6 conseils pour être proactif plutôt que réactif face à la crise
Le Centre pour Entreprises en difficulté vient de publier son rapport d’activité 2009 et dresse un état des lieux en région bruxelloise. Son coordinateur, Olivier Kahn, met le doigt sur les erreurs à éviter et fournit aux entreprises quelques solutions pour s’en sortir.
L’année 2009 a été particulièrement éprouvante pour les PME et les indépendants, c’est ce qui ressort du rapport que vient de publier le Centre pour Entreprises en difficulté (CEd) de la Région de Bruxelles-Capitale, et 2010 s’annonce encore difficile. “L’année dernière, nous avons ouvert 803 dossiers pour des entreprises en difficulté contre 305 en 2008, souligne Olivier Kahn, coordinateur du CEd. Les effets de la crise n’ont été perçus que tardivement par les PME-TPE. Dans une première phase, elles ont été touchées au printemps 2009 et dans une seconde, celles qui ont pu puiser dans leurs réserves, à l’automne. De la même manière qu’elles n’ont pas été frappées en même temps que les grandes entreprises, elles devront attendre quelques mois supplémentaires avant de bénéficier des effets d’une reprise.”
Le premier secteur qui a fait appel au CEd relève des services soit aux entreprises (25 %), soit aux personnes (9 %) devant le commerce, l’Horeca et la construction. Aucun secteur n’est épargné. De nouveaux métiers sont ainsi touchés par la crise comme les graphistes, les journalistes, les organisateurs d’événements, les concepteurs de sites web mais également des professions libérales (architectes, avocats, etc.). S’adressant essentiellement aux petites entreprises et aux indépendants, le CEd donne conseils et solutions spécifiques. “Les petites entreprises s’adaptent en règle générale plus vite mais elles sont également déstabilisées plus vite, commente Olivier Kahn. Pour la gestion de crise, copier les solutions des grandes est souvent une mauvaise idée et dangereux. La première chose est de déceler les problèmes et d’accepter que cela ne va pas. Beaucoup trop de dirigeants estiment qu’ils vont sortir de cette mauvaise passe en travaillant davantage, en baissant leurs prix de vente, en se diversifiant, en cherchant de nouveaux clients, etc. Autant de réflexes naturels qui peuvent s’avérer au final catastrophiques. Toutefois, la plus grosse erreur àéviter est de traiter le problème financier comme une cause alors que ce n’est qu’une conséquence. En d’autres termes, c’est la partie émergée de l’iceberg mais ce n’est pas la cause d’une défaillance. Celle-ci est à chercher dès la base qu’est l’humain et ensuite aux différents échelons qui se succèdent (stratégie, organisation, production, commercial, finances). Il convient d’analyser chacune de ces strates et de traiter les problèmes qu’on peut y trouver.” Pour chacun de ces six points, le CEd apporte son expertise ainsi que des premières solutions pour ramener la PME-TPE dans le vert.
1. Se baser sur l’humain
Quand les premiers signes de problèmes apparaissent (retards de paiement, perte de clients, etc.), il convient d’informer le personnel afin d’éviter que se développent des rumeurs tant en interne qu’en externe. Le dirigeant doit également, dans la mesure du possible, prendre du recul et se ménager des périodes de récupération physique et mentale. Cela étant, il doit avoir une attitude active et montrer qu’il est aux commandes tout en ne s’empêchant pas de chercher une personne qui l’aidera et/ou qui dirigera l’opération de redressement. En déplaçant la décision, il va automatiquement disposer d’un autre point de vue et sortir le nez du guidon. Trop de chefs d’entreprise minimisent leurs problèmes, voire les nient carrément. Et à l’arrivée déposent le bilan.
2. Développer la bonne stratégie
Parmi les premières actions à prendre : interrompre les investissements non indispensables ; se recentrer sur le savoir-faire, le métier de base ; supprimer les activités déficitaires ; continuer à investir en R&D. En d’autres termes, ce n’est pas quand les ventes de certains de vos produits et services diminuent qu’il faut commencer à diversifier vos activités. En revanche, il est crucial de développer celles qui marchent et cesser celles qui ne fonctionnent pas. A la différence d’une grande entreprise qui dispose généralement de marges de man£uvre plus importantes, la petite entreprise devra naviguer serré pour franchir les écueils et gagner des eaux plus calmes. Il est donc essentiel que le dirigeant et le personnel se focalisent sur ce qu’ils connaissent le mieux et évitent de se disperser.
3. Optimiser l’organisation
Il arrive parfois qu’une entreprise réalise d’excellentes ventes mais se retrouve en position de défaillance. C’est, par exemple, le cas d’une société active dans le webdesign dont les développeurs sont tellement absorbés par leur travail qu’ils facturent avec des mois de retard. Et lorsque les problèmes de trésorerie vont apparaître, il sera souvent difficile de remonter la pente. Optimiser l’organisation est primordial. En la matière, le CEd conseille notamment d’être très attentif aux délais de paiement des clients et à leur solvabilité, d’accélérer les flux (temps de production, de facturation, etc.), de limiter les coûts logistiques, de supprimer tout luxe en conservant un niveau de confort et de sécurité correct.
4. Revoir la production
Elément-clé d’une entreprise, la production peut parfois être l’une des causes de défaillance. Il n’est pas inutile de revoir le processus de production afin de déterminer s’il est toujours efficace et rentable. Si ce n’est pas le cas, il convient de réduire les coûts, d’accélérer la production et de favoriser la sous-traitance. “Mais attention de ne pas dépendre d’un sous-traitant à plus de 25 %, avertit Olivier Kahn. Tous les entrepreneurs savent qu’ils ne doivent pas avoir un client qui représente une part trop importante de leur chiffre d’affaires ; en revanche, peu font attention aux fournisseurs et sous-traitants.” Et de citer dans la foulée le cas d’un magasin de meubles de standing qui a été emporté par la faillite d’un de ses fournisseurs qui représentait 70 % de ses ventes.
5. Analyser le commercial
Une baisse du chiffre d’affaires peut parfois être liée à un mauvais canal commercial. Le CEd a ainsi aidé un éditeur de livres de décoration d’intérieur à développer un autre circuit de ventes que les librairies traditionnelles où ses ouvrages étaient considérés comme trop chers par rapport aux autres livres. Beaucoup d’entreprises négligent la communication et le marketing qui sont pourtant deux outils essentiels au développement de leurs activités. Rien ne sert de fabriquer un produit exceptionnel si personne n’est au courant. Un point important, si vous perdez des clients, ne vous évertuez pas à courir après ou à en chercher de nouveaux, concentrez-vous sur les clients existants et qui paient dans des délais raisonnables.
6. Contrôler le financier
Si beaucoup de causes de défaillance trouvent leur origine dans l’un ou l’autre, voire plusieurs, des points évoqués plus haut et se reflètent plus ou moins rapidement dans les comptes, il convient cependant de souligner que le financier peut également être source de problèmes. Parmi les premières mesures à prendre, Olivier Kahn conseille de contrôler le prix de vente coût-revient ainsi que la bonne situation des marges : “Seule la rentabilité positive future permettra un redressement. C’est pourquoi il faut réduire drastiquement les coûts tout en maintenant les frais stratégiques comme le personnel et la R&D. Enfin, il est indispensable d’estimer le temps nécessaire pour absorber les dettes en sachant qu’au-delà de 18 mois, la situation est très critique.”
En conclusion, n’attendez pas le dernier moment pour vous ressaisir. Plus tôt vous vous attaquez à vos problèmes et à leurs causes (que vous aurez préalablement correctement diagnostiquées), plus tôt vous vous en sortirez. “Mais à partir de quel moment dois-je me poser des questions ?” La réponse d’Olivier Kahn est on ne peut plus claire : “Quand vous avez peur d’aller à la boîte aux lettres et d’ouvrir votre courrier.”
Guy Van den Noortgate
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