Les applications de stationnement, un horodateur dans la poche

Robert Van Apeldoorn
Robert Van Apeldoorn Journaliste Trends-Tendances

Le marché des applications de stationnement est en plein développement. Ces instruments sont rendus quasi indispensables avec l’extension du parking payant sur la voie publique et le contrôle impitoyable des “scan cars”.

Seety, 4411, Yellowbrick, EasyPark : voici quelques applications qui courtisent les automobilistes pour les aider à payer leur stationnement en rue. Toutes cherchent à proposer leur service dans l’ensemble des villes du pays qui ont rendu le stationnement payant sur la voie publique.

“Il nous manque encore Knokke”, regrette Pablo Rauwers, président du conseil d’adminis­tration de la société Rauwers, l’introducteur du parcmètre en Belgique, et qui propose l’appli­cation Yellowbrick, l’une des plus répandues (¹). Mais ça viendra peut-être un jour : la tendance pour les autorités locales est d’accepter plusieurs applications sur leur territoire. Liège en accepte deux, Yellowbrick et 4411, même chose pour Namur. La plupart des communes de la capitale en acceptent six.

Les fondateurs et dirigeants de Seety, Hadrien Crespin (à gauche) et Nicolas Cognaux (à droite). © R. van Apeldoorn

Le SMS fait la résistance

Le paiement par application est l’étape ultime de la numérisation du stationnement, phénomène à l’œuvre depuis plus de 10 ans. Le temps du parcmètre individuel où l’automobiliste insérait des pièces est révolu depuis longtemps. Aujourd’hui, le paiement passe par l’encodage de la plaque d’immatriculation via un horo­dateur et, de plus en plus, via une application qui nourrit une base de données. L’application devient la manière la plus rapide et aisée de lancer une session de stationnement sans partir à la recherche d’un horodateur. “Un des avantages est que vous ne payez que la durée précise de votre stationnement”, indique Pablo Rauwers. L’application sur smartphone prolonge une forme digitale déjà très développée, le paiement par SMS.

“A Bruxelles, environ 50% des stationnements payants passent par une application”, estime Hadrien Crespin, cofondateur de Seety, qui propose une application homonyme. “En Wallonie, le taux est sans doute moindre, mais ça progresse.” Les Pays-Bas se situent au-delà des 70%. “Ils ont quelques années d’avance.”

Selon l’agence parking.brussels, qui gère le stationnement dans 11 communes de la capitale, dont 9 avec zones payantes, le paiement numérique représente 47,5% de ses transactions, dont la moitié encore sous forme de SMS, l’autre par applications. “Ce service par SMS continue et est encore très utilisé”, dit Nicolas Talpe, directeur commercial du service 4411, l’un des acteurs historiques de ce paiement qui a démarré avant le développement des smartphones. Il espère bien que ces utilisateurs migreront vers l’application 4411. “Le SMS permet juste de payer, l’application peut faire beaucoup plus, par exemple informer les clients des zones de stationnement moins chères.” La part encore élevée des SMS tient notamment aux formules de “stationnement visiteur” que les habitants peuvent attribuer via un code SMS dans certaines communes. Des formules qui devraient progressivement passer sur les applications.

L’incitant des “scan cars”

Qu’est-ce qui incite les automobilistes à recourir aux applications de stationnement ? L’efficacité des contrôles, qui a fait un bond avec la multiplication des véhicules, surmontés de caméras, parcourant les rues et scannant toutes les plaques. “Un patrouilleur à pied contrôle 500 à 700 autos par jour, une voiture peut en vérifier plus de 1.000 à l’heure”, déclare Pierre Vassart, porte-parole de parking.brussels.

Cette agence régionale dispose de huit véhicules de ce type. Liège en compte au moins deux, Namur et Charleroi recourent aussi aux scan cars. Ces dispositifs rendent coûteux les “oublis”, souvent le fait d’automobilistes pressés, découragés par le temps mis à trouver et activer un horodateur, ou par ceux qui comptent sur la chance. Les applications vont-elles rendre les horodateurs obsolètes ? “Non, il y en aura sans doute moins par rue, mais comme les zones payantes s’étendent, le nombre ne devrait pas varier, estime Pablo Rauwers, dont l’entreprise commercialise ces appareils et assure le service. Des dispositifs auxquels une nouvelle fonction a été imaginée : “Nous proposons d’y ajouter un capteur de pollution”. Enfin, l’utilisation d’une application peut aider les indépendants ou les sociétés car elle peut simplifier la déduction des frais de stationnement, via une facture mensuelle.

2% d’erreurs
Le contrôle du stationnement payant a connu une hausse brutale de la productivité avec l’introduction des voitures scanners, ou scan cars, depuis quatre ou cinq ans. Elles sont surmontées de caméras qui enregistrent plaques et emplacements pour vérifier si les véhicules sont en règle. Si ce n’est
pas le cas, les automobilistes reçoivent une invitation à payer une redevance de stationnement forfaitaire (ce n’est pas juridiquement une amende) de 40 euros à Liège, 35 à 40 euros sur
les zones de parking.brussels.

Le contrôle par scan car est très productif, mais génère encore des erreurs, que parking.brussels estime à 2%. La plus classique est la verbalisation pendant que l’automobiliste est occupé à démar­rer une session sur un horodateur, laquelle peut être annulée. D’où de nombreux recours (parking.brussels a augmenté l’effectif du service réclamations de 15 à 80 personnes). Parfois, la carte handicapé n’est pas repérée. Il faut de plus en plus l’encoder sur le site du système de stationnement ou sur une appli pour éviter ce genre de couac.

Quelques centimes

Comment choisir son application ? Avec la tendance à accepter plusieurs applications dans chaque localité, l’usager a l’embarras du choix. Nous en avons essayé quelques-unes (4411, Yellowbrick, Seety, EasyPark). Elles sont toutes efficaces, rapides à mettre en route, plutôt fiables. Il suffit d’inscrire une fois pour toutes la plaque du véhicule, d’encoder une carte de paiement et ensuite l’application identifie la zone où est garée la voiture, indique si elle est payante ou non, et propose le cas échéant de lancer la session. A la base, ces applications ne nécessitent pas d’abonnement, cela ne coûte rien d’en utiliser plusieurs, de les tester. C’est une garantie d’avoir la meilleure couverture géographique, car aucune ne couvre encore 100% des villes.

Ces services sont généralement un peu payants. Cela dépend à la fois des opérateurs et des communes. “Certaines donnent une commission, dit Hadrien Crespin (Seety), mais ce n’est pas le cas partout. Dans la capitale, où les communes passent par l’agence régionale Parking Brussels (²) pour gérer leur stationnement, cette dernière ne verse pas de non plus commission, Seety facture alors 25 cents par session. Yellowbrick ou 4411 facturent 35 cents. Le premier propose aux utilisateurs intensifs une formule à 75 cents par semaine pour un nombre illimité de transactions. EasyPark facture 29 cents.

L’avantage de payer strictement le temps de stationnement réel dépend de l’attention de l’utilisateur. L’automobiliste distrait peut oublier d’arrêter la session quand il remonte dans sa voiture et quitte le stationnement. Le paiement courra alors jusqu’à la fin de l’horaire facturable.

Plusieurs applications proposent de limiter la session dans le temps ou rappellent au moins pério­di­quement qu’une session est en cours. L’idéal serait que la session s’arrête automatiquement dès que le véhicule quitte sa place de parking. “Ce sera sans doute possible dans le futur, avec les voitures connectées”, ajoute Nicolas Talpe (4411). Seety travaille aussi sur le sujet. Les éditeurs des différentes applications ont des parts de marché difficiles à cerner au niveau national. Pour les zones de parking.brussels, 4411 est la plus utilisée, suivie de Yellowbrick puis de Seety.

Un patrouilleur à pied contrôle 500 à 700 autos par jour, une voiture scanner peut en vérifier plus de 1.000 à l’heure.” – Pierre Vassart (parking.brussels)

Editeurs d’applications locaux et internationaux

Les éditeurs de ces applications sont d’origines très diverses. 4411 est une activité de Be-Mobile, filiale de Proximus, entreprise belge spécialisée dans les outils numériques de la mobilité (analyse du trafic, plateforme de péage, traffic management).

Seety est une start-up wallonne née sous le nom de cPark. C’était aussi le nom de la première appli lancée par cette société, d’abord centrée sur l’information aux automobilistes sur les zones de stationnement les moins contrôlées, par information collaborative. En ajoutant le paiement, le nom a changé, mais la logique collaborative subsiste. Le développement porte sur l’accès à des parkings privés.

EasyPark appartient à une entreprise internationale active dans plus de 20 pays et plus de 4.000 villes. Yellowbrick est un cas particulier. L’activité belge est gérée par le groupe Rauwers, acteur belge historique de l’horodateur et autres instruments de mobilité (tachygraphes), qui utilise une plateforme d’un acteur international, Flowbird Group (dont EasyPark négocie le rachat) pour fournir ce service.

En consolidation

Ce secteur en pleine consolidation pourrait encore évoluer. Chacun cherche à se positionner. Presque toutes les applis cherc­hent à se développer vers les parkings hors de la voie publique, parfois avec reconnaissance de la plaque, avec l’idée d’aller plus loin qu’un parcmètre digital, en aidant l’automobiliste à trouver une place de stationnement. Yellowbrick et EasyPark misent sur la plus grande simplicité d’usage. 4411 tente l’intermodalité en proposant des tickets de train ou de bus (De Lijn pour le moment), ou bientôt la recharge aux bornes électriques.

(1) Roularta Media Group, éditeur de Trends-­Tendances, est actionnaire de la société Yellowbrick à hauteur de 35%.
(2) Les communes qui ont délégué la gestion du stationnement à parking.brussels sont : Anderlecht, Berchem-Sainte-Agathe, Evere, Forest, Ganshoren, Ixelles, Jette, Koekelberg, Molenbeek-­Saint-Jean, Schaerbeek et Watermael-­Boitsfort (Saint-Gilles à partir de 2024).



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