Sport automobile et émissions : l’hydrogène au 24 Heures du Mans, dès 2027
Parfois stigmatisées comme la vitrine d’un sport irrespectueux de l’environnement, les 24 Heures du Mans projettent de s’offrir prochainement une grande bouffée… d’hydrogène, en autorisant dès 2027 la participation de prototypes propulsés par ce carburant.
Les constructeurs ne sont cependant pas encore prêts, même si des prototypes expérimentaux offriront des démonstrations cette semaine au Mans. Deux options existent : l’hydrogène comme combustible dans un moteur thermique “classique”, ou dans une pile alimentant un moteur électrique.
Mais l’utilisation de ce gaz en course est encore un défi en terme de stockage et d’infrastructures des circuits.
Pile à combustible…
En 2018, l’Automobile Club de l’Ouest (ACO), organisateur des 24 Heures du Mans, a lancé avec plusieurs partenaires la “Mission H24”, une structure chargée de mettre au point et de tester des prototypes à moteur électrique mus par une pile à hydrogène.
Une voiture a déjà couru en compétition. “En qualifications, nous étions au niveau des GT”, moins puissantes que les Hypercars, catégorie reine des 24 Heures du Mans, témoigne pour l’AFP Stéphane Richelmi, l’un des pilotes de la mission.
“Sur un tour, on peut se permettre de vider complètement les batteries. Mais la différence entre notre tour de ‘qualif’ et notre tour en course est encore énorme, plus importante que sur une voiture thermique”, explique-t-il aussi.
Un autre prototype, plus performant, est en cours de conception et devrait commencer à rouler début 2025.
… ou moteur thermique?
Côté constructeurs, ceux qui expérimentent déjà l’hydrogène – Toyota et Alpine – privilégient donc le moteur thermique, similaire à celui utilisé pour l’essence.
“Pour une voiture de sport, le moteur thermique a beaucoup d’avantages”, explique à l’AFP François Champod, directeur véhicules chez Alpine Racing: “Son ratio puissance/masse est intéressant, et on a le bruit et les vibrations du moteur, qui donne ce plaisir de conduire plutôt sympa”.
Pour l’heure, ni Alpine ni Toyota n’ont annoncé de date pour leur arrivée “en mode hydrogène” aux 24 Heures du Mans. Les autres constructeurs n’en sont qu’au stade de la réflexion. Mais l’ACO prévoit d’ouvrir tout grand la porte dès 2027.
“Les deux technologies, pile à combustible et moteur à combustion hydrogène, seront acceptées et autorisées pour les constructeurs souhaitant s’engager aux 24 Heures du Mans dans cette catégorie”, a déjà annoncé Pierre Fillon, le président de l’ACO, qui précise que “le règlement sera conçu pour permettre à une voiture à hydrogène de gagner”.
Volatil et explosif
L’hydrogène est-il pour autant une solution miracle pour aller vers un sport auto à “zéro émission”? Plusieurs méthodes existent pour le produire, mais toutes nécessitent de l’énergie, qui doit donc être elle-même décarbonée pour que l’on puisse parler d’hydrogène “propre”.
Volatile et facilement explosif, il exige par ailleurs le déploiement d’une technologie sophistiquée pour son stockage.
La “Mission H24” le garde sous forme gazeuse, à des pressions de 350 et bientôt 700 bars. Mais les constructeurs automobiles attendent la prochaine étape: “Pour passer éventuellement à l’Hypercar, il faut qu’on continue à avancer sur le stockage liquide”, estime ainsi François Champod, le responsable d’Alpine.
“Il y a pas mal de travail en cours avec la FIA, et avec d’autres équipementiers (…) mais ce n’est pas qu’une affaire de voitures, il faut que toute l’infrastructure suive”, poursuit-il.
Problème: l’hydrogène ne se liquéfie qu’en dessous de -253°C, nécessitant une technologie coûteuse en énergie.
Et au Mans, comme sur tous les circuits qui accueilleront ces “protos” nouvelle génération, il faudra soit construire soit amener sur place les installations de stockage et de ravitaillement. Un défi de taille.
“Depuis 2018 et le lancement de la Mission H24, l’écosystème hydrogène a énormément évolué”, se félicite toutefois Pierre Fillon. “Nous apprenons en ‘marchant’, en ‘roulant’. Nous découvrons (…) Nous sommes tous conscients des enjeux pour le futur du sport automobile”.
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