Voiture électrique: pourquoi 1 salarié sur 4 ne recharge jamais à domicile?

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Mailys Chavagne
Mailys Chavagne Journaliste

Selon une récente étude de MobilityPlus, 25% des conducteurs de véhicules de société électriques ne rechargent jamais – ou très rarement – à domicile. Un constat surprenant, alors même que la recharge électrique à une borne privée coûterait moins cher que l’utilisation d’une borne publique.

À l’horizon 2026, toutes les nouvelles voitures de société en Belgique devront être 100% électriques pour conserver leur avantage fiscal. Cette transition vers la mobilité verte nécessite une nette augmentation du nombre de bornes de recharge, qu’elles soient installées sur les parkings d’entreprises, dans l’espace public ou à domicile. Pourtant, la recharge à domicile reste encore largement sous-utilisée, alors qu’il s’agit de la solution la moins chère… D’après l’enquête de MobilityPlus, un quart des salariés préfèrent utiliser des bornes publiques pour recharger leur voiture électrique. Mais comment expliquer ce paradoxe?

Pourquoi les salariés ne rechargent pas chez eux

L’image est parlante: dans de nombreuses entreprises, les employés se pressent le matin pour accéder aux bornes publiques présentes sur le parking de leur lieu de travail. Il faut dire, ces places, rares, sont très prisées. D’autres privilégient les bornes de charge rapides dans les stations publiques. Bref, les bornes domestiques sont largement délaissées au profit du réseau public, pourtant plus coûteux pour les entreprises.

Selon les données du gestionnaire de bornes, 26% des bornes domestiques sont utilisées moins de trois fois par mois. Le volume de charge moyen par borne domestique a même diminué de plus de 15% en seulement trois mois. Un chiffre révélateur d’un changement d’habitude chez les conducteurs de voitures de société électriques.

Des freins financiers

Mais pourquoi le réseau public a-t-il plus de succès auprès des employés? Deux bonnes raisons à cela. En Flandre, par exemple, l’introduction du tarif capacitaire provoquerait une sorte de “panique en période de pointe”. En effet, depuis le 1er janvier 2023, une partie de la facture d’électricité en Flandre est calculée sur la base du pic de consommation mensuel le plus élevé. Or, brancher sa voiture sur le réseau électrique privé pourrait augmenter considérablement ce « tarif de capacité ». Cette perspective incite de nombreux conducteurs à éviter la recharge domestique.

Et en Wallonie et à Bruxelles alors? Ici, pas de tarif capacitaire, mais un nouveau tarif forfaitaire pour le remboursement des frais de recharge à domicile, fixé par la CREG. Le problème, c’est que ces tarifs forfaitaires sont basés sur des données vieilles de plusieurs mois. Or, comme les prix de l’énergie peuvent fluctuer – à la hausse comme à la baisse -, ils ne sont pas forcément représentatifs des prix actuels du marché. De plus, ils sont fixés trimestriellement, et non mensuellement. Donc même si les prix de l’énergie bougent fortement entre-temps, le tarif reste inchangé pendant le trimestre. Enfin, selon la région où l’on habite, le tarif appliqué peut être différent, même pour un même niveau de consommation, explique MobilityPlus. Bref, la méthode de calcul crée des inégalités auprès des employés. «Ceux bénéficiant de contrats moins chers sont surpayés, d’autres sont sous-payés », résume le gestionnaire de bornes.

Des freins techniques

Au-delà des considérations tarifaires, il existe aussi des freins techniques. Certains salariés témoignent ainsi de la faiblesse de leur installation électrique domestique.

« Mon réseau ne supporte pas ma voiture électrique et fait sauter les plombs à chaque fois que je la branche », confie l’un d’eux. « On avait installé une borne de recharge intelligente, mais sans prendre en compte tous les paramètres nécessaires. Résultat: les plombs sautaient à chaque recharge, et certains de mes appareils électroménagers ont été endommagés. Même après une reconfiguration complète, cela n’a fonctionné que temporairement. Finalement, un technicien m’a expliqué que mon compteur était trop ancien. En Wallonie, la majorité des compteurs sont encore en 3×230 volts, ce qui est insuffisant pour alimenter correctement la recharge d’une voiture électrique. Remplacer le compteur coûterait environ 4000 euros, un investissement conséquent. Résultat: j’ai une borne privée, que je cofinance, mais que je ne peux pas utiliser. Je me retrouve donc à utiliser en permanence des bornes de recharge rapide publiques, qui sont plus coûteuses pour moi et pour mon employeur. »

Ce cas est loin d’être isolé. D’autres employés rencontrent des situations similaires, notamment ceux qui vivent en appartement ou qui sont locataires. Ces profils sont souvent exclus des programmes d’installation de bornes à domicile, faute d’autorisations ou d’infrastructures adaptées.

« J’avais déjà fait installer une borne de recharge, mais elle n’est pas reconnue par le système de mon entreprise », explique un autre salarié. « Je vais donc devoir en acheter une nouvelle. En attendant, quand je recharge chez moi, c’est moi qui assume l’intégralité des coûts. »

Le lieu de résidence peut également poser problème. « Quand tu habites trop près de ton lieu de travail – par exemple à moins de 10 kilomètres -, l’entreprise n’installe tout simplement pas de borne de recharge à domicile », rapporte un employé.

Impact économique pour les entreprises

Des témoignages qui illustrent parfaitement les limites du réseau de recharge privé. Pourtant, charger sa voiture électrique chez soi serait plus économique que faire le plein à une borne publique. Au coût de l’énergie, il faut en effet ajouter les frais d’infrastructure, de gestion et de maintenance. Autant de frais qui pèsent lourd sur la facture finale des entreprises.

Pour ces dernières, le système représente donc un véritable manque à gagner. D’autant plus qu’elles fournissent souvent à leurs employés une carte « carburant » ou un abonnement, qui couvre le coût de la recharge publique. Les employés privilégient donc sans hésiter les bornes rapides, même si le tarif est plus élevé que celui d’une recharge à domicile.

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