La demande pour les voitures électriques d’occasion ne cesse d’augmenter contrairement à leurs prix qui sont à la baisse. Vincent Hancart d’AutoScout24 et Bart Massin d’EV Belgium expliquent les raisons de cette évolution. « Les gens ont peur que la voiture qu’ils achètent aujourd’hui soit dépassée dans quelques années, comme un smartphone. »
Jamais une voiture électrique d’occasion n’a été aussi bon marché en Belgique. En moyenne, les prix ont chuté de près de 12 % par rapport à l’année dernière. Selon AutoScout24, la plus grande plateforme automobile en ligne d’Europe, cela reflète une correction plus large du marché.
Vincent Hancart, CEO d’AutoScout24 Belgium, précise : « Bien que les voitures électriques ne représentent que 3,9 % des véhicules vendus sur le marché de l’occasion, elles constituent déjà 5,8 % de l’offre totale. Chez les concessionnaires professionnels, ce chiffre atteint même 7,8 %. L’offre croît plus vite que la demande, ce qui exerce une pression à la baisse sur les prix. »
EV Belgium, la fédération sectorielle pour la mobilité électrique fait le même constat. « Il y a simplement plus de voitures électriques d’occasion sur le marché qu’auparavant », explique son président Bart Massin. « C’est logique : la plupart des voitures électriques que nous revendons aujourd’hui en seconde main ont été mises en circulation comme véhicules de leasing il y a cinq ans. Or, elles étaient déjà nombreuses à l’époque. De plus, l’offre est renforcée par des véhicules en provenance de l’étranger. »
Sur l’ensemble du marché belge de la voiture d’occasion, le prix moyen a légèrement reculé de 1,2 %. Mais la baisse est nettement plus marquée pour les véhicules électriques d’occasion : près de 12 %. « Cela s’explique par l’élargissement de l’offre », indique Hancart. « Il y a quelques années, le choix se limitait à Tesla et à la Renault Zoe. Aujourd’hui, des dizaines de modèles sont disponibles. Cette diversité et cette concurrence accrue entraînent une baisse des prix. »
Bien que les voitures électriques représentent 35 % des nouvelles immatriculations, la part des acheteurs particuliers reste faible : seulement 13,9 %. « Pour beaucoup, ces voitures restent trop chères comparées aux modèles thermiques équivalents. S’y ajoutent des inquiétudes pratiques : possibilité de recharger à domicile, autonomie insuffisante… », souligne Hancart.
L’incertitude autour de l’évolution technologique joue également un rôle. « Nombreux sont ceux qui redoutent que le véhicule qu’ils achètent aujourd’hui soit dépassé d’ici quelques années, comme un smartphone. Et avec des marques comme Tesla, on ne sait jamais si le prix ne va pas chuter soudainement de plusieurs milliers d’euros. Cette volatilité rend la prise de décision difficile. »
Rétablir la confiance
Selon AutoScout24, la transparence est l’un des leviers clés pour restaurer la confiance des consommateurs. « Nous veillons à ce que les acheteurs puissent comparer les voitures selon le prix, l’autonomie et la capacité de la batterie. La Car-Pass, qui fournit l’historique du kilométrage, est aussi un outil précieux. Mais des progrès à faire restent nécessaires », reconnaît Hancart. « En particulier concernant l’état de santé des batteries, il manque des standards. Un diagnostic indépendant de la batterie devrait devenir la norme pour un véhicule électrique vendu d’occasion. »
La crainte d’acheter une voiture électrique d’occasion avec une batterie défectueuse est compréhensible, mais injustifiée, estime Bart Massin. « D’un point de vue technique, après 150.000 km, une voiture électrique n’a perdu que 10 à 20 % de sa durée de vie. Un véhicule diesel ou essence en aurait déjà consommé 60 à 70 %. » Des recherches, notamment de la VUB, montrent également que les batteries conservent plus de 90 % de leur capacité après cinq à six ans. « Trop de gens raisonnent encore en termes de véhicules classiques : 200.000 km, et on considère qu’il est bon pour la casse. Or, les batteries des voitures électriques peuvent tenir jusqu’à 900.000 km. »
L’état de santé de la batterie
L’intégration de l’état de la batterie dans la Car-Pass serait plus que bienvenue, estime Vincent Hancart. Mais cela ne va pas de soi dans la pratique. Bart Massin précise : « Il n’existe pour l’instant aucun document officiel qui certifie l’état de la batterie, comme un certificat après contrôle technique. Nous plaidons depuis longtemps pour un certificat de santé de la batterie, à l’instar de la Car-Pass. »
« Cela renforcerait considérablement la confiance des acheteurs. Mais ce n’est pas simple techniquement. Un test sérieux nécessite du temps et de l’énergie : il faut charger, décharger, mesurer. Ce n’est pas faisable dans le cadre d’un simple contrôle rapide. Tant que ces données objectives ne sont pas disponibles, de nombreux acheteurs hésiteront, et des véhicules électriques de qualité continueront à se vendre en dessous de leur valeur. »
Pour le reste de l’année 2025, AutoScout24 prévoit une progression continue de la part des véhicules électriques sur le marché de l’occasion. « Nous nous dirigeons probablement vers 10 % d’ici la mi-2026 », anticipe Hancart. « Mais cela suppose un effort accru des constructeurs et des concessionnaires. Ils doivent gagner la confiance des consommateurs avec des garanties, des diagnostics de batterie et de la transparence. Sinon, ils s’exposent à de lourdes pertes quand les véhicules en leasing leur reviendront. »
La réalité reste néanmoins dominée par le thermique : les voitures à essence et diesel représentent encore plus de 85 % du marché de l’occasion. L’électrification est en marche, mais le consommateur belge reste attaché au moteur à combustion. « La voiture électrique est l’avenir », insiste Hancart. « Mais pour que cet avenir se concrétise, il faut aujourd’hui lever les obstacles. »
Le manque de politique d’accompagnement n’aide en rien. « Nous ne constatons aucun signal fiscal clair à destination des particuliers en faveur de l’électrique. Aucune incitation à verdir le parc, aucun durcissement des règles, aucun message clair contre le diesel ou l’essence », déplore Massin. « La Belgique reste figée dans ses vieilles habitudes : on peut toujours acheter une voiture diesel dans les mêmes conditions fiscales qu’il y a dix ans. »
Pour EV Belgium, il est grand temps d’adopter une approche coordonnée. « Nous avons besoin d’une communication claire de la part des autorités », conclut Massin. « Le public doit comprendre qu’une voiture électrique est techniquement supérieure et coûte deux fois moins cher par kilomètre. Une politique fiscale est souvent la meilleure forme de communication : adaptez les règles, et le comportement suivra. Nous attendons une action de l’État. »