Mobilité : la FEB défend le péage kilométrique et la voiture de société
Pieter Timmermans, de la FEB, et la professeure Christa Sys, titulaire de la chaire transport à l’Université d’Anvers, profitent de la semaine de la mobilité pour avancer 5 priorités afin d’obtenir un plan mobilité à long terme où Régions et Fédéral se mettraient d’accord.
1- Oui à la redevance kilométrique, mais partout
La FEB ne craint pas de rappeler qu’elle est favorable à une redevance kilométrique pour les véhicules routiers, quels qu’ils soient. « Nous y sommes favorables depuis 2017, à condition qu’elle remplace les taxes de circulation et de mise en circulation » précise Pieter Timmermans, administrateur délégué de la FEB. « Nous préférons le principe d’une taxe à l’usage à celui d’une taxe à la possession. Avec des montants variant selon l’heure, le lieu, pour améliorer la fluidité du trafic. »
L’idée est développée sous forme de projet à Bruxelles, mais pas en Flandre ni en Wallonie. « Cela n’aurait aucun sens d’instaurer cette taxe dans une seule région, elle doit s’appliquer partout pour être efficace. »
Christa Sys, titulaire de la chaire transport, logistique et ports à l’Université d’Anvers, présidente de la plateforme mobilité et Logistique de la FEB, estime que ce dispositif est une nécessité, « car, du point de vue académique, sur le plan théorique, le transport est trop bon marché, et provoque une perte du point de vue social, qu’il y a moyen de corriger avec un mécanisme de prix. Il y a une redevance pour les poids lourds, mais on pourrait pratiquer pour les autos un tarif de redevance différencié aux heures de pointe et aux heures creuses. »
« Nous pensons, dans cette perspective, que la redevance kilométrique pourrait encourager la livraison de nuit, et constituer un élément de solution pour nos embouteillages » ajoute Pieter Timmermans. « Cela pourrait se faire avec des véhicules électriques pour réduire les nuisances sonores. »
2-La voiture de société ? A préserver, au-delà de 2030
C’est un sujet qui pourrait revenir sur la table lors de prochaines élections. Pieter Timmermans estime que le dispositif fiscal favorable aux voitures de société doit être maintenu. « Nous demandons de la stabilité » dit-il. Pour l’heure, le cadre fiscal privilégie les autos zéro émission (électriques), et avantage de moins en moins les autos à carburant. Cela permet de verdir en partie le parc belge malgré le cout encore élevé des autos électriques. Mais sera-t-il encore défendable de maintenir ce dispositif au-delà de 2030, lorsque les autos zéro émission seront (théoriquement) au même prix ou moins chères que les autos électriques ? « Cela fait partie du package salarial » défend Pieter Timmermans. « Si vous le supprimez, cela représente l’équivalent de 500 ou 600 euros net de moins par mois. Quel parti ou gouvernement pourrait supprimer cet avantage ? Pour compenser 600 euros par mois, il faudrait une augmentation de disons 1200 euros par mois. Économiquement c’est trop lourd. »
3- Une vision partagée nationalement pour la mobilité, ou l’effet gare du Midi
« Dans la mobilité, nous connaissons le même syndrome que la gare du Midi, à Bruxelles. Il y a de gros problèmes, mais chacun se renvoie la balle, dit Pieter Timmermans. Il estime que la séparation entre le fédéral pour le ferroviaire, et les Régions pour les routes et les autres transports en commun est parfois catastrophique, chacun travaillant dans son coin, alors que la mobilité ne connaît pas les frontières régionales. « Pour la gare du Midi, je suis ravi que le Premier ministre ait dit : peu importe qui est responsable, je convoque tout le monde, et je demande qu’on agisse. C’est ce genre d’approche dont nous avons besoin. Il faut raisonner autour d’Anvers, de Bruxelles, de Charleroi, etc. Il faut développer une politique qui va plus loin que les frontières régionales. Je ne parle pas de refédéraliser ni régionaliser ce qui ne l’est pas encore, mais de se mettre ensemble pour un plan d’action commun. Les gens en ont marre, ils veulent des solutions. »
« C’est essentiel » continue Christa Sys. « L’organisation de la mobilité est un élément clef dans la compétitivité du pays. » Elle le voit bien à Singapour, d’où elle répondait à cette interview à distance. « Nous avons besoin d’une vision à long terme, jusqu’en 2050 et au-delà. Et pas seulement pour le transport de personnes, aussi pour les marchandises. Ce serait mieux d’avoir un seul ministre des transports pour organiser la vision long terme. »
« Nous connaissons la Belgique, la situation est ce qu’elle est avec 4 ministres » continue Pieter Timmermans. « Mais ils devraient pouvoir s’accorder sur une vision qui dépasse les élections, une vision commune élaborée en début de législature. »
« Un élément important est la rapidité d’exécution d’une politique de mobilité, je le vois en Asie » ajoute Christa Sys. «Le professeur Gus Blauwens, à qui j’ai succédé, parlait déjà de redevance kilométrique et d’internalisation des coûts externes des transports. J’enseigne depuis 13 ans. » On en parle toujours…
4. Autoriser plus de tests, plus d’expériences
« Récemment le commissaire Didier Reynders était à San Francisco et a essayé un robotaxi» dit Pieter Timmermans. « Nous voulons dire qu’il ne faut pas freiner des évolutions inévitables. Intégrons les nouveautés intéressantes dans notre législation, soyons ouverts, nous avons les universités et centres de recherche de pointe, soyons proactifs. »
« Ici à Singapour nous avons vu des démonstrations de drone » explique Christa Sys, je ne suis pas sûr que cela sera la solution pour l’e-commerce, mais pour relier des hôpitaux, transporter des organes, des vaccins, notamment, cela apporte de nouveaux moyens incroyablement rapides.
5. Encourager les partenariats publics-privés
Ces formules permettent au pouvoir public d’investir sans peser sur l’endettement du pays. Il a été appliqué notamment au Diabolo, un tunnel et un pont ferroviaires désenclavant Brussels Airport, financé par des péages. « Cette formule est très utile, car nous avons besoin de beaucoup d’investissement » avance Pieter Timmermans. « Certains disent que l’Etat doit tout financer. » Mais cela va peser sur le déficit et la dette, qui sont déjà très (trop) élevés.
Voitures électriques
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