Les trottinettes coûtent des milliards, mais ne rapportent pas grand-chose
La fin des trottinettes partagées à Paris pourrait être un coup de bambou pour le secteur pourtant en pleine croissance. De quoi le plomber pour de bon?
Le secteur de la trottinette partagée est encore souvent déficitaire et vit, depuis des années, grâce à des levées de fonds spectaculaires. Avec leur taux d’adoption exceptionnellement rapide, elles ont séduit les investisseurs. Comme le signalait l’Echo, le secteur de la micromobilité est un véritable nid à Licorne (une société valorisée plus d’un milliard de dollars). Les sommes astronomiques investies s’expliquent par certaines attentes. McKinsey avait ainsi estimé, dès 2019, que la micromobilité avait le potentiel pour devenir un marché mondial de 300 à 500 milliards d’euros en 2030. Une croissance rapide demande souvent de gros investissements au départ, et les bénéfices ne se récoltent que plus tard. Que des sociétés du secteur soient déficitaires n’a donc en soi rien d’inquiétant. Mais pour que l’agent frais continue d’affluer, il faut qu’il y ait une croissance, précise De Standaard.
Un risque d’effet boule de neige pour les trottinettes partagées
Or, si la trottinette partagée fait aujourd’hui indubitablement partie de la mobilité en ville, la fermeture de gros marché comme Paris, où les trottinettes seront interdites à partir du 1er septembre, risque de plomber tout le secteur. Si d’autres villes embrayent et bannissent, elles aussi, les trottinettes, cela peut sérieusement changer la donne. Montréal et Barcelone ont ainsi déjà réglementé l’utilisation des trottinettes.
C’est d’autant plus le cas lorsqu’on sait que la valorisation de ces entreprises peut connaître de véritables montagnes russes. Lime avait été valorisée à 2,4 milliards de dollars début 2019, avant de descendre à 400 millions de dollars en pleine première vague du covid. Et alors que Lime est enfin rentable (l’entreprise a généré un revenu brut de 466 millions de dollars en 2022, pour un résultat net ajusté de 15 millions de dollars), elle joue sa survie avec Paris qui était son premier marché mondial avec ses 5 000 trottinettes électriques. Bird, pionnier américain du secteur, traverse aussi une période difficile. À la fin de l’année dernière, elle a ainsi décidé de se retirer de certains marchés européens. Si de nouveaux financements ont été trouvés, l’entreprise a tout de même enregistré une perte nette de 36 millions de dollars l’année dernière.
La volatilité du marché risque donc de freiner sérieusement les velléités de potentiel investisseur d’acheter des parts dans ce type d’entreprises. Et c’est d’autant plus vrai que ces derniers sont devenus plus prudents avec la hausse des intérêts.
Et à Bruxelles ?
Aujourd’hui, la Région bruxelloise accueille 21.000 trottinettes partagées, mais toutes n’appartiennent pas à la même entreprise. L’offre est répartie entre huit opérateurs selon L’Echo. Dott propose 4.300 trottinettes, Voi 4.000, Bolt 3.700, Lime 3.200, Tier 3.000, Poppy 1.300 et 1.000 pour Pony. C’est beaucoup d’opérateurs pour un relativement petit territoire. Et puis la disponibilité est très disparate selon les communes. Cet éclatement de l’offre est tout de suite l’un des problèmes fondamentaux du système puisque cela rend la concurrence féroce et rend impossible toute augmentation des prix pour arriver à des niveaux rentables. Pour l’utilisateur cela débouche sur des prix plus compétitifs, mais aussi une plus grande difficulté à lire l’offre. Pour beaucoup, toutes ces trottinettes sont tout simplement interchangeables.
Par ailleurs, de plus en plus de voix s’élèvent pour les interdire dans les rues de Bruxelles. Parce qu’elles sont utilisées comme un jouet et qu’elles sont la cause de plus en plus d’accidents, parfois mortels. Le nombre de victimes s’élève à 1.564, soit une augmentation de 62 % par rapport à 2021. Enfin, ces engins sont aussi critiqués pour leur mauvais bilan carbone puisqu’au bout d’à peine six mois la plupart sont usés et doivent être remplacés.
Modérer plutôt qu’interdire
La question des trottinettes se pose donc aussi chez nous. Mais plutôt que d’interdire, les autorités semblent plutôt prôner la modération. Ainsi des règles ont été introduites en Belgique pour limiter leurs nuisances. La limite d’âge a été fixée à 16 ans. Il est dorénavant interdit de rouler sur les trottoirs et de rouler à deux. Des aménagements urbains ont également vu le jour, avec des « zones de dépôt » délimitées pour le stationnement, des « zones interdites » et des « zones de ralentissement » à vitesse réduite. Bruxelles Mobilité a lancé une nouvelle campagne de sensibilisation le mois dernier.
Soit autant de contraintes qui rendent l’utilisation des trottinettes moins sauvage, mais aussi plus contraignante. Ce qui fait dire à certains qu’un autre danger guette le modèle de la trottinette partagée. Les prix restant tout de même relativement coûteux pour un trajet moyen, certains utilisateurs seront peut-être tentés d’acheter leur propre trottinette. Les prix de ces dernières devenant de plus en plus abordables puisqu’on en trouve déjà pour quelques centaines d’euros.
Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici