Présentée comme une réforme en faveur des voyageurs, la nouvelle grille tarifaire de la SNCB suscite des critiques. L’association Navetteurs.be y voit une complexité accrue et des hausses déguisées, rapporte Le Soir.
Officiellement, la SNCB veut rendre ses tarifs « plus simples et plus avantageux », dès la fin 2025. La majorité des utilisateurs devraient y gagner. Notamment sur les longs trajets, puisque le prix maximum en deuxième classe sera raboté de 20 % (20,9 euros contre 26 euros actuellement). Le prix minimum pour les petits trajets reste fixé à 2,5 euros, « indépendamment de l’heure de voyage ou de l’utilisation de la carte Avantage ».
Mais à y regarder de plus près, la réforme annoncée pourrait se révéler davantage bénéfique à l’opérateur ferroviaire qu’aux usagers. C’est en tout cas l’analyse critique que livre l’association Navetteurs.be dans Le Soir, au terme d’un examen approfondi des nouvelles formules tarifaires.
Plus complexe
Duncan Smith, vice-président de l’association belge, s’inquiète d’une logique de tarifs qui, sous couvert de rationalisation, introduit en réalité une nouvelle complexité. Pour déterminer le bon tarif, le voyageur devra tenir compte de l’âge, de l’heure du trajet (heures pleines ou creuses), du jour, de l’achat préalable ou non d’une carte Avantage (mensuelle ou annuelle), et de la fréquence de ses déplacements. « C’est peut-être plus simple pour la SNCB, mais certainement pas pour le client », résume-t-il dans le quotidien francophone.
Des billets à la carte
Première conséquence visible : la suppression du billet aller-retour, remplacé par deux tickets distincts. Le changement peut sembler anecdotique, mais il s’inscrit dans une logique plus large de tarification à l’unité, centrée sur le voyage ponctuel et l’achat numérique via l’application ou les automates. Le tarif est également conditionné à l’horaire précis du train choisi. Plus question, donc, de prendre le premier train qui passe : un billet acheté pour un trajet à 9h05 (heure creuse) ne sera plus valable à 8h55 (heure pleine), même pour un itinéraire identique. Dans cette logique, la flexibilité est perdue pour le voyageur.
Disparition des cartes Multi
Autre évolution importante : la disparition des cartes Multi (Youth Multi, Standard Multi, Local Multi). Ces carnets de dix trajets sont très prisés des navetteurs réguliers et des jeunes. Selon Navetteurs.be, cette suppression équivaut à “une hausse tarifaire indirecte”, puisque les formules de remplacement s’avèrent souvent moins avantageuses. L’association déplore encore la disparition des cartes famille nombreuse qui « ne correspondrait plus aux réalités des familles en 2025 ». (familles plus petites et recomposées). “C’est, selon nous, bien étrange, s’interroge Duncan Smith. Si ces réductions coûtent moins cher à la SNCB du fait d’une évolution sociologique, pourquoi devrait-elle pénaliser un nombre plus petit de familles nombreuses dans un contexte avéré d’érosion du pouvoir d’achat ? ».
La carte Avantage : rentable uniquement pour certains profils
Pour le vice-président de l’association de navetteurs, les nouveaux tarifs de la SNCB sont avantageux dans une majorité de cas si on n’y intègre pas le coût de la nouvelle carte Avantage. Au cœur de la réforme, cette nouvelle carte est conçue pour rendre les trajets plus attractifs pour les voyageurs fréquents. Moyennant un coût modique (6 euros par mois (48€ par an) pour les adultes, 4 euros pour les jeunes, seniors et bénéficiaires de l’intervention majorée BIM), elle permet d’accéder à des réductions, en particulier en heures creuses.
Mais là encore, l’intérêt économique dépend fortement de la fréquence et de la longueur des trajets. Duncan Smith détaille dans Le Soir un exemple concret. “La SNCB présente l’aller-retour d’un senior entre Mons et Charleroi comme plus intéressant avec une carte Avantage dans la nouvelle offre, selon le calcul suivant : 8,10 euros x 2 trajets = 16,20 euros. A cela, vous retirez les 40 % de réduction seniors auxquels vous déduisez encore 40 % de la réduction heures creuses (avec carte avantage), on arrive à 5,80 euros. Or, le coût de 4 euros de la carte avantage mensuelle (prix seniors) n’y est pas intégré. Si le senior n’effectue cet aller-retour qu’une fois sur le mois, le prix final est de 9,80 euros (5,80 euros + 4 euros de carte avantage), soit identique au prix sans carte avantage (16,20 euros – 40 % réduction seniors). Ce qui est toujours 1,30 euro plus cher que l’actuel Senior Ticket…”, déplore-t-il.
En résumé, l’analyse faite par l’association des navetteurs montre que la carte avantage mensuelle n’est vraiment intéressante que pour des usages multiples, qu’elle joue plus sur les très longs trajets, et qu’elle est superflue sur les très courts, relaie Le Soir.
Vers un modèle plus rigide et digitalisé
La réforme semble aussi dictée par une volonté de digitalisation accélérée. Les billets achetés à bord seront supprimés, ce qui posera problème en cas de panne d’automate – un problème assez fréquent dans les gares sans guichet – ou d’accès difficile aux canaux numériques. Le voyageur devra planifier précisément son trajet, choisir son train à l’avance et respecter l’horaire sélectionné. Autrement dit, moins de souplesse, moins d’improvisation.
Certaines règles jusqu’ici tolérées ne seront plus d’application. Il sera ainsi impossible de faire une pause en cours de route (par exemple s’arrêter à Louvain entre Liège et Bruxelles), ou d’adapter son parcours à la volée. Quant aux remboursements en cas de suppression de train, Le Soir évoque une incertitude sur leur mise en œuvre effective.
Une tarification plus dynamique… mais pour qui ?
Ce nouveau modèle tarifaire s’inspire de pratiques du secteur aérien low cost. Il suit une tarification dynamique selon l’heure, des profils différenciés, une digitalisation totale, et une certaine rigidité des conditions. En théorie, les voyageurs réguliers sur de longues distances ou aux horaires creux devraient y trouver leur compte. Mais dans les faits, une large part des usagers occasionnels, des jeunes et des seniors pourraient voir leur facture augmenter, ou perdre en confort et en souplesse d’utilisation. L’association Navetteurs.be s’interroge aussi sur la finalité de la collecte massive de données personnelles permise par l’application SNCB.
Lire aussi | Vers une fin de la grève sans fin à la SNCB?
À travers cette réforme, la SNCB cherche à rationaliser ses flux, mieux répartir la fréquentation des trains dans le temps, et optimiser ses revenus. Mais l’équation économique n’est pas nécessairement gagnante pour le voyageur. Et le gain de simplicité promis s’apparente davantage à une simplification comptable qu’à un réel progrès d’accessibilité.
Cette nouvelle grille tarifaire sera effective avant la fin de l’année, aucune date précise n’a encore été communiquée par la SNCB. En attendant, les billets actuels et les cartes Multi restent valables. La réforme ne s’applique pas aux abonnements.