Orpea, nos “petits vieux” et le scandale du label ESG
Revenons le temps d’un édito sur le scandale Orpea, du nom de ce groupe français leader européen dans le secteur des maisons de repos et qui est aussi actif en Belgique. Chacun le sait aujourd’hui, le scandale a éclaté à la suite de la publication dans le quotidien du Monde des bonnes pages d’un livre au titre très clair: Les Fossoyeurs. Véritable brûlot, ce livre dénonce les pratiques du groupe Orpea visant à diminuer la qualité des soins pour réaliser davantage de bénéfices.
L’affaire Orpea montre que les analystes financiers du monde entier se contentent d’analyser une société sur la base de ses déclarations.
La direction d’Orpea rejette toutes ces accusations et la justice tranchera pour savoir si le livre dit vrai ou faux. Mais en attendant, le patron du groupe a déjà démissionné et d’autres sociétés actives dans le même secteur des soins de santé aux personnes âgées ont également été sanctionnées en Bourse. C’était par exemple le cas, vendredi 4 février, de la société Korian dont le cours a chuté sur la simple rumeur d’une émission télévisée devant être diffusée bientôt sur l’une des chaînes erançaises.
Mais limiter le scandale à ces révélations médiatiques serait trop court et trop commode. D’abord, le scandale est aussi du côté des politiques. Ces derniers demandent aux dirigeants de ces entreprises de venir s’expliquer alors que ce n’est pas le premier livre ni le dernier scandale dans ce secteur. Ce qui étonne, c’est leur étonnement. Ensuite, le scandale touche aussi les investisseurs. Orpea figurait en effet en bonne place dans le portefeuille de nombreux fonds d’action. La raison? Le secteur des maisons de repos fait partie des fonds labellisés ESG (E pour environnement, S pour social et G pour bonne gestion). Le label ESG est donc un signe de ralliement pour les clients voulant concilier rendement et investissement responsable.
Pas de bol, les analystes qui ont scruté les comptes d’Orpea et ses consoeurs n’ont rien trouvé à redire pour le S de social et ont même donné un label ESG à ces actions, ce qui est un comble avec l’effet rétroviseur. Du moins, à nouveau, si les accusations sont confirmées par la justice. Les spécialistes de la “finance verte” diront et disent déjà qu’un analyste financier n’est pas un journaliste d’investigation, comment pourrait-il se permettre d’enquêter pendant trois ans sur les maisons de repos?
Mais voilà, pareil aveu sonne comme une sorte de “le roi est nu”. L’affaire Orpea montre que les analystes financiers du monde entier se contentent d’analyser une société sur la base de ses déclarations. En clair, ce précieux sésame ESG délivré à de nombreux “placements responsables” est parfois… bidon! Le résultat, c’est que les actions de ces sociétés brûlent désormais les mains des investisseurs en Bourse. Mais imaginez maintenant que l’orage médiatique passe. Et il finira par passer, car la vie, pour paraphraser Winston Churchill, consiste “à passer de scandale en scandale sans perdre espoir”. A l’avenir, ces entreprises n’oseront plus afficher des profits trop importants pendant quelques années.
En conclusion, oui, les dirigeants de ces groupes de maisons de repos vont devoir raser les murs et, qui plus est, offrir un rendement moins intéressant aux investisseurs ou le camoufler. Les plus optimistes diront que cette chute en Bourse, c’est l’avantage du capitalisme sur le communisme, il corrige lui-même ses erreurs. Avec retard, certes, mais il les corrige. Et les plus désabusés diront comme je ne sais plus quel humoriste que “le communisme, c’est l’exploitation de l’homme par l’homme et le capitalisme, c’est le contraire”.
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