En début d’année, The Family a choisi Bruxelles pour y installer son quatrième bureau, après Paris, Londres et Berlin. Cofondée par Oussama Ammar, Nicolas Colin et Alice Zagury, l’organisation aide les entrepreneurs à se développer et entre dans le capital des start-up. Avant son implantation dans la capitale, elle avait déjà accueilli des boîtes belges comme Menu Next Door, Benjago ou Bubbly. Pourquoi, dès lors, ce nouveau hub ?
Le site web de The Family est plein de couleurs, d’images de petits chats et de feuilles de palmier. Quand vous quittez le site, vous tombez sur une photo du film Le Parrain et le message ” No one leaves The Family “. Pas conventionnel dans l’univers business. Mais The Family n’est absolument pas un acteur conventionnel. Ce n’est pas un espace de coworking, pas un fonds de capital-risque, pas même un accélérateur. C’est un peu tout à la fois. Et son modèle fait figure d’exception dans le milieu des accélérateurs et autres incubateurs de start-up. S’il prend une participation de 5% dans les sociétés qu’elle aide, The Family n’injecte pas de cash. En échange de ces 5%, celles-ci obtiennent par contre une série de services ( networking, conseils, etc.) et disposent d’un accès à un réseau de centaines d’entrepreneurs, d’investisseurs et des membres du personnel de The Family. Ceci étant, les jeunes pousses qui entrent dans l’organisation ne voient pas de bureaux mis à leur disposition. Une absence volontaire, qui les incite à développer leur culture d’entreprise dans leurs propres murs. Enfin, The Family vise le long terme, les jeunes entrepreneurs en restant membres permanents.
Nous aidons les jeunes CEO à devenir de meilleurs entrepreneurs. ” Ayoub Assabban, ” Venture Director” de The Family
Les Français Alice Zagury, Oussama Ammar et Nicolas Colin ont fondé The Family à Paris en 2013 pour stimuler l’esprit d’entreprise en Europe et créer des joyaux technologiques européens. Un objectif qui attire : l’organisation reçoit 1.200 demandes de start-up… par semaine. Sur les quelque 500 sociétés qu’elle a déjà accompagnées, environ 250 existent encore et constituent son portefeuille. Chaque trimestre, The Family sélectionne 20 nouvelles entreprises. Toujours de très jeunes start-up qui ont leur siège établi en Europe.
Plus grosse visibilité
Voilà pourquoi, même sans présence en Belgique, la structure a rapidement attiré des start-up et entrepreneurs belges. Et en a accepté certaines, comme celle de Nicolas Van Rymenant, qui avait fondé Menu Next Door, ou de Ayoub Assabban, fondateur de Benjago – les deux sont d’ailleurs devenus responsables de la filiale belge de The Family après l’arrêt de leurs propres start-up. Mais l’installation d’un bureau à Bruxelles donne au réseau une plus grosse visibilité et doit permettre d’attirer d’autres jeunes pousses. Car, au final, son modèle consiste à créer un portefeuille de start-up dans lesquels elle possède des participations. Et plus elle en a, plus son retour sur investissements sera bon. D’ailleurs, à ce stade, The Family se targue de participations dans des boîtes qui, toutes ensemble, valent plus de 2,5 milliards d’euros. Avec 5% dans chacune d’entre elles, cela valoriserait aujourd’hui son portefeuille à 125 millions d’euros.

Dans The Family, on trouve par exemple Algolia, qui avait levé 53 millions d’euros en 2017 pour développer ses solutions de recherches pour les grandes entreprises. La structure pouponne aussi Payfit, fintech française qui se propose d’aider les petites et moyennes entreprises à payer et gérer l’administration de leurs salariés. Cette dernière a séduit, pour la troisième fois, des investisseurs qui lui ont injecté 70 millions d’euros supplémentaires. Sans oublier le trublions français du transport entre particuliers Heetch.
Doper le ” dealflow ” des start-up belges
En Belgique, la présence de The Family semble déjà porter ses fruits. ” Avoir physiquement un bureau à Bruxelles nous permet d’obtenir nettement plus de sollicitations, admet Oussama Amar. De quelques demandes de temps en temps, on passe à plusieurs par semaine. ” C’est que les deux responsables belges font le tour des écosystèmes à la rencontre des entrepreneurs qu’ils estiment talentueux. ” Nous parlons d’abord pendant une heure, explique Ayoub Assabban, 26 ans. Si je suis convaincu que l’entrepreneur a de l’ambition, mais qu’il est aussi humble, qu’il a une bonne vision et qu’il s’inscrit dans la mentalité de The Family, alors on lui propose d’appeler Paris. Si le siège central est également d’accord, on se serre la main. A partir de ce moment, l’entrepreneur est membre de The Family. Il a accès pendant un an à toute l’information et aux services de la structure. Après un an, il peut choisir. Soit il quitte The Family et n’a rien à payer. Soit il reste et on prend les 5 % des parts de son entreprise. Certains sont partis, mais la plupart restent. ”
The Family soutient les jeunes CEO à plusieurs niveaux. ” Tout d’abord, nous les aidons à devenir de meilleurs entrepreneurs. Cela va de vidéos YouTube pour les débutants aux bulletins d’information en passant par des événements tels que des conférences et des colloques, commente Ayoub Assabban. Quand un entrepreneur démarre une entreprise, le temps est un bien des plus précieux “. En résolvant les problèmes rapidement, les jeunes entrepreneurs en gagnent beaucoup. Le réseau de The Family compte ainsi des centaines de personnes sur la même messagerie, Slack, un outil qui facilite la collaboration et l’échange d’informations au sein de grands groupes. ” Je peux poser une question à n’importe quel entrepreneur, explique Ayoub Assabban. Il m’aidera dans l’heure, même si c’est un grand entrepreneur. ”
Avoir physiquement un bureau à Bruxelles nous permet d’obtenir nettement plus de sollicitations. ” Oussama Ammar, cofondateur de The Family
Entrée depuis janvier 2019 dans le réseau, la start-up belge Bubbly spécialiste des lentilles de contact par abonnement, exploite ces ressources. ” Nous utilisons pas mal le Slack de The Family pour entrer en contact et obtenir des conseils, détaille Stéphane Juricic, cofondateur de Bubbly. En Belgique aussi, la communauté se structure progressivement: Nicolas et Ayoub ont déjà organisé des événements avec les différentes start-up belges de The Family “.
L’organisation soutient également les entrepreneurs s’ils se retrouvent impliqués dans des procédures en justice ou s’ils sont contrecarrés de quelque manière que ce soit. C’est ce qui est arrivé aux fondateurs de l’application française de taxi Heetch, qui a notamment été la cible de critiques à Bruxelles. Ou à Ayoub Assabban. Son entreprise Benjago mettait en contact direct des candidats conducteurs avec des moniteurs. Les tarifs bon marché de Benjago étaient une épine dans le pied des autos-écoles. Benjago ne pouvant supporter les frais juridiques élevés, Ayoub Assabban a toutefois dû cesser ses activités en 2017. ” The Family n’a pas pour but de protéger la start-up, mais de protéger l’entrepreneur lui-même “, précise-t-il. Lorsqu’une entreprise du réseau a sorti son produit sur le marché et a besoin de capitaux pour croître, The Family la met en contact avec le marché et des investisseurs potentiels. Sa présence belge s’explique donc aussi dans ce cadre. Pour les start-up françaises et étrangères qui souhaiteraient proposer leurs services chez nous, le bureau bruxellois offre ainsi un point de relais possible et une certaine visibilité.

Sans compter l’accès au réseau financier belge, auprès des VC et des family offices qui scrutent de plus en plus l’univers start-up. Selon Ayoub Assabbane, notre pays peut constituer un terreau intéressant pour trouver des investisseurs à qui présenter les sociétés présentes dans le portefeuille The Family, et pas que les belges… ” Nous accompagnons et coachons aussi des boîtes dans le cadre de leur Serie A. En cas de succès, nous prenons une participation de 3% dans leur capital. ”
Démarcher la Flandre
En septembre, Ayoub Assabban et Nicolas Van Rymenant, deux francophones, ont par ailleurs l’intention de démarcher l’écosystème flamand, où The Family est très peu présente. Et il se murmure que parmi la prochaine fournée des start-up coachée dans le cadre d’une Serie A, on trouve plusieurs boîtes belges. L’objectif des deux responsables bruxellois est clair : lorsque le portefeuille global de The Family atteindra la valeur de 10 milliards d’euros, la Belgique devrait au moins en représenter trois. Ambitieux. Très ambitieux.
Les investisseurs de The Family
L’an dernier, The Family a elle-même levé 17,4 millions de dollars (15 millions d’euros) auprès de LGT Capital Partners (le véhicule d’investissement de la monarchie du Liechtenstein), du belge Hummingbird Ventures (créé par Barend Van den Brande et qui a entre autres investi dans Deliveroo ou Showpad), de l’allemand Project A et du fonds américain eVentures. L’argent recueilli procure à The Family une plus grande sécurité financière, mais l’organisation souhaite aussi utiliser le capital pour investir dans les entreprises de son réseau lorsque celles-ci veulent lever des capitaux.
