À quatre mois de l’entrée en vigueur de la réforme du budget mobilité, peu d’entreprises sont pleinement informées de leurs nouvelles obligations.
Mis en place en 2019, le budget mobilité offre aux salariés la possibilité de renoncer à leur voiture de société en échange d’un budget qu’ils peuvent répartir librement entre différents moyens de transport. L’ambition est claire : désengorger les routes aux heures de pointe et encourager des alternatives plus écologiques, le tout sans alourdir la charge salariale pour l’employeur. Voilà pour l’explication générale.
Mais le nouvel accord du gouvernement fédéral a prévu d’importantes réformes. À commencer par l’obligation, à partir du 1er janvier 2026, de proposer un budget mobilité à chaque travailleur disposant (ou ayant droit) à une voiture de société. SD Worx a réalisé un tour d’horizon : qui est informé, et qui, au contraire, n’en a jamais entendu parler ?
• À peine 26 % des PME wallonnes et 18 % des bruxelloises connaissent réellement la nouvelle obligation.
• Près de la moitié n’est pas suffisamment informée, et 1 PME sur 5 l’ignore totalement.
• Pourtant, un tiers des PME possédant des voitures de société souhaite déjà mettre en place ce budget mobilité.
• Les freins majeurs : manque de connaissance, perception d’une lourdeur administrative et crainte d’un faible intérêt de la part des collaborateurs.
Celles qui ignorent ou en savent très peu
Et c’est là que ce qui aurait dû être une bonne nouvelle semble sombrer dans l’ignorance. « Bien sûr, il n’y a pas encore de législation concrète, mais l’intention du gouvernement d’augmenter le budget mobilité a déjà été discutée dans les médias l’année dernière », s’étonne Laura Bertrand, spécialiste PME chez SD Worx. « Il est surprenant qu’à moins de six mois de l’entrée en vigueur, cette nouvelle obligation soit encore peu connue. »
En effet, l’enquête du spécialiste en ressources humaines met en évidence des chiffres parfois surréalistes. Ainsi, 21 % des PME wallonnes ignorent tout de cette prochaine obligation, 49 % se disent insuffisamment informées et les 30 % restants affirment être au courant, mais sans savoir exactement ce que cela implique. De plus, pour un quart des PME wallonnes, cette obligation n’est pas pertinente, car elles ne disposent pas de voitures de société.
À Bruxelles, 40 % se disent insuffisamment informées et 10 % déclarent n’être pas informées du tout. Seule une minorité, soit 26 % des PME wallonnes, est pleinement au courant de la nouvelle règle, contre 21 % en Flandre et 18 % à Bruxelles.
Lire aussi| Le budget mobilité gagne du terrain, pas à pas
Celles qui connaissent, mais n’osent pas
Cette réforme, qui impose de proposer un budget mobilité à tous les collaborateurs disposant (ou ayant droit) d’une voiture de société, a aussi pour objectif de séduire de nouveaux talents, comme le rappelle Laura Bertrand : « Le budget mobilité est un atout pour attirer les collaborateurs. Nous constatons que même les plus petites PME y songent désormais, pour attirer des candidats qui connaissent ce système dans de plus grandes organisations, notamment à Bruxelles. Utiliser ce budget pour payer le loyer ou le prêt hypothécaire est financièrement très intéressant. »
Et si à Bruxelles et en Wallonie, un tiers des PME possédant des voitures de société (35 % et 36 %) souhaite mettre en place un budget mobilité, en Flandre cela concerne un quart des entreprises. Mais il y a un « mais ». Et il est de taille : près de la moitié des PME wallonnes disposant de voitures de société (51 %) ne souhaitent pas s’y engager. À Bruxelles, ce chiffre est légèrement inférieur, mais atteint tout de même 46 %.
Lire aussi| Le budget mobilité sert à payer le logement
Les raisons de la réticence
L’enquête de SD Worx révèle des différences régionales marquées dans les freins à l’adoption du budget mobilité. En Wallonie, la principale barrière est le manque de connaissance des possibilités et avantages (54 %), alors que ce frein est légèrement moins élevé en Flandre (42 %) et à Bruxelles (44 %). En revanche, la complexité administrative apparaît comme l’obstacle dominant dans la capitale, où 57 % des organisations la citent, contre seulement 34 % en Wallonie et 30 % en Flandre.
On observe également que le désintérêt des collaborateurs est un frein important, présent de manière assez homogène dans les trois régions (entre 37 % et 42 %). En Wallonie, toutefois, les entreprises se distinguent en mentionnant plus fréquemment que d’autres solutions de mobilité durable conviennent mieux à leurs besoins (19 %, contre 8 % en Flandre et 5 % à Bruxelles). Enfin, le critère financier reste secondaire dans les trois régions (entre 7 % et 11 %), mais il est légèrement plus sensible en Flandre.
Wallonie :
• Connaissance insuffisante des possibilités et des avantages : 54 %• Les collaborateurs ne manifestent aucun intérêt : 42 %
• Trop complexe et trop lourd sur le plan administratif : 34 %
• D’autres solutions de mobilité durable correspondent mieux à nos besoins : 19 %
• Pas intéressant financièrement pour notre organisation : 7 %
• Autre : 0 %
Bruxelles :
• Trop complexe et trop lourd sur le plan administratif : 57 %• Connaissance insuffisante des possibilités et des avantages : 44 %
• Les collaborateurs ne manifestent aucun intérêt : 42 %
• Pas intéressant financièrement pour notre organisation : 9 %
• Autre : 7 %
• D’autres solutions de mobilité durable correspondent mieux à nos besoins : 5 %
Flandre :
• Connaissance insuffisante des possibilités et des avantages : 42 %• Les collaborateurs ne manifestent aucun intérêt : 37 %
• Trop complexe et trop lourd sur le plan administratif : 30 %
• Autre : 13 %
• Pas intéressant financièrement pour notre organisation : 11 %
• D’autres solutions de mobilité durable correspondent mieux à nos besoins : 8 %
Bruxelles, un cas à part
À Bruxelles, le frein principal au budget mobilité n’est pas le manque de connaissances, mais la crainte d’une charge administrative trop lourde, évoquée par 57 % des PME. Près d’une sur dix (9 %) avance également une autre raison : la voiture est indispensable pour les visites chez les clients, ce qui rend son remplacement par un budget mobilité inadapté.
Cette dépendance s’explique aisément : dans les PME bruxelloises, sept voitures de société sur dix sont des voitures de fonction, utilisées majoritairement à plus de 50 %, voire plus de 75 %, pour des déplacements professionnels. En comparaison, en Wallonie, cette proportion tombe à 52 %, tandis qu’en Flandre comme à Bruxelles, moins d’un quart des véhicules (moins de 25 %) servent à des usages professionnels limités (moins de 25 % du temps).
C’est aussi pour cette raison qu’une PME wallonne sur cinq souhaite exclure du budget mobilité les collaborateurs ayant une fonction mobile (commerciaux, techniciens, etc.), car leur travail exige une voiture de fonction. À Bruxelles, on souhaite également exclure les gestionnaires du budget mobilité.
« Dans la pratique, conclut Laura Bertrand, il peut être effectivement difficile pour les profils commerciaux d’organiser les visites des clients autrement qu’en voiture (à vélo ou en transports en commun), puisqu’ils apportent par exemple des échantillons de produits aux clients. Certaines zones industrielles sont également difficiles d’accès en transports en commun. Chaque situation est différente. Toutes ces voitures de fonction ne seront donc pas immédiatement remplacées. »