Accrochez-vous, on va parler de déflateurs
Bon, c’est vrai, le nom n’est pas spécialement porteur. Quand on parle de « déflateur », on pense plutôt à un ballon de compensation dans un système de chauffage central ou à une pompe à vélo inversée.
Cela ne fait pas mousser les foules. Pourtant, le déflateur, c’est une notion que l’on devrait avoir en tête, surtout en cette période de hausse des prix. Alors, abandonnez cette grimace, et calez-vous dans votre fauteuil. Nous allons quand même parler quelques minutes du déflateur du PIB, un outil bien commode pour estimer l’impact de la hausse des prix dans pas mal de domaines.
Déflater, c’est dégonfler
En gros, pour mesurer la hausse des prix, on parle pratiquement toujours de « l’indice des prix à la consommation ». On prend un panier de produits standards, et on voit comment leurs prix évoluent avec le temps. Ces résultats sont toujours le fruit d’une enquête, avec les approximations que cela comporte. Comparer un panier de produits d’une année à l’autre n’est pas évident. Certains produits passent de mode (les cassettes magnétiques,), d’autres deviennent très populaires et permettent de faire de plus en plus de choses (les smartphones …), d’autres évoluent et changent de prix (les voitures, quand elles deviennent électriques), d’autres prennent une importance variable selon le contexte économique mondial (l’énergie), etc….
Mais la limite majeure de l’indice des prix à la consommation est qu’il ne permet de voir, finalement, que la hausse des prix par les lunettes du consommateur. Or, quand les prix flambent, cela concerne tout le monde : consommateurs, investisseurs, entreprises, pouvoirs publics….
Voilà pourquoi les économistes, quand ils parlent d’inflation, préfèrent souvent s’appuyer sur le « déflateur » du PIB, qui permet de déflater (de dégonfler) le PIB des effets qui relèvent de la seule hausse des prix.
Que trouve-t-on dans le PIB ?
Pour calculer le déflateur, il faut d’abord savoir qu’il existe deux manières de parler du PIB. Il y a le PIB nominal (on dit aussi le PIB à prix courant) et le PIB réel (on dit aussi le PIB à prix constant).
Quand on parle de PIB nominal, on calcule la richesse créée au prix d’aujourd’hui exprimée en euros d’aujourd’hui. Pour faire simple, un pays qui ne produirait et ne commercialiserait que 100 pommes, vendues à 0,8 euros, aurait un PIB de 80 euros (on suppose ici que les pommes sont produites sans frais).
Mais avec le temps, la monnaie s’érode. Si, un an plus tard, notre pays produit 110 pommes, vendues à 1,10 euro l’unité, son PIB atteint 121 euros, contre 80 euros l’année d’avant. Mais une partie de cette hausse est due à l’érosion monétaire (la hausse des prix), l’autre à l’augmentation de la production. Comment faire le tri ? En raisonnant à prix constant. Avec d’un côté le PIB nominal, à prix courant et de l’autre le PIB réel, à prix constant, nous pouvons calculer le déflateur du PIB, en divisant le PIB nominal par le PIB réel (et en multipliant le tout par 100). Dans notre cas, le PIB nominal serait de 121, et le PIB à prix constant serait de 88 (110 pommes, mais vendues toujours à 0,8 euro). Le déflateur serait donc de (121/88) X 100, soit 137,5. Dans notre exemple, le PIB réel a augmenté de 10% (le pays a produit et vendu 110 pommes, contre 100 l’année d’avant). Le PIB nominal, à prix courant, a augmenté de 51,25% (il passe de 80 euros à 121 euros). Le PIB réel, en volume, a augmenté de 10% (on passe de 100 à 110 unités produites). Et le déflateur permet de voir de combien a gonflé le PIB uniquement en raison des prix : si on applique le déflateur de 137,5 à la quantité produite de 110, on obtient bien le PIB nominal de 151,25.
Pourquoi le déflateur est plus complet
Pourquoi passer par ce chemin un peu compliqué plutôt que de voir l’évolution du prix du « panier de la ménagère » ? Parce que cela nous permet de voir d’une manière plus fine comment évoluent les prix.
Car on va appliquer ce calcul non seulement au PIB, mais aussi à ses composants. Le PIB (produit intérieur brut) c’est, en effet, la richesse qui est créée pendant une période donnée (généralement un an) dans un pays. Cette richesse dépend de la consommation finale des ménages, de la variation des stocks (autrement dit de ce qui est importé et exporté) et de la formation du capital brut (autrement dit, des investissements). Une autre manière de calculer le PIB est de prendre la somme des valeurs ajoutées, c’est-à-dire la somme des richesses produites qui est redistribuée ensuite sous forme de salaires, de profits et de taxes.
En prenant la méthode du déflateur, on peut donc calculer non seulement comment les prix gonflent le PIB en général, mais en particulier, selon ses composantes. Il y a le déflateur de la consommation des ménages, le déflateur des investissements, etc…. On peut voir par exemple comment évoluent les salaires, les investissements, les profits, les importations, les exportations en fonction avec les prix. Et on peut analyser les relations entre ces divers composants. On peut voir aussi si la hausse des prix est davantage tirée par l’offre (donc par la production ou les importation) ou plutôt par la demande (les investissements, la consommation ou les exportations). Ainsi, les dernières études du Fonds monétaire international concernant l’inflation ont montré, en analysant les divers déflateurs, que dans les pays industrialisés, les profits des entreprises avaient gonflé plus rapidement que les salaires, et que donc, dans ce contexte de haute inflation, en moyenne, les entreprises s’en étaient mieux sorties que les salariés. Ce sont des informations que l’on ne pourrait pas retirer simplement de l’analyse des prix d’un caddy.
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