Selon une étude de la BNB, l’Etat dépense 25,1 milliards d’euros en subventions courantes et subventions d’investissements pour les entreprises. C’est davantage que le montant récolté par l’impôt des sociétés (19 milliards). Mais il y a une raison essentielle : notre manque de compétitivité.
C’est une conséquence indirecte du handicap de compétitivité que subissent les entreprises du pays, en raison notamment de l’indexation salariale : les entreprises belges sont fort subsidiées, bien plus que dans les pays voisins.
La Banque nationale s’est penchée sur le poids des subventions et sur leur efficacité. Le constat est : peut mieux faire.
Plus de 4% du PIB
Le constat d’abord : la Belgique dépense 25,1 milliards d’euros par an en subventions et aides à l’investissement pour ses entreprises, soit 4,1 % de son PIB en 2024. Ce chiffre place le pays bien au-dessus de la moyenne de la zone euro (environ 2,3 % du PIB total estimé) et de ses voisins immédiats.
L’écart est particulièrement marqué sur les subventions, qui représentent 3,6 % du PIB du pays (grosso modo 22 milliards), alors qu’elles ne pèsent que 1,5% en moyenne dans la zone euro. Cet écart avec nos voisins s’est creusé sur 25 ans : en 2000 en effet, nous avions grosso modo le même niveau, avec des subventions pesant 1,6% de notre PIB.
Cette hausse entre 2000 et 2024 est due de manière écrasante à l’expansion des subventions salariales, qui représentent environ 80 % de l’augmentation globale des subventions entre 2000 et 2024 et représentent aussi environ les deux tiers du soutien total du gouvernement aux entreprises du pays.
Une question de cotisation sociale
Plus précisément, les dispenses de versement du précompte professionnel sont devenues l’une des formes de subventions salariales les plus importantes depuis leur introduction en 2004, incitée par deux dispositifs : le soutien au travail de nuit et en équipes et l’incitation à la recherche scientifique. Les titres-services ont également été un moteur principal de la croissance des subventions salariales, et à cela s’ajoute, depuis la pandémie, les subventions salariales destinées au secteur de la santé et des soins.
D’autres aides viennent alourdir la facture, comme les certificats verts (mais qui sont progressivement éliminés) ou les aides temporaires liées au Covid (là aussi en phase d’extinction).
Le gouvernement a souvent justifié ces subventions (telles que les dispenses de versement du précompte professionnel ou les subventions aux entreprises de titres-services) comme un moyen de réduire cette charge élevée sur le travail et de défendre la compétitivité des entreprises.
De ce point de vue, c’est réussi. « La forte augmentation des subventions salariales en Belgique a ramené la charge fiscale « nette » sur les revenus du travail au même niveau qu’en Allemagne (36 %) en 2023 et en dessous de celle de la France (39 %). Le taux d’imposition net sur les revenus du travail reste toutefois plus élevé en Belgique qu’aux Pays-Bas, où il s’élevait à environ 30 % de la facture salariale totale. », observe la BNB.
Ajoutons une observation méthodologique mentionnée sur LinkedIn par Olivier Vanderijst, le Président de Wallonie Entreprendre : « Les recettes de l’État sont comptabilisées sur base des taux nominaux d’imposition, et toutes les réductions d’impôt sont considérées comme des “subventions” ou dépenses fiscales. Ainsi, les réductions “travail de nuit”, “travail en équipe”, “chercheurs”, ou la “réduction AIP” sont considérées comme des subventions. Cela serait sans doute plus clair si on les “nettait” directement, ce qui ferait évidemment diminuer le taux global de prélèvement ».
Des réussites et des échecs
La charge du coût du travail baisse, donc, mais ce système complexe de subvention est loin d’être le plus efficient. D’un côté, il y a des mesures qui fonctionnent. Parmi celles-ci, il y a les titres-services et la dispense de précompte professionnel pour R&D, qui incite clairement les entreprises à investir plus en recherche que les crédits d’impôt classiques.
Mais il y a des échecs coûteux, comme la réduction de cotisation sociale pour la première embauche, qui a coûté 488 millions d’euros en 2023, soit un coût brut de 101 000 euros par emploi supplémentaire, et qui a surtout été un effet d’aubaine pour des entreprises qui allaient de toute façon embaucher. Autre mesure relativement inefficace, celle en faveur des travailleurs âgés de plus de 58 ans, qui aboutit à peu d’effet (il y a peu de prolongations de carrière) pour un coût sociétal supérieur au bénéfice. Et les certificats verts pour les panneaux solaires sont également critiqués. Selon une étude en Flandre, une subvention d’investissement initiale aurait économisé 1,9 milliard d’euros entre 2006 et 2011 pour un résultat identique.
Dans un contexte de dépenses publiques primaires à 52,2 % du PIB, chaque euro mal dépensé pèse lourd. Les succès (R&D, titres-services) montrent qu’un ciblage précis paie. Mais ailleurs, des mesures plus précises permettraient sans doute de faire mieux avec moins. Et une question reste en jachère : comment attaquer le mal par la racine ? Car toute cette mécanique provient finalement d’un péché originel : le coût du travail en Belgique est au départ très élevé. C’est cela qui explique la nécessité de mesures compensatoires.