Pourquoi Carlos Tavares (Stellantis) n’aime pas les voitures électriques (alors qu’il en vend beaucoup) ?
Carlos Tavares, le patron de Stellantis, n’est pas fan des voitures électriques. Pourtant il en vend. Il en vend même beaucoup.
Carlos Tavares est à la tête du groupe Stellantis né de la fusion, en 2021, de Peugeot-Citroën et Fiat-Chrysler. Son groupe a beau être dans le top trois des vendeurs de voitures électriques en Europe, il s’en méfie. Et contrairement à d’autres, il ne s’en cache pas. Il n’hésite pas non plus à descendre régulièrement les voitures électriques. Pas plus tard que la semaine dernière, il s’est montré particulièrement pessimiste sur le sujet. Ainsi lors d’une conférence de presse il a souligné qu’«on doit être sûr que l’électrification du parc automobile est bien la direction que les gens veulent suivre». C’est pourquoi, en fonction des résultats des élections européennes et américaines, le groupe se préparerait à «deux scénarios pour le développement de la voiture électrique. Soit une accélération des voitures électriques, si les progressistes dogmatiques gagnent, ou un ralentissement des voitures électriques, si les populistes gagnent ».
Bain de sang ?
La guerre des prix est un autre point qui tempère sérieusement l’enthousiasme de Carlos Tavares envers les voitures électriques. Lancée par Tesla et suivie par Ford, elle est une «course vers le fond». Si les prix continuent de baisser, cela «finira en bain de sang», a prévenu Tavares. «Si on continue à détruire la valeur de nos véhicules avec des baisses de prix, certains constructeurs vont avoir des problèmes, et deviendront des cibles pour un rachat», a-t-il prévenu. Le groupe ne semble cependant pas spécialement concerné puisqu’au troisième trimestre 2023, Stellantis a dépassé les attentes des analystes avec un chiffre d’affaires (CA) en hausse de 7%, à 45,1 milliards d’euros. Au premier semestre, sa marge opérationnelle atteignait même 14,4% du CA.
Cela n’empêche pas des investissements records
Ce désamour affiché est d’autant plus surprenant lorsqu’on sait que le groupe mise 40 milliards d’euros sur cette technologie d’ici à 2030. Stellantis multiplie aussi les lancements de modèles électriques. Le groupe prévoit actuellement de vendre 100% de voitures à batterie en Europe en 2030 et 50% aux États-Unis où le groupe réalise 60 % de ses profits. Ce constat peut expliquer aussi pourquoi le groupe affiche un certain scepticisme. Dans ce pays l’électrification ne fait que commencer et Stellantis y est moins avancé dans sa transition que ses concurrents GM et Ford. Un retard qui pourrait cependant être un avantage en cas de retournement de situation. Par exemple en cas d’élection de Trump. Ce dernier a en effet annoncé que, s’il revenait à la Maison Blanche, il mettrait fin à la réglementation de Joe Biden en faveur des véhicules à batterie.
La stratégie de bi-énergie
En affichant ses doutes sur la voiture électrique de cette façon, Carlos Tavares servirait surtout une stratégie mise en place dès la fin des années 2010. Depuis quelques années il a développé des plateformes de «bi-énergies », soit des modèles (et des chaînes de production) qui peuvent à la fois être des voitures thermiques et électriques. Par exemple la Peugeot e-3008 et la Citroën e-C3 sont conçues selon ce principe. Si cela présente l’inconvénient d’avoir des voitures légèrement moins performantes et une légère inefficience industrielle, cela permet aussi une grande flexibilité dans la production. En fonction des soubresauts politiques ou changement de tendance, la chaîne de production peut s’adapter rapidement et sans temps d’arrêt.
En martelant que l’avenir de la voiture électrique est incertain, Carlos Tavares prêche pour son modèle économique. Histoire de le faire passer pour un réel avantage stratégique et ne pas tuer complètement la poule aux œufs d’or. Car, qu’on le veuille ou non, les voitures thermiques sont toujours celles qui rapportent le plus. Les voitures électriques, et encore plus avec la guerre des prix, restent « structurellement moins profitables », selon Les Échos.
Carlos Tavares qui s’est fait une spécialité de redresser les constructeurs en perte de vitesse sait que la survie passe surtout par un bon timing dans la transition. Aller trop vite, c’est se casser les dents sur la bataille commerciale. Trop attendre risquerait d’affaiblir le groupe face à cette révolution qui est, de l’avis de presque tous, inévitable. Carlos Tavares n’envisage pas non plus de revenir complètement au moteur à essence. « Notre industrie doit contribuer à régler le problème du réchauffement climatique », a-t-il encore précisé la semaine dernière. Avant d’ajouter que «dans tous les cas, le groupe s’adaptera au fil de l’eau, sans peur. Nous avons affronté crise après crise dans cette industrie, nous ne savons plus ce qu’est la peur.»
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