L’espace aérien devient chargé et dangereux
Le ciel se rétrécit et devient de plus en plus dangereux. La connectivité mondiale souffre au fur et à mesure que de nouvelles contraintes viennent plomber le transport aérien.
Imaginons le scénario suivant : la guerre au Moyen-Orient ferme l’espace aérien au-dessus de l’Iran, de l’Irak, d’Israël, de la Jordanie et du Liban. Au nord, le ciel russe reste interdit aux compagnies aériennes occidentales. Étant donné que la plupart des compagnies aériennes évitent depuis longtemps les itinéraires qui traversent la Syrie, l’Ukraine et le Yémen, et que nombre d’entre elles évitent également l’Afghanistan, l’impact sur l’aviation serait énorme. Les routes les plus fréquentées du monde seraient réduites à quelques couloirs très encombrés.
Une situation presque identique s’est produite en août 2024, alors que le monde attendait avec anxiété la réponse de l’Iran après l’assassinat par Israël d’un haut responsable du Hamas à Téhéran. En l’occurrence, la perturbation avait été brève. Mais alors que le monde entre dans une ère de conflits et de rivalités géopolitiques croissants, l’aviation civile internationale est confrontée à des contraintes de plus en plus fortes. Le ciel s’est rétréci depuis 2014, lorsque des agents russes ont abattu un avion de ligne malaisien qui survolait l’Ukraine. En 2020, les forces iraniennes ont abattu un avion de ligne ukrainien près de Téhéran, faisant 176 morts, croyant à tort qu’il s’agissait d’une “cible hostile”. C’est en partie à cause de ces incidents catastrophiques que les alertes aériennes se sont multipliées ces dernières années. Il faut s’attendre à ce qu’il y en ait beaucoup plus en 2025 et, par conséquent, qu’il y ait davantage de perturbations.
Connectivité mondiale sous pression
Il existe deux principaux types de restrictions. La première, relativement rare, consiste à fermer l’espace aérien d’un pays. L’Ukraine et le Soudan en sont des exemples. La Russie a fermé son espace aérien aux compagnies de près de 40 pays (principalement occidentaux), tout comme l’Europe et l’Amérique l’ont fait pour les compagnies russes. En conséquence, les transporteurs européens et américains doivent désormais emprunter des itinéraires beaucoup plus longs vers les destinations asiatiques. Ils sont donc désavantagés par rapport à leurs concurrents asiatiques qui peuvent offrir des temps de vol plus courts et, comme ils consomment moins de carburant, des prix plus bas. Les opérations de fret aérien sont également affectées. C’est donc la connectivité mondiale dans son ensemble qui en pâtit. Le deuxième type de restriction consiste en des avertissements d’espace aérien, lorsqu’un pays conseille à ses propres compagnies aériennes d’éviter certains territoires. Ces avertissements sont assez courants et généralement temporaires. Mais ils se sont multipliés ces dernières années et durent plus longtemps.
En 2024, l’industrie aéronautique a organisé sa toute première World Overflight Risk Conference, reconnaissant ainsi la gravité et la persistance du problème. Et de nouveaux risques apparaissent sans cesse, notamment les cas de “gps spoofing” (perturbation délibérée de la navigation par satellite) ou encore les attaques de missiles imprévisibles lancées par des groupes rebelles au Yémen contre le trafic maritime en mer Rouge. Et même lorsqu’il n’y a pas de danger physique immédiat, la détérioration des relations entre les pays incite à éviter l’espace aérien de l’autre. Le monde devient de plus en plus dangereux, non seulement au sol, mais aussi dans le ciel.
Par Leo Mirani, correspondant pour l’Asie de “The Economist”
Le monde devient de plus en plus dangereux, non seulement au sol, mais aussi dans le ciel.
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