La situation est la suivante : un travailleur se rend habituellement sur son lieu de travail en voiture. Or, son médecin traitant lui a interdit de conduire. L’employeur peut-il quand même le contraindre à venir travailler ?
Pour diverses raisons de santé, un médecin peut être amené à interdire à son patient d’utiliser sa voiture. La question se pose de savoir si, dans pareille situation, le travailleur doit tout de même aller travailler.
Deux hypothèses doivent selon nous être distinguées. Première hypothèse, l’incapacité de conduire s’accompagne également d’une incapacité de travailler. Dans ce cas, la solution est simple : le travailleur n’est pas tenu de se rendre au travail car l’incapacité de travail constitue une cause de suspension légale du contrat de travail. Le travailleur devra néanmoins immédiatement en avertir son employeur et, au besoin, lui fournir un certificat médical justifiant son absence.
Seconde hypothèse, l’incapacité de conduire n’implique pas une incapacité de travailler. Dans ce cas, l’interdiction de conduire n’exonère pas, selon nous, le travailleur de se rendre au travail.
Se rendre au travail, une obligation de résultat
Selon la loi, le travailleur est tenu d’exécuter son travail au temps, au lieu et dans les conditions convenues. Il s’agit d’une obligation de résultat, dont le travailleur ne peut s’exonérer que dans certaines cas légalement prévus (qui ne nous semblent pas applicables en l’espèce) ou en cas de force majeure.
En principe, le travailleur doit donc tout mettre en oeuvre pour se rendre sur son lieu de travail, sauf à se prévaloir d’un cas de force majeure. Cette dernière est définie comme tout évènement imprévisible et indépendant de la volonté du travailleur et de l’employeur qui rend, temporairement ou définitivement, impossible l’exécution du contrat de travail. L’impossibilité d’exécuter le contrat de travail doit être absolue. Autrement dit, l’évènement doit constituer un obstacle insurmontable à l’exécution du contrat de travail.
Dans le cas présent, la force majeure nous semble difficilement pouvoir être invoquée dans la mesure où – sauf à considérer que la conduite du véhicule constitue un élément indispensable à la bonne exécution du contrat de travail, ce que nous n’envisageons pas ici – le caractère insurmontable nous semble faire défaut.
Moyens de transport alternatifs
Il appartiendra dès lors au travailleur incapable de conduire de s’organiser et de faire preuve d’imagination en envisageant des moyens de transports alternatifs tels que, par exemple, les transports publics ou le covoiturage.
A défaut, l’employeur pourrait considérer que le travailleur commet un manquement – qui prendrait la forme d’une absence injustifiée – susceptible d’entraîner dans son chef, selon les cas, le non-paiement de sa rémunération, une sanction disciplinaire (telle que prévue dans le règlement de travail), un constat d’abandon de poste (qui requiert toutefois une certaine prudence dans le chef de l’employeur), voire – sous certaines conditions – un licenciement pour motif grave.
Bien évidemment, le travailleur et l’employeur pourraient également envisager d’autres solutions de commun accord, par exemple une suspension conventionnelle du contrat de travail ou le recours au télétravail… à condition bien sûr que la fonction du travailleur le permette.
Par Bertrand Simonart et Gaël Chuffart, avocat et avocat associé chez CMS.