“Nous ne sommes qu’au début de l’histoire des véhicules autonomes!”

Robert Van Apeldoorn
Robert Van Apeldoorn Journaliste Trends-Tendances

L’autorisation donnée à San Francisco de développer des services de « robotaxis » est une étape cruciale dans l’adoption et la généralisation de la voiture autonome, estime Franck Cazenave, expert français en voiture autonome.

Les débuts officiels de la voiture autonome ont peut-être eu lieu le jeudi 10 août dernier. Pour la première fois, une autorité publique, la California Utilities Commission, en autorise l’utilisation libre, à San Francisco. Deux opérateurs, Waymo (Alphabet/Google) et Cruise (General Motors) peuvent commercialiser un service de « robotaxis », qui, jusqu’à présent, était en phase de test.

« On bascule de l’expérimentation à une offre grandeur nature, dans une ville, San Francisco, d’une certaine importance » dit Franck Cazenave, auteur du livre « La Robomobile : un nouveau droit à la mobilité durable et solidaire » (1).

– Quelle est l’importance de cette décision, c’est un moment-clef dans le développement de la voiture autonome, qui semblait ne jamais sortir de la phase de test ?

C’est une décision cruciale, elle concerne deux des acteurs les plus avancés dans la voiture autonome, Waymo et Cruise. Ils ne devront plus se limiter à rouler la nuit, en test, gratuitement, mais 24h/24h, 7 jours sur 7, sans opérateur de contrôle au volant, avec des centaines de véhicules. Nous sommes pour la première fois sur un service à l’échelle, facturé, avec de vraies prestations. Ce n’est pas une ville typique des États-Unis, avec des rues se croisant toutes à angle droit. San Francisco est plus proche des cités européennes, avec une géographie compliquée, un port, des rues en cul-de-sac, des avenues qui montent très fort. Cela montre ce qui pourrait se faire en Europe.

– Où en est-on en Europe ?  Une décision similaire pourrait-elle être prise de ce côté de l’Atlantique ?

L’Europe est encore réticente. Au moins sur le plan légal, car la convention de Vienne, qui gouverne la circulation routière, ne permet pas cette conduite autonome dite de niveau 5, où une auto peut circuler sans personne au volant. Il y a encore beaucoup de travail. Cette convention ne concerne ni les États-Unis, ni la Grande-Bretagne, ni la Chine, qui ne l’ont pas ratifiée. Par ailleurs, à ma connaissance, aucun acteur européen n’a investi autant que Waymo et Cruise dans la conduite autonome.

– Combien ont-ils investi ?

Cruise a investi un peu moins de 10 milliards de dollars. Pour Waymo, c’est moins clair, l’entreprise a levé plus de 3 milliards de dollars, l’activité a longtemps été noyée dans les comptes de Google, aucun chiffre spécifique global n’avait été annoncé. Sans doute que le montant total se situe aussi autour des 10 milliards.

– Est-ce que Tesla, très actif dans le domaine, n’est pas aussi très avancé ? Du moins, Elon Musk l’affirme…

L’approche est différente. Nous ne sommes qu’au début de l’histoire des véhicules autonomes ! La force de Tesla est d’accumuler des millions de vidéos de situations rencontrées par les voitures Tesla partout dans le monde, cela alimente les algorithmes de conduite autonome, les affine, et constitue un avantage compétitif. La conduite autonome développé par Tesla, FSD (Full Self-Driving), encore en phase prototype, relève du niveau 4, mais pour le moment le conducteur doit être derrière le volant, réagir. Les modèles de Waymo et de Cruise sont de niveau 5, sans nécessiter la présence d’un conducteur.

(1) Franck Cazenave, La Robomobile : un nouveau droit à la mobilité durable et solidaire, édition Descartes&Cie, 2022, 250 pages, 22 euros.

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