“Ne vendez pas le produit, vendez l’usage”
La révolution technologique provoque une onde de choc dans l’économie. Les entreprises feraient bien de ne plus vendre des produits, mais plutôt de s’attacher à vendre leur usage ou un abonnement. Toutefois, les entreprises traditionnelles peuvent aussi tirer profit de la perturbation.
Les abonnements et les formules de paiement pour l’utilisation d’un service ne sont pas nouveaux. Le business model des journaux et magazines repose sur le premier système, celui des taxis sur le second. Tous deux connaissent une renaissance grâce à la technologie numérique. Durant la Trends Summer University, les 16 et 17 juin à Knokke, de nombreux managers ont débattu de cette question.
ZipCar, DriveNow, Cambio et CarAmigo donnent la possibilité de louer une voiture pour un très court laps de temps. “Zipcar est la plus grande société de covoiturage au monde. Nous comptons plus d’un million de membres dans neuf pays”, déclare Kate Croisier, market manager de Zipcar en Belgique. En 2013, Zipcar a été rachetée par Avis Budget. L’utilisateur souscrit au service et peut retirer la voiture là où cela lui convient le mieux. Une application montre les voitures disponibles à proximité et lui donne accès au véhicule. Lorsque l’usager arrive à destination, il gare la voiture. Il paie 25 eurocentimes la minute.
Kate Croisier note que le public reste fortement segmenté. “Ce sont surtout des personnes de 28 à 34 ans qui aiment utiliser la technologie et les smartphones.” Mais ce n’est qu’un début. “Nous sommes toujours en train de faire connaître le service au public.” Le concept de la voiture partagée est nouveau et n’est autorisé à Bruxelles que depuis juin 2016.
Le système as-a-service n’est pas l’apanage des géants américains de la Silicon Valley. Bruno Ronsse, country manager d’Econocom précise : “Chaque entreprise peut réfléchir à la conception d’une offre via laquelle elle ne vendra pas tant la propriété d’un produit que son utilisation ou l’accès à celui-ci”.
Le covoiturage n’en est encore qu’à ses débuts
Bloomlife est un nouveau service qui ne fonctionne que par abonnement. “Nous proposons aux femmes enceintes une méthode permettant de suivre leur grossesse au moyen d’un patch placé sur leur ventre. Ce patch contient un capteur qui se connecte à une application. Les données sont transmises à un smartphone”, explique Julien Penders, cofondateur et chef d’exploitation de la start-up.
Un abonnement revient moins cher, car plusieurs clients peuvent utiliser le même appareil. “La future mère choisit la durée de l’abonnement, par exemple deux mois”, explique Julien Penders. “Ce service coûte 24 dollars par semaine. Près d’un millier de personnes l’ont déjà utilisé.”
Le système d’abonnement a également été utilisé dans la distribution alimentaire. “Les paniers bio existent depuis dix à quinze ans. C’était un marché saturé”, déclare Muriel Bernard, fondatrice et PDG d’eFarmz. “Il y a quatre ans, nous avons opté pour un concept similaire à Collect & Go (le service de courses en ligne de Colruyt, ndlr). Le client compose son propre panier avec des produits biologiques régionaux. Au début, il n’y avait aucune demande pour des paniers sur abonnement. Mais le principe est redevenu populaire lorsque les abonnements sont apparus dans d’autres domaines, comme la Beauty Box”.
Selon Muriel Bernard, le succès est dû à une motivation différente. “Le consommateur traditionnel de paniers biologiques souhaitait soutenir un producteur et lui procurer des ressources financières au début du mois. Nos abonnés voient cela tout autrement. Ils veulent se faciliter la vie. Ils n’ont pas envie de se demander quels fruits ou légumes choisir. Vous voyez la même tendance avec les paniers-recettes, qui réunissent tous les ingrédients requis pour préparer des repas (comme HelloFresh, ndlr).”
Tous ces nouveaux services sont liés à la technologie. Des acteurs belges sont aussi montés dans ce train. Par exemple, l’entreprise gantoise In The Pocket, qui emploie 77 personnes et se présente comme un studio de design pour produits numériques. Elle a notamment travaillé pour Bancontact Mobile et développé l’application MyColruyt. “Lorsque nous avons démarré en 2010, la pénétration du marché des smartphones n’était que de 9 %”, se souvient le cofondateur et PDG Jeroen Lemaire. “Nous sommes partis du principe que la pénétration atteindrait 100 %.”
Le système as-a-service n’est pas l’apanage des géants américains de la Silicon Valley
Profiter de la perturbation
En Belgique, bpost est l’exemple type d’une entreprise qui a été durement touchée par la perturbation numérique et qui en a néanmoins tiré profit. “Au cours de la dernière décennie, nous avons opéré une transformation pour améliorer le service et l’efficacité”, déclare Koen Van Gerven, PDG de bpost. “C’est mon prédécesseur, Johnny Thijs, qui l’a mise en route. Mais le véritable bouleversement s’est produit en 2009 et 2010, avec la technologie numérique.”
L’e-mail a porté un coup terrible au trafic postal. Le nombre quotidien de lettres envoyées est passé de 11,8 millions en 2006 à 8,6 millions en 2016. “Ça reste une bonne affaire. Il est important de bien l’entretenir, même si un déclin se fait sentir”, affirme Koen Van Gerven.
En Belgique, Bpost livre les colis de grands acteurs de l’e-commerce électronique tels qu’Amazon et Coolblue . Elle a développé des services pour attirer encore plus de commerçants Internet. “De nombreuses entreprises postales sont passées à côté du marché des colis”, constate Koen Van Gerven. Actuellement, les livraisons de colis augmentent de presque 20 % par an. “Le meilleur reste à venir”, conclut Van Gerven. Une étude de McKinsey prévoit que les ventes en ligne auront doublé dans le monde entier à l’horizon 2030.
Bpost expérimente pour vaincre des concurrents tels que DHL et PostNL.
À titre d’exemple, elle investit dans une start-up anversoise qui propose un service de livraison très particulier. Le client peut faire livrer son colis là où il se trouve. Pour ce faire, le système utilise la fonction de géolocalisation de son smartphone.
L’envoi de lettres par la poste reste une bonne affaire. Il est important de bien l’entretenir
L’horeca et le commerce de détail
Delitraiteur (une chaîne de traiteurs en annexe de supérettes qui compte 37 succursales) a également dû faire face à la perturbation. “C’est un concept atypique qui permet de combiner l’horeca et le commerce de détail”, explique Alexandre Terlinden, PDG. “Autrefois, la concurrence provenait plutôt des supérettes de quartier et, le soir, des restaurants. Une foule de concurrents sont venus s’ajouter sur la scène, comme Menu Next Door, qui permet aux gens de vendre leurs plats aux voisins. Le marché de la livraison de repas a connu une croissance particulièrement explosive avec le lancement de plateformes en ligne telles que Take Eat Easy, qui a depuis fait faillite, Deliveroo, UberEATS et Takeways.com, anciennement connu sous le nom de Pizza.be.
En réaction, Delitraiteur s’est lancé dans le domaine de la livraison à domicile. “Nous avons conclu un partenariat avec Deliveroo pour un essai avec cinq magasins”, explique Alexandre Terlinden. “Nous avons calculé les frais de livraison et augmenté les prix de 10 % afin de maintenir la rentabilité du service. L’inconvénient est que nous sommes dépendants de Deliveroo, qui dessert principalement les zones les plus urbanisées.” Mais, dans l’ensemble, l’expérience a été positive. “Le nombre de repas vendus était modeste : 50 par semaine. En revanche, les commandes allaient de 20 à 25 euros en moyenne, contre un montant moyen de 11 euros dans les magasins. Aujourd’hui, nous en sommes à 150 commandes par semaine. Il nous reste encore à décider quels magasins proposeront le service de livraison. Et nous devons nous demander si nous continuerons à travailler avec un partenaire ou si nous l’intégrerons dans l’entreprise.”
Si, en tant qu’avocat, vous connaissez bien la loi et pouvez l’interpréter, vous survivrez.
La fin du tarif horaire
La perturbation guette aussi le monde des avocats. L’intelligence artificielle peut déjà en partie répondre à des questions juridiques. Le modèle du one stop shopping (guichet unique), ou l’approche consistant à tout confier à un seul cabinet d’avocats a fait son temps. La profession est soumise à la concurrence d’autres professions, comme les comptables et les experts financiers.
“S’il faut en croire les prophètes de malheur, les cabinets d’avocats deviennent superflus”, lance Marc Vermylen, associé principal du cabinet d’avocats Loyens & Loeff. “Je suis convaincu du contraire. Je ne vois pas encore des robots négocier des contrats commerciaux. Et je ne peux pas imaginer que les gens accepteront qu’un robot juge se penche sur des questions fondamentales comme celles de la responsabilité ou de la culpabilité. Si, en tant qu’avocat, vous connaissez bien la loi et pouvez l’interpréter, vous survivrez.” La profession continuera à se spécialiser, et la numérisation pourra servir à mieux accompagner les clients. Cependant, une série d’habitudes devront changer. “Par exemple, le tarif horaire généralisé actuellement sera remplacé par des succesfees, c.-à-d. des honoraires en cas de gain de l’affaire.”
Selon Jeff Van In, PDG d’Axa Belgium, le secteur de l’assurance est également confronté à la perturbation. “Nous ne voulons plus seulement payer des factures. Si votre cave est sous eau après une inondation, que préférez-vous ? Voulez-vous savoir combien nous allons vous rembourser ou voulez-vous que quelqu’un vienne pomper l’eau et réparer les dégâts ? Ou, mieux encore, voulez-vous éviter l’inondation ? Le big data nous est très utile. Axa est l’une des entreprises les mieux placées pour estimer où le risque d’incendie est le plus élevé, où se produisent la plupart des accidents du travail et où les inondations sont les plus fréquentes.”
“Les spécialistes prédisent depuis des décennies que les agents d’assurance vont disparaître. Ils allaient d’abord être tués par la vente directe, puis par la poste, et ensuite par le téléphone. Mais ils sont toujours là”, conclut Jeff Van In.
Au cours des prochaines semaines, Trends fera un rapport sur les principales conclusions de la quatrième Université d’été Trends.
Le 13 juillet : Quittez votre territoire naturel
Le 27 juillet : Une nouvelle industrie pour l’ère numérique
Le 10 août : Une stratégie numérique dans toute l’entreprise
LA VISION DE PUILAETCO DEWAAY PRIVATE BANKERS
Jamais les banques ne se sont posé autant de questions sur l’avenir de leur secteur.C’est un fait que la vitesse à laquelle les innovations technologiques apparaissent est très rapide.La pression croissante exercée par les FinTech et l’impact de la législation de plus en plus complexe sont intenses. Il est certain que toutes les banques ont opéré le passage au numérique, mais elles doivent encore récolter les premiers fruits de ces évolutions pour redéfinir et surtout améliorer l’expérience client. Cette rupture innovante permettra de s’assurer que seuls les acteurs capables de s’adapter et de déployer une grande flexibilité jetteront un pont crédible entre leurs propres offres et les besoins des clients. Nous sommes convaincus que la clé du succès futur des banques privées réside dans l’utilisation optimale des nouvelles ressources numériques dans le but de renforcer encore plus la personnalisation de leur approche. Aujourd’hui, plus que jamais, nous proposons donc à nos clients un service hautement personnalisé grâce à des outils informatiques innovants axés sur la relation de confiance qu’ils entretiennent avec leur banquier. Ainsi, notre slogan “L’innovation par la tradition” trouve également son application pratique dans la réalité. De cette façon, nous restons aussi fidèles à notre ADN : nous concentrer sur les besoins du client et nous adapter à eux.
Entreprendre 2017
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