autorisation, cela prend terriblement longtemps avant de pouvoir commencer quelque chose.
Cette léthargie, nous risquons à nouveau de la regretter amèrement. Si nous voulons rendre notre approvisionnement en électricité sûr, compétitif et écologique, nous avons ainsi tout intérêt à prendre des décisions sans tarder.
Nous risquons en effet de passer à nouveau à côté d’opportunités pour être dans la course en matière de voiture électrique. Des sociétés comme Umicore sont impatientes de faire de nouveaux investissements, mais elles se heurtent au mur de la lenteur et de l’inertie.
Le rêve de rendre ce pays capable de faire étalage d’une industrie de l’automobile électrique forte en 2030, soutenue par des énergies renouvelables avec suffisamment de capacité de back-up, ne doit pas s’avérer un mensonge.
Centrales nucléaires
Dans ce cas, la première salve de décisions doit être prise dès maintenant. Pourrons-nous faire sans centrales nucléaires à l’horizon 2025, alors que celles-ci constituent aujourd’hui encore le socle de notre approvisionnement en électricité ? En théorie, c’est possible.
Une étude du gestionnaire du réseau Elia souligne qu’il n’est pas nécessaire que cela coûte une fortune pour remplacer les centrales nucléaires par une combinaison d’énergies renouvelables et de nouvelles centrales au gaz.
Ce n’est pas tout. Un bond encore plus loin en direction des énergies renouvelables s’amortirait lui-même grâce à la création d’emplois supplémentaires, à la diminution des coûts d’importation de carburants fossiles et à la diminution des émissions de gaz à effet de serre.
Ça, c’est la théorie. Dans la pratique, il est déjà trop tard pour envoyer les centrales nucléaires à la pension en 2025.
Même si un pacte énergétique était rapidement entériné, avec des choix clairs, qui va y croire suffisamment pour investir des milliards dans des centrales au gaz dont la rentabilité pourrait être torpillée par un revirement politique ?
Allons-nous vraiment subsidier l’émission de CO2 ?
La condition de base pour une transition énergétique rapide et réussie est une législation stable, mais cette condition n’est pas remplie. Nous aurons encore affaire à des électrochocs dans ce pays…
Un compromis à la Belge sera peut-être possible via des fermetures phasées des centrales nucléaires à partir de 2025. L’étude d’Elia observe à cet égard, à raison, que le bonus de ce scénario, 240 à 550 millions d’euros par an, ira en grande partie vers les exploitants des centrales nucléaires, principalement le français Engie, et donc pas vers l’économie belge.
Une répartition équitable de ces gains s’impose. Une fermeture phasée nous procurerait en tous les cas un peu de temps supplémentaire, nous coûterait moins de subsides pour les centrales au gaz et ferait diminuer notre empreinte carbone.
Subsides pour l’émission de CO2
La vérité embarrassante est que ces subsides pour les centrales au gaz équivaudraient à des subsides pour l’émission de CO2, à un moment où une diminution des émissions devient toujours plus contraignante, également sur le plan économique.
Tant que le monde politique ne présentera pas un plan climatique crédible, les acteurs du marché devront compléter leurs tableurs de points d’interrogation pour l’importante rubrique ‘coûts climatiques’, à côté du point d’interrogation dans la rubrique ‘durée de vie des centrales nucléaires’.
Pas un seul management ne présenterait un plan d’investissement avec autant d’inconnues à son conseil d’administration. Avec le résultat qu’un gouvernement indécis devra subsidier à peu près toutes les formes de production d’électricité pour compenser le manque de vision.
La progression dans l’identification de l’économie et de la mobilité n’attendra pas les nouvelles centrales belges, mais elle offrira néanmoins une chance énorme à notre industrie.
Situés à un jet de pierre des constructeurs automobiles allemands, et dotés de sociétés technologiques de pointe, nous pouvons devenir un fournisseur agréé de la très prometteuse industrie de l’automobile électrique.
Umicore, un leader mondial dans les matériaux pour batteries, annonce de nouveaux investissements. Mais pas en Belgique, car tout dure trop longtemps chez nous. Il est donc grand temps que le processus de prise de décision passe à une vitesse supérieure.
Nous n’avons assurément pas comme objectif de ne plus avoir besoin de centrales électriques parce que nous ne développons plus de nouvelles industries.
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