La Belgique réussit son virage fiscal vers l’électrique, mais au prix fort. Tandis que les émissions moyennes de CO₂ des voitures de société chutent à un rythme inédit, le traitement fiscal avantageux de ces véhicules prive l’État de recettes importantes. Une récente étude chiffre ce manque à gagner à plus de 5 milliards d’euros par an. Décryptage d’un succès environnemental à double tranchant.
Depuis l’entrée en vigueur de la réforme fiscale du ministre Van Peteghem, en juillet 2023, les commandes de voitures électriques par les entreprises ont explosé. Entre 70 et 80 % des nouvelles voitures de société seraient désormais 100 % électriques, d’après les chiffres d’Acerta RH. La conséquence est spectaculaire : en un an, les émissions moyennes de CO₂ des voitures de société ont chuté de 100,3 g/km à 66,57 g/km, soit une baisse d’un tiers. Sur dix ans, la baisse atteint près de 50 %.
Cet effet accéléré prouve l’efficacité de la fiscalité verte : en rendant la déductibilité des véhicules thermiques et hybrides dégressive jusqu’en 2028 (0 % à terme), l’État a modifié les comportements d’achat en profondeur. L’électrification du parc est aujourd’hui l’axe principal de réduction des émissions dans le secteur privé. Et quand on sait que les voitures de société pèsent 60% du parc automobile en Belgique, cela a son importance.
Mais un coût budgétaire important
Toutefois, cette transition s’accompagne d’un paradoxe budgétaire. Une étude du Bureau du Plan sur les dépenses fiscales liées aux voitures de société révèle qu’en l’état actuel de la législation, ces véhicules bénéficient d’un traitement très favorable en matière d’impôts et de cotisations sociales.
Si ces voitures étaient traitées fiscalement comme une rémunération monétaire équivalente, les recettes publiques augmenteraient de 5,2 milliards d’euros par an d’ici 2028.
L’avantage toute nature (ATN), calculé selon le prix catalogue, l’âge, la motorisation et les émissions de CO₂, est nettement plus favorable qu’un salaire équivalent. En outre, aucune cotisation personnelle de sécurité sociale n’est prélevée sur ces avantages. Résultat : une niche fiscale qui a longtemps été estimée entre 2 et 4 milliards, mais que la nouvelle étude affine à plus de 5 milliards, en tenant compte des effets indirects sur l’ensemble du parc.
D’autres simulations font même état de pertes de recettes (para)fiscales de 3 à 6 milliards d’euros.
Des valeurs résiduelles sous pression
Pour les entreprises, le passage à l’électrique a aussi un coût. Les prix catalogue ont augmenté en moyenne de 47% en 10 ans. Même si le coût d’utilisation d’une voiture électrique est moins onéreux, cela reste important.
Le problème, c’est que la valeur résiduelle des voitures électriques est sous pression. L’un des freins au leasing électrique est la difficulté de revente en seconde main. Certains véhicules peinent à trouver preneur, notamment chez les particuliers encore frileux face à l’électrique. Et donc, cela augmente les loyers en leasing.
À cela s’ajoute le fait que les marchés d’exportation ne sont pas encore mûrs pour absorber les volumes de véhicules électriques d’occasion, contrairement aux thermiques. Un point d’attention pour les entreprises et les loueurs.
Mais les constructeurs commencent à proposer des véhicules électriques neufs moins chers sur le marché.
La stratégie fiscale belge a été saluée par la Commission européenne comme un modèle de verdissement rapide, mais son avenir reste incertain. Le ministre actuel des Finances, Jan Jambon (N-VA), envisage de rendre à nouveau fiscalement attractives les hybrides rechargeables, au risque de ralentir la dynamique verte.
Au sein du gouvernement fédéral, les désaccords sont profonds, et Bruxelles risque même de perdre jusqu’à 282 millions d’euros de subventions européennes si le pays dévie trop de sa trajectoire climatique.
L’exemple des voitures de société illustre le dilemme auquel font face les pouvoirs publics : stimuler la transition écologique par la fiscalité, au prix d’un manque à gagner budgétaire considérable. Même s’il ne faut jamais oublier que le système des voitures de société a aussi été créé pour répondre à une pression fiscale considérable sur le travail en Belgique.
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Le bilan contrasté des voitures de société : une chute impressionnante de CO₂, mais un manque à gagner de 5 milliards
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