Le vélo est durable, mais son industrie ne l’est pas encore

VÉLOS. Les fabricants de vélos doivent penser davantage en termes de circularité. © PG

Avec l’arrivée de l’été, de nombreuses personnes s’achètent un nouveau vélo. Celui-ci semble être l’emblème de la durabilité : pas d’émissions, pas de carburant, bon pour le corps et l’esprit. Mais celui qui regarde de plus près découvre que l’industrie du vélo est loin d’être verte. “Le véritable impact environnemental ne se situe pas dans le fait de faire du vélo, mais dans la manière dont nous produisons et jetons les deux-roues.”

Erik Bronsvoort, auteur du livre From Marginal Gains to a Circular Revolution, conseille des fabricants de vélos dans le monde entier pour rendre leurs processus de production plus durables. Il fait du vélo depuis toujours. “Cela fait partie de la culture, quand on grandit aux Pays-Bas”, dit-il. En voiture, en route pour un voyage à vélo dans les Alpes, un ami l’a confronté à une vérité douloureuse. “Ce nouveau VTT en carbone à l’arrière, ça n’a quand même rien à voir avec la durabilité, non ?” Cette remarque a été le début d’une quête. Comment l’industrie du vélo peut-elle devenir réellement durable ? Avec ce même ami, Erik Bronsvoort a fondé en 2018 Circular Cycling, un magasin où des vélos de course étaient construits à partir de pièces usagées.

“Nous avons découvert que d’innombrables pièces de vélos de haute qualité prenaient simplement la poussière dans des garages et des remises, indique le Néerlandais. C’est dommage, car elles peuvent facilement avoir une seconde vie.”

Deux ans plus tard, une nouvelle conclusion s’est imposée : la véritable transition devait avoir lieu chez les fabricants. “Nous avons alors commencé à écrire le livre et depuis, je travaille comme consultant pour des marques de vélos internationales, afin de les aider à devenir plus circulaires”, explique Erik Bronsvoort.

Qu’est-ce qui rend l’industrie du vélo si polluante ? “Tout d’abord, les vélos modernes sont souvent conçus – consciemment ou non – pour tomber en panne mécaniquement après un certain temps, devenir obsolètes ou passer de mode”, entame Erik Bronsvoort. Il explique qu’un tout petit peu de matériau en plus à un endroit vulnérable peut considérablement prolonger la durée de vie d’une pièce, mais que les fabricants choisissent délibérément le strict minimum – pour des raisons de poids ou d’économie de coûts.

Batterie

“À cela s’ajoute le fait que les pièces de vélo ne sont souvent pas compatibles avec les versions précédentes”, déclare l’auteur-entrepreneur. Pensez au passage des freins sur jante aux freins à disque, ou de 10 vitesses à 12. À chaque fois, on est obligé de remplacer tout un ensemble de composants.” Les vélos électriques posent souvent un problème encore plus important. “Un e-bike à 6.000 euros est bien trop souvent sans valeur après cinq ans, parce que le moteur ou la batterie tombent en panne et qu’aucune pièce de rechange n’est compatible. C’est quand même absurde, non ?”

“Un e-bike à 6.000 euros est bien trop souvent sans valeur après cinq ans, parce que le moteur ou la batterie tombent en panne et qu’aucune pièce de rechange n’est compatible. C’est absurde.”
Erik Bronsvoort

Erik Bronsvoort

Un autre coupable est la fibre de carbone. C’est le matériau préféré pour les vélos ultralégers haut de gamme. La production de carbone est très polluante. On utilise de grandes quantités d’énergie, d’eau et de résine toxique, qui génèrent beaucoup de déchets. De plus, 20 à 30% des fibres de carbone sont perdues durant le processus de production.

La production d’un vélo en carbone génère trois fois plus de CO2 que celle d’un vélo en aluminium.

La production d’un vélo en carbone génère trois fois plus de CO2 que celle d’un vélo en aluminium. Et même après utilisation, ou en cas de rupture irréparable du cadre après une chute, une pollution est générée. Les cadres en carbone sont particulièrement difficiles à recycler et deviennent ainsi des produits jetables extrêmement coûteux. “Le recyclage du carbone est techniquement à peine possible. De plus, c’est tellement cher et énergivore que cela ne se fait pratiquement pas, affirme Erik Bronsvoort. Il n’existe aucun système de collecte chez les détaillants pour les vélos en carbone mis au rebut ni pour les composants comme les jantes, guidons ou tiges de selle en carbone. Ceux-ci finissent tout simplement dans les déchets résiduels, où ils n’ont rien à faire.”

Dans le meilleur des cas, le carbone est incinéré, mais ce matériau est en fait trop tenace pour cela. “De nombreux cadres et composants en carbone finissent en cendres résiduelles à la décharge, pas vraiment circulaire.”

Recyclage

Contrairement à l’industrie automobile ou aéronautique, le secteur du vélo est plus petit et moins bien organisé. “Les voitures sont démontées à des endroits fixes et les matières premières sont séparées, souligne Erik Bronsvoort. Pour les vélos, un tel système n’existe quasiment pas. Un vélo contient un mélange complexe de métaux, plastiques et carbone, tous vissés ou collés. Ces composants sont souvent faits d’alliages haut de gamme, comme l’aluminium 6061 ou 7005, difficiles à récupérer. Le matériau est dévalorisé.”

Cela rend le recyclage coûteux et inefficace. Erik Bronsvoort plaide pour un changement radical. “Tout d’abord, les vélos doivent durer plus longtemps. Il faut les concevoir dès le départ pour une longue durée de vie, un entretien facile, et pour le démontage et la réutilisation. Les fabricants doivent revenir à la compatibilité. Les pièces doivent être facilement remplaçables.”

Il faut également un système similaire à celui de l’industrie automobile. “Pensez à une contribution environnementale, avance Erik Bronsvoort. Une petite taxe à l’achat d’un vélo, qui financerait un système de collecte et de recyclage.”

Abonnement

Heureusement, il y a aussi des points positifs. “Swapfiets est un bon exemple de la manière dont les choses peuvent être faites autrement, pointe notre interlocuteur. Parce qu’ils proposent des vélos sous forme d’abonnement au lieu de les vendre, le produit reste leur propriété. Il est donc dans leur intérêt de fabriquer des vélos qui durent longtemps et qui sont faciles à entretenir.” Il en va de même pour les fournisseurs de Swapfiets. “Un fabricant de pneus (Vittoria, ndlr) n’est par exemple pas payé par pneu vendu, mais par mois pendant lequel le pneu est utilisé.” Ainsi, des incitations financières apparaissent pour produire des composants de vélo durables et résistants à l’usure. La marque américaine de vélos Trek a également introduit Red Barn Refresh, un programme de reconditionnement dans lequel les vélos usagés sont remis à neuf et revendus. Le leasing, le partage et les abonnements sont une belle manière de rendre l’industrie du vélo plus verte. Tout comme les plateformes qui vendent des vélos d’occasion, comme la belge Upway, becycled.be et l’allemande buycycle.com.

© Getty Images

Vélos électriques

Qu’en est-il de la croissance continue des e-bikes, allant des vélos pliants et cargos électriques aux vélos urbains, speed pedelecs, VTT électriques et même aux vélos de route et gravel électriques ? Ils sont remplis d’électronique et de batteries contenant des matières premières précieuses. Quelle est la durabilité de tout cela ?

“L’e-bike est pour moi une histoire à double tranchant, déclare Erik Bronsvoort. Si cela pousse les gens à laisser leur voiture, c’est un gain pour l’environnement. Mais si un adolescent en bonne santé, un jeune de 20 ou 30 ans va désormais à l’école ou au travail à proximité en vélo électrique, alors qu’il a un très bon vélo classique, c’est plutôt un recul.”

Les vélos électriques tombent plus vite en panne à cause de leur électronique. Ils nécessitent bien plus de matériaux, et contiennent des batteries et des moteurs rarement facilement recyclables. L’Union européenne travaille sur une réglementation plus stricte, comme la nouvelle Battery Directive, qui impose des exigences en matière de réutilisation et de matières recyclables. C’est, selon le Néerlandais, un pas en avant.

“Faire du vélo est durable, conclut Erik Bronsvoort. Mais l’industrie du vélo ne l’est pas encore. Si nous voulons vraiment avoir un impact, nous devons abandonner le modèle économique linéaire – acheter, utiliser, jeter – et passer à des systèmes plus intelligents et circulaires.”Son rêve ? “Des vélos qui durent facilement vingt ans, qui peuvent être améliorés au lieu d’être remplacés, et dont chaque composant connaît une deuxième ou une troisième vie. Ce n’est qu’à ce moment-là que le vélo devient réellement vert.”

Six conseils pour un vélo durable

1Investissez dans la qualité plutôt que dans la mode.
2Un bon entretien prolonge considérablement la durée de vie. Cela commence déjà par le nettoyage soigné des chaînes, des pignons et des dérailleurs.
3Il existe de nombreux vélos et pièces d’occasion encore parfaitement utilisables.
4Rapportez les vieux vélos ou pièces chez des détaillants spécialisés.
5Demandez si l’objet est réparable, vérifiez si les batteries ou les moteurs sont remplaçables séparément.
6Vous n’avez pas toujours besoin d’un e-bike, consommer moins et choisir plus consciemment, c’est aussi être plus vert.

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