10 clefs pour affronter les défis économiques de demain

Koen De Leus et Philippe Gijsels
Sebastien Buron
Sebastien Buron Journaliste Trends-Tendances

Le monde change, c’est une évidence. Un livre écrit par les deux économistes de la banque BNP Paribas Fortis, Koen De Leus et Philippe Gijsels, plonge le lecteur dans ce nouveau monde et liste les grandes tendances économiques qui vont dominer les années à venir. Histoire d’affronter avec succès les défis économiques du futur.

Comment investir en période de surinflation, d’innovation disruptive et de transition climatique. Voilà ce que nous proposent Koen De Leus et Philippe Gijsels dans leur dernier livre intitulé Les 5 tendances de la nouvelle économie mondiale (éd. Racine).

Une brique de plus de 470 pages dont l’objectif est de permettre au lecteur d’appréhender les grandes tendances susceptibles de dominer notre vie et notre portefeuille durant les décennies futures. Des tendances charnières qui présentent autant de défis pour les ménages et les entreprises, mais qui recèlent aussi bon nombre d’opportunités pour celles et ceux qui sauront les saisir.

1. Nous ne reviendrons pas au monde d’avant

C’est toute la trame du livre : le monde occidental fait face à un point de bascule. En réalité, nous sommes à l’aube d’un nouveau monde, selon Koen De Leus. “Un monde qui sera indiscutablement plus instable que celui que nous avons connu par le passé. L’économie va connaître davantage de chocs. Et ces chocs vont se suivre de plus près.” En cause ? Cinq vagues qui bousculent les fondements de l’économie mondiale : une fragmentation de la mondialisation en blocs irréductiblement opposés, une crise climatique, un endettement hors norme des Etats, le vieillissement de la population et la wild card d’une innovation qui passe à une vitesse supérieure, à savoir l’IA. Comment vont dès lors évoluer l’inflation et les taux d’intérêt ? Quels pays émergents seront demain des puissances mondiales ? Quels seront les secteurs offrant le plus d’opportunités ? Une chose est sûre et certaine : “Nous ne reviendrons pas au monde d’avant, plante Philippe Gijsels. L’histoire est faite de cycles et de moments charnières. La chute du mur de Berlin a ouvert il y a 40 ans la voie à une longue période de croissance et de globalisation de l’économie. C’est précisément un de ces moments charnières de l’histoire que nous vivons actuellement, avec un pouvoir d’achat des ménages qui est sous pression, l’émergence de l’intelligence artificielle, la montée des extrémismes en Europe, des pays qui contestent la pax americana, etc.”

2. L’ère des taux bas, 
c’est fini !

Quand la baisse programmée des taux d’intérêt par les banques centrales aura-t-elle lieu ? La question est sur toutes les lèvres en ce début d’année 2024. Seule certitude, “nous ne reviendrons plus à des taux inférieurs à 1 % voire négatifs”, estime Koen De Leus. “L’ère des taux d’intérêt bas, c’est fini. Et pour un long moment. La demande considérable de financement pour soutenir la transition énergétique dans les années à venir est l’un des moteurs de cette hausse combinée des taux d’intérêt et de l’inflation, explique l’économiste en chef de BNP Paribas Fortis. Cette dernière sera à l’avenir aussi structurellement plus élevée. Elle devrait tourner autour de 3 % en temps normal à l’avenir, au lieu de 2 %.” Dans ce contexte, le message pour les ménages et les entreprises est très clair : “Il faudra profiter des baisses de la Banque centrale européenne (BCE) dès qu’elles se présenteront pour s’endetter et investir ou acheter une maison, conseille Philippe Gijsels. Il ne faudra pas attendre, même si ces baisses de taux sont minces”.

La disparition de la génération du baby-boom ne sera pas sans conséquence sur le prix des maisons.

3. S’armer face au déclin 
de la globalisation

Les profondes mutations géopolitiques, sociales et technologiques que nous vivons en ce début d’année 2024 marquent la fin de la globalisation telle que nous l’avons connue depuis quatre décennies, écrivent Koen De Leus et Philippe Gijsels dans un chapitre entièrement consacré à ce sujet. On le voit bien avec les récentes tensions en mer Rouge, mais aussi et surtout avec l’intensification de la guerre commerciale entre les Etats-Unis et la Chine: les pays utilisent l’économie pour défendre leurs intérêts géopolitiques et non plus l’inverse. “Nous entrons dans une nouvelle ère, celle de la slowbalisation, c’est-à-dire une globalisation qui ralentit, en combinaison avec une multi-globalisation, soutient Koen De Leus. Les besoins de sécurité et d’autonomie pous­sent les Etats à revoir leurs positions internationales. Les entreprises doivent trouver des alternatives au just in time sur fond de délocalisation lointaine. Avec comme conséquence des coûts de production qui augmentent, ce qui est de nature à freiner la croissance économique mondiale et provoquer, de nouveau, de l’inflation et une hausse des taux d’intérêt. Pour éviter une disruption dans leur chaîne de valeur et de production, les entreprises ont intérêt, dans ce nouvel environnement, à pratiquer le friendshoring et nearshoring, c’est-à-dire produire chez ses amis ou à proximité.” Ces pays amis, ce sont le Vietnam, la Malaisie, les Philippines, la Thaïlande, voire le Canada. Sans oublier l’Inde qui, compte tenu de sa taille, se positionne comme la “nouvelle Chine”, souligne Koen De Leus pour qui disposer de davantage d’espaces de stockage est aussi une bonne idée pour garantir son approvisionnement dans un monde où les équilibres géopolitiques sont remis en ­question.

4. Bonne nouvelle : Schumpeter est 
de retour

Avec des taux d’intérêt plus élevés, certains projets deviennent moins intéressants d’un point de vue économique. Un tri s’opère entre les idées qui tiennent la route et celles que seul l’argent gratuit des banques centrales permettait de financer. Ce nouvel environnement financier a d’ailleurs radicalement changé la donne pour nombre d’entreprises actives dans la transition climatique dont certaines vivent des moments difficiles. “C’est par contre une bonne nouvelle pour les entreprises en bonne santé, qui ont de solides fonds propres, qui sont bien positionnées sur leur marché, qui ont un beau savoir-faire, qui sont efficaces, etc. La différence va davantage se marquer entre les entreprises qui sont performantes et celles qui le sont nettement moins, souligne ­Philippe Gijsels. Un certain nombre d’entreprises qui n’ont survécu que grâce aux taux bas vont disparaître. Il va y avoir une sorte de grand nettoyage. En fait, nous allons vivre le grand retour de la destruction créatrice si chère à Schumpeter. Des opportunités vont se créer pour les entreprises innovantes, qui vont pouvoir racheter des concurrents en difficulté par exemple”, selon le stratégiste en chef de BNP Paribas Fortis.

5. Suivez les 
baby-boomers !

Un conseil gagnant en matière d’investissement a consisté pendant ces 40 dernières années à découvrir où les premiers baby-boomers plaçaient leur argent et à suivre leur exemple. “Chaque fois que les baby-­boomers se sont retrouvés à une certaine étape de la vie, cela s’est très fortement ressenti sur les marchés financiers, explique Koen de Leus. Lorsqu’ils ont commencé à acheter une maison dans les années 1970, c’était le bon moment pour investir également dans l’immobilier. Quand ils ont commencé à épargner dans les années 1980, le passage aux actions a été le signal pour les autres de faire de même. En vieillissant, ils ont ensuite commencé à privilégier les actifs plus sûrs comme les obligations. Aujourd’hui, ils influencent la demande en produits et services liés aux soins de santé, au secteur de la biotech ou aux loisirs tels que les croisières. Dans la mesure où les dépenses de la génération du baby-boom seront plus élevées que celles de la génération précédente, se concentrer sur les secteurs d’activités consommés par les seniors est donc une option intéressante pour les investisseurs avertis”, selon Koen De Leus.

Nous ne reviendrons pas au monde d’avant. L’histoire est faite de cycles et de moments charnières.” – Philippe Gijsels

6. L’immobilier va rester une bonne protection

Le macroéconomiste de BNPP Fortis estime cependant que la disparition de la génération du baby-boom ne sera pas sans conséquence sur le prix des maisons. “D’ici une dizaine d’années, compte tenu aussi de la population stabilisée et des taux d’intérêt plus élevés, l’offre de logements disponibles va augmenter. Après avoir progressé de 4,2 % en moyenne en termes nominaux en Belgique au cours des 40 dernières années, on peut s’attendre à ce que la croissance structurelle des prix de l’immobilier s’estompe. A l’avenir, la hausse devrait tourner autour des 2 à 3 % en moyenne, toujours en termes nominaux.” Le changement générationnel et les taux plus élevés auront effectivement un impact sur le marché immobilier, reconnaît Philippe Gijsels. Mais, ajoute-t-il, “le marché immobilier belge reste relativement bon marché, certainement par rapport aux pays voisins. S’il y a une correction à l’échelle mondiale, la Belgique n’y échappera pas, mais elle sera moins dure. Comme l’or et d’autres actifs réels, la brique belge devrait rester une bonne protection contre l’inflation en termes d’investissement”, assure-t-il.

7. Investir dans l’IA

Les plus enthousiastes comme Koen De Leus et Philippe Gijsels comparent l’émergence de l’intelligence artificielle (IA) à des événements majeurs tels que l’invention de la roue, l’arrivée de la machine à vapeur ou d’internet. Le grand public et les entreprises découvrent aujourd’hui les impressionnantes capacités de ces nouveaux outils technologiques à créer à la demande, par de simples phrases (les prompts), textes, images ou vidéos, comme le feraient des êtres humains. Nombre d’employés d’entreprises utilisent désormais l’IA pour gagner en temps et en efficacité dans leur quotidien. “Cette réalité implique qu’il y aura de (très) grands gagnants, mais aussi de grands perdants, prévient Koen De Leus. De nombreux métiers vont être automatisés. La révolution ChatGPT va inévitablement se traduire par des pertes d’emploi. Mais nous aurons besoin de ces nouvelles technologies pour compenser la baisse de la population active, gagner en productivité, combattre l’inflation et ainsi continuer à générer de la croissance. Tout n’est pas mauvais dans l’IA. Même les syndicats en sont conscients.” Quant aux investisseurs, “ils doivent avoir en tête que le prix de certaines matières premières comme le cuivre ou le lithium vont structurellement augmenter”, ajoute Philippe Gijsels, qui recommande de miser en Bourse sur les entreprises fournissant produits et services nécessaires à la digitalisation de l’économie et à la transition énergétique.

Se concentrer sur les secteurs d’activités consommés par les seniors est une option intéressante pour les investisseurs avertis.” – Koen De Leus

8. Les bons côtés 
du vieillissement

Comme le soulignent Koen De Leus et Philippe Gijsels, le monde vieillissant dépense sans compter pour la santé. Les auteurs présentent d’ailleurs la Belgique comme étant le deuxième pays le plus vulnérable face au coût du vieillissement parmi les nations industrialisées. “Grâce à des réformes significatives, des pays tels que la France ou l’Espagne sont désormais mieux positionnés que nous. Il est grand temps que la Belgique prenne des mesures structurelles pour freiner ses dépenses en matière de pension et de soins de santé : soit davantage de personnes travaillent plus longtemps, soit on réduit les pensions du secteur public. La première option est naturellement préférable mais dans les deux cas, ce ne sera pas simple.” Cela étant, le krach démographique a aussi des côtés positifs, estime Philippe Gijsels : “Les enfants nés aujourd’hui vivront en moyenne 100 ans. Il ne sera plus possible pour tout le monde de prendre sa pension à 55 ou 60 ans. Peut-être que vous ne travaillerez plus à temps plein, mais vous enseignerez peut-être à temps partiel, vous encadrerez peut-être des jeunes ou reprendrez des études. Avec les nouvelles générations, nous entrons de plein pied dans la flat age society, avec des générations qui ont une autre approche de la carrière professionnelle. Ce n’est pas parce que vous avez 55 ans que vous ne valez plus rien sur le marché du travail.”

9. Le business 
de la solitude

Une autre évolution démographique significative soulignée par les deux économistes est la croissance des ménages d’une seule personne qui représentent en moyenne un quart des foyers, voire jusqu’à 40 % dans certains pays. Jeunes, couples séparés, personnes âgées : la solitude touche toutes les couches et classes sociales de notre société. “Nous sommes tous connectés mais nous n’avons jamais été aussi seuls”, observe Philippe Gijsels. Selon les deux experts de BNP Paribas ­Fortis, de nombreuses recherches indiquent clairement que la solitude rend les gens malades, non seulement mentalement, mais aussi physiquement. Certaines études estiment que la solitude peut être plus préjudiciable que le manque d’exercice, l’alcoolisme, ou l’obésité. De quoi aussi conduire à une augmentation des coûts de santé et une réduction significative de la productivité. Et donc, une économie de la solitude est en train d’émerger. “Il est clair que les entreprises telles que Meta actives dans les réseaux sociaux sont déjà en train de s’emparer d’une part du gâteau. L’émergence de nouvelles formes de cohabitation et de vie collective paraît également promise à un bel avenir, tout comme le secteur de l’événementiel ou des jeux. Sans oublier le business des animaux de compagnie qui est en plein boom, avec un intérêt grandissant pour les services comme l’assurance”, observe Philippe Gijsels.

Parmi les nations industrialisées, la Belgique est le deuxième pays le plus vulnérable face au coût du vieillissement.

10. Surfer sur les vagues

Si le monde dans lequel nous entrons s’annonce plus que jamais complexe et instable, nos deux économistes et leur livre se veulent néanmoins résolument optimistes. “Comme l’ont démontré les entreprises pendant la pandémie avec le digital, c’est en grande partie de l’innovation que viendra la solution aux grands défis économiques à venir. Nous pouvons faire des choses fantastiques, à condition de nous débarrasser de certaines idées dépassées et bien ancrées dans nos mentalités. Les décennies à venir nous réservent de sérieux défis mais aussi de belles opportunités. C’est l’idée de ce livre : aider les ménages et les entreprises à surfer sur les vagues plutôt que de se faire engloutir par le tsunami”, concluent en chœur Koen De Leus et Philippe ­Gijsels.



Koen De Leus et Philippe Gijsels, 
”Les 5 tendances de la nouvelle ­économie mondiale”, éditions ­Racine, 470 pages, 39,99 euros.

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