Pourquoi le tram de Liège coûte-t-il trois fois plus cher qu’en France ?

Le chantier du tram à Liège. © ANP
Pierre-Henri Thomas
Pierre-Henri Thomas Journaliste

Les études qui ont conduit à l’arrêt de l’extension du tram de Liège sont connues. Elles expliquent pourquoi on a arrêté les frais.

 “Si Liège était française, elle aurait déjà quatre à cinq lignes de tram”, avait un jour lâché le bourgmestre de la cité ardente, Willy Demeyer. Peut-être. Mais si Liège était française, aurait-elle payé sa ligne de tram au même prix ?

On peut s’interroger à la lecture des études de l’Autorité organisatrice des transports wallonne (AOT) qui ont été révélées par la Libre. L’AOT, pour rappel, a été créée en 2018 au sein du SPW Mobilité et cette autorité a pour mission d’organiser, réguler et surveiller les systèmes de transport en commun wallon.

100 millions par km

Selon l’AOT,  la construction du tram de Liège qui sillonnera le centre-ville l’an prochain a coûté 56 millions d’euros par km. On notera ici qu’il ne s’agit que des « coûts d’investissement. L’AOT a calculé ce que coûte la réalisation et l’exploitation du tram déjà construit en centre-ville : la facture dépasse 1,17 milliard pour 11,7 km,  soit pile 100 millions au km.

On le sait, il avait été prévu d’étendre la ligne, mais finalement, le nouveau gouvernement wallon a fait marche arrière et abandonné tout projet d’extension.  La facture aurait été de 55 millions par km pour l’extension nord (vers Herstal), et 81 millions/km pour l’extension sud (vers Seraing). Et les estimations pour la construction et l’exploitation des extensions nord et sud auraient dépassé les 100 millions/km.

Si l’on veut comparer ces chiffres avec les investissements réalisés en France, on est bien au-dessus des tarifs. En France, note l’AOT, le coût de construction de lignes de tram a été compris entre 18 et 26 millions par km dans des villes comme Montpellier, Bordeaux ou Caen. Soit deux, trois voire quatre fois moins (si l’on prend en considération le coût de l’extension vers Seraing) qu’à Liège.

Attention toutefois :  l’AOT compare les frais de construction relativement récents à Liège (les travaux ont commencé en 2020)  avec des investissements qui, en France, ont eu lieu il y a une bonne dizaine d’années. Mais l’inflation seule ne peut pas expliquer l’importance de l’écart.

L’Inspection des Finances s’étonne

On comprend donc pourquoi l’Inspection des Finances (IF) wallonne a tiré au bazooka contre ces dépenses. « L’IF estime qu’il est permis de douter de l’utilité des extensions à la lecture des deux avis remis par l’AOT.  Au courant des mois de juillet et août, l’IF ne peut que s’étonner, déplorer même que l’avis de la Haute n’ait pas été sollicité bien plus en amont des décisions à prendre. Ainsi, l’IF  confirme clairement qu’il faut abandonner les extensions ».

L’AOT, de son côté, n’est pas plus enthousiaste. Elle observe qu’en termes de transport, une extension vers Seraing, zone peu densément peuplée, ne se justifie pas. Quant à l’extension vers Herstal, l’autorité botte en touche. « À ce stade, l’AOT ne peut confirmer le potentiel suffisant pour un renforcement de capacité sur ce tronçon », dit-elle.

Ce sont donc ces études qui ont décidé le nouvel exécutif wallon (MR-Engagés), et surtout le ministre de la Mobilité de la Région, François Desquesnes (Engagés), à arrêter les frais. On comprend mieux pourquoi.

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