Enfin des voitures électriques abordables !

Renault R5
Robert Van Apeldoorn
Robert Van Apeldoorn Journaliste Trends-Tendances

Les voitures électriques premier prix se multiplient, et elles ne sont pas forcément chinoises. Citroën, Renault, Hyundai et Fiat, notamment, s’attaquent à ce marché négligé jusqu’ici, et pourtant indispensable pour convaincre les particuliers.

Les voitures électriques ont la réputation de coûter cher, plus cher que leurs cousines à carburant. Cela se voit dans la faible part des particuliers dans les immatriculations : 13% pour les automobiles à batteries en 2024, selon la Febiac, la fédération des importateurs de voitures (16.554 sur un total de 127.703).

Depuis quelques mois, des modèles de voitures électriques plus accessibles arrivent toutefois dans les showrooms belges. Un flux qui devrait s’intensifier à l’avenir. Il y a notamment la R5 de Renault, la Citroën ë-C3, la Fiat Grande Panda, la Hyundai Inster, la petite Leapmotor T03, à des tarifs de départ entre 18.900 et 25.000 euros, et avec des autonomies qui peuvent dépasser les 300 km.

Enthousiasme à retardement des constructeurs

Les constructeurs s’étaient en général abstenus de lancer des petites voitures électriques pas chères, estimant plus aisé de rentabiliser de grands modèles à plus de 40.000 ou 50.000 euros. Ils sont d’ailleurs tout aussi peu enthousiastes pour les petites voitures à carburant pour les mêmes raisons.

Mais aujourd’hui, la pression est forte pour sortir des électriques moins chères. La moyenne des émissions des automobiles vendues doit diminuer. Ce n’est possible qu’en multipliant les modèles plus abordables dans les offres. La réduction du coût des batteries et le développement de nouvelles plateformes permettent de proposer des tarifs plus attractifs. Par ailleurs, les particuliers sont réticents à payer plus de 40.000 euros pour une voiture. En acheter une deuxième à une vingtaine de milliers d’euros peut les aider à franchir le pas.

Renault R5

Les autos abordables devraient contribuer à la croissance du marché électrique en Europe occidentale (18 pays). Une croissance que l’expert allemand Matthias Schmidt évalue à + 38% cette année (2,65 millions d’unités), après une année de stagnation.

L’un des modèles les plus attendus, la R5 de Renault, a bien démarré. Elle est proposée à partir de 25.000 euros, avec 300 km d’autonomie. “Nous en avons livré quasiment un millier depuis le lancement fin 2024, et avons engrangé pas mal de commandes”, se félicitait Martin Domise, managing director de Renault Belgique Luxembourg, à la mi-mars.

En fait, la R5 actuellement livrable démarre à 27.900 euros tandis que le modèle à 25.000 euros doit encore sortir cette année. Elle est moins chère que la Renault Zoé, lancée en 2013 et vendue autour des 35.000 euros, qu’elle remplace. La R5 est aussi plus moderne, avec un infotainment avancé. “C’est un véhicule coup de cœur, très technologique, très sophistiqué, pas du néo rétro”, déclarait Fabrice Cambolive, patron de la marque Renault, au Salon de Bruxelles, en janvier dernier.

Cible privilégiée : les particuliers

Surtout, la R5 vise le public des particuliers, si difficile à amener à l’électrique. “Nous avons été agréablement surpris. La part des particuliers dans les livraisons actuelles est d’environ 50%”, poursuit Martin Domise, qui croise les doigts. Le même constat est établi par Virginie Moerenhout, porte-parole de Stellantis en Belgique, pour les modèles Citroën ë-C3 et Fiat Grande Panda, surtout acquis par des particuliers dans cette phase de lancement. Ce qui n’était pas gagné d’avance, car il n’y a pas de prime à l’achat pour les électriques en Belgique, comme c’est le cas chez nombre de nos voisins (France, Pays-Bas, Luxembourg). “Au grand-duché, nous vendons quasiment autant de R5 que de Clio”, pointe Martin Domise.

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“Nous avons été agréablement surpris. La part des particuliers dans les livraisons actuelles de la nouvelle R5 est d’environ 50%.” – Martin Domise (Renault Belgique Luxembourg)

On l’a dit, la R5 n’est pas la seule électrique “abordable” qui arrive sur le marché. Même si cette notion d’accessibilité est délicate à mesurer. Dans les voitures à carburant, la Dacia Sandero, vendue à partir de 12.890 euros, est l’une des moins chères du marché. C’est l’automobile la plus livrée en Wallonie en 2024 (numéro 3 au niveau national).

Passons en revue les modèles abordables récemment arrivés sur le marché belge.

Premier prix : la Leapmotor T03

Les voitures premier prix appartiennent au segment A du marché de l’automobile, celui des petites urbaines. La moins chère est sans doute la Leapmotor T03, une petite auto vendue à 18.900 euros, avec un moteur de 95 ch et une autonomie de 265 km (WLTP, mixte). Ce segment de la petite urbaine était déjà occupé par la Dacia Spring, vendue à partir de 16.990 euros, qui est du reste le seul modèle électrique pas cher dans le top 20 des immatriculations d’automobiles à batteries en janvier-février 2025, avec 689 exemplaires (voir tableau). Elle a toutefois une puissance et une autonomie plus réduites que la Leapmotor T03 : respectivement 45 ch et 225 km d’autonomie pour la Spring de base (Essential Electric 45). Une version plus puissante de la Dacia Spring propose 65 ch avec la même autonomie, et un tarif voisin de la nouvelle concurrente.

La marque Leapmotor souffre d’un manque de notoriété auprès du public, même si la start-up chinoise, née en 2015, connaît une belle progression, et que le groupe Stellantis (Peugeot, Opel, Citroën, Jeep, Chrysler, Fiat, Alfa Romeo, etc.) y a pris une participation de 20%. Les deux partenaires ont fondé une joint-venture européenne, Leapmotor International, pour commercialiser la marque en Europe et en Amérique latine, adapter les véhicules et assembler des modèles sur le Vieux Continent. Ceux annoncés sont la petite T03 et un SUV du segment D, la C10, à 34.900 euros, un tarif abordable dans ce grand format.

La marque Leapmotor souffre d’un manque de notoriété auprès du public, même si la start-up chinoise, née en 2015, connaît une belle progression.

L’objectif pour Stellantis est de fournir en Europe des voitures électriques à prix contenus et de fabrication partiellement européenne, en distribuant les modèles à travers des revendeurs de Stellantis, ce qui devrait rassurer les clients. Les chiffres sont encore très modestes : à peine 27 exemplaires de la Leapmotor T03 ont été livrés en janvier-février dernier. “C’est le lancement, la marque doit encore gagner en notoriété”, déclare Stefan De Smet, en charge de la marque chez Stellantis Belgique. Il n’y aura pourtant pas de grande campagne publicitaire. “Nous miserons sur le digital et sur la notoriété des points de vente Stellantis.” Et sur l’assurance que le groupe est bien fourni en pièces détachées, un point délicat pour certaines marques chinoises.

Actuellement, 22 revendeurs proposent la marque Leapmotor, un nombre qui devrait doubler. Le marché potentiel reste modéré : le segment A ne représente que 2,5% du marché.

Nous avons eu l’occasion de rouler avec une T03. Elle constituait une bonne surprise, avec un équipement complet à ce niveau de tarif, y compris un toit panoramique avec volet électrique et une caméra de recul. L’auto propose un espace assez grand pour le segment, avec un tableau de bord épuré, où toutes les commandes, ou presque, passent par un écran central plutôt grand. C’est clairement une voiture plutôt urbaine, même si elle aborde sans souci les autoroutes. Son autonomie la rend peu adaptée à un long trajet, sauf avec beaucoup de patience. On peut aller de Bruxelles à la mer, mais il faudra sans doute charger en revenant.

Ce segment des voitures sous les 20.000 euros va s’élargir à des modèles européens avec la Renault Twingo, annoncée pour la fin de l’année, et l’ID.1 de VW, pour 2027, dont des images ont été diffusées récemment. Ce seront aussi des urbaines, avec une autonomie qui devrait tourner autour des 300 km pour la Twingo, 266 km pour l’ID.1.

Leapmotor T03

Autour de 25.000 euros

C’est le créneau où les automobiles abordables se multiplient le plus. Avec des modèles plus grands que ceux décrits plus haut, du segment B, comme la Citroën ë-C3, la R5 et la Fiat Grande Panda, des autonomies d’environ 300 km (jusqu’à 412 km pour les R5 à grande batterie et 150 ch, à un prix de plus de 32.900 euros).

Fiat Grande Panda

La Citroen ë-C3 se vend 23.309 euros, avec un moteur de 113 ch. Fort bien accueillie par la presse spécialisée, notamment pour son confort, elle est déclinée en version crossover avec la ë-C3 Aircross (26.699 euros). Sa cousine chez Stellantis, la Fiat Grande Panda, se situe dans la même gamme de prix, avec un design plutôt SUV. Ces deux modèles pourraient sortir avec une batterie et un tarif plus réduits.

Ces modèles existant aussi en version à carburant, on peut voir que l’écart de prix reste substantiel : une C3 à essence revient à 15.959 euros, soit 7.350 euros de moins que la cousine électrique. La parité à l’achat est encore éloignée, même s’il faut calculer le coût à l’usage, avec un entretien plus réduit et un gain sur la consommation d’énergie (6 à 7 euros par 100 km contre une dizaine pour la version à carburant).

Citroën ë-C3

Le Hyundai Inster a été présentée au Salon de Bruxelles. C’est un petit SUV astucieux, à un tarif démarrant à 23.899 euros pour une autonomie de 327 km, 25.899 euros pour la version à 370 km. La banquette arrière coulisse pour agrandir le coffre qui est modeste dans ce format de voiture (3,82 m de long, plus petit que la R5 ou la Citroën ë-C3).

Nous avons pu l’utiliser quelques jours. Le modèle est bien équipé, même dans les versions les moins chères. Le tableau de bord est partagé entre des écrans et pas mal de commandes qui passent par des boutons (dont l’airco). Elle se faufile partout et peut envisager quelques longs trajets, style 500/600 km.

Hyundai Inster

“Nous visons le public des particuliers avec ce modèle, mais c’est un peu le cas pour l’ensemble de la marque”, indique Anne Pottemans, head of communication d’Astara, l’importateur de la marque coréenne, qui est surtout populaire pour ses SUV et a une bonne expérience de l’électrique. Une campagne de publicité démarre. Elle vise un public jeune, mais la clientèle sera sans doute plutôt celle des 40-50 ans.
L’Inster est un petit crossover électrique à l’aise partout, pour la ville, sur les routes de province, pour aller et revenir de la mer. Pour les trajets de plus de 500 km, ce sera sans doute un peu plus fastidieux, mais tout à fait possible.

C’est du reste le souci de tous les modèles abordables : leur autonomie ne dépasse guère les 350 km. Pour proposer plus de kilomètres, il faut une batterie plus grande, plus chère. Certains modèles le proposent, mais le tarif grimpe alors.

Les semi-abordables

Nous terminons ce tour d’horizon par les modèles d’attaque, dans différentes catégories. Par exemple, la Leapmotor C10. Avec un tarif de 34.900 euros, il ne s’agit pas d’une auto premier prix, mais dans sa catégorie – celle des SUV de segment D, de 4,79 m de long – elle est bon marché. “C’est 6.000 euros de moins que le concurrent le plus proche”, note Stefan De Smet (Stellantis Belgique).

Dans la catégorie C (VW Golf, Renault Megane, etc.), la BYD Dolphin est aussi un premier prix, à 29.000 euros, pour une autonomie de 427 km (WLTP), présentée par l’importateur comme la voiture électrique au prix d’une auto à essence (au tarif d’une VW Golf de base).
Le SUV BYD Atto2 (4,31 m de long) démarre en Belgique à un tarif de 29.990 euros et une autonomie de 312 km, et se présente comme un SUV urbain, présenté en première européenne au récent Salon de l’Auto.

Les marques européennes ont raboté certains tarifs. La VW ID.3, qui était vendue au-dessus de 40.000 euros, est accessible à partir de 33.900 euros pour une autonomie de 356 km. Skoda sort un SUV fort attractif, Elroq, à partir de 33.490 euros (347 km d’autonomie).

D’autres modèles vont suivre. VW devrait sortir cette année une ID.2all vendue à partir de 25.000 euros, au format d’une Golf.

Les Chinois moins agressifs que prévu

Sur le front du marché électrique, il y a trois conclusions à tirer. La première est que l’offre s’élargit et les tarifs tendent à s’éroder, ce qui est une bonne nouvelle. Mais le recul est très progressif.

La deuxième conclusion est que la vague chinoise annoncée, qui promettait une marée de modèles bon marché, n’a pas vraiment déferlé sur l’Europe. La surtaxe imposée à l’importation explique en partie cela. La production en Europe, annoncée par BYD, pourrait amener d’autres modèles abordables d’ici quelques mois.

La troisième conclusion est qu’à de rares exceptions, les modèles électriques ne sont pas encore parvenus à des tarifs comparables à leurs homologues à carburant.

En 2022, le CEO de Volvo Cars, Jim Rowan, avait déclaré à Trends-Tendances : “Je dirais que vers 2025, le coût d’une voiture électrique sera identique à celui d’une auto à carburant.” Aujourd’hui, les prévisions ciblent plutôt 2030.

Les tarifs mentionnés dans cet article sont indicatifs. Ils ont été repris sur les sites des importateurs à la mi-mars 2025, et peuvent faire l’objet de promotions temporaires.

Et l’occasion ?

En général, la majorité des particuliers préfèrent acheter des voitures d’occasion. Mais ils se méfient des modèles électriques de seconde main, faute d’expérience. Cela explique la cote de revente plus faible de ces autos. Ce qui permet de faire de bonnes affaires : ces modèles bénéficient de garanties longues sur la batterie (8 ans/160.000 km en général), parfois sur le reste de la chaîne de traction. Une Tesla Model Y peut être garantie 8 ans/192.000 km, par exemple, pour la batterie et la chaîne de traction.

Pour s’assurer que le véhicule est en bon état, un certificat de l’état de la batterie, produit notamment par Dekra, Aviloo ou Moba, est indiqué. Il donne le niveau SOH (state of health) de l’accumulateur, qui doit idéalement se situer au-dessus de 90%. Une auto avec une autonomie de 400 km, qui a un SOH mesuré de 95%, a donc une autonomie théorique de 380 km, et devrait aisément dépasser les 200.000 km.

“Nous voyons des particuliers qui viennent choisir une seconde voiture pour le ménage”, déclare Hervé Maillien, patron d’Evercar, un revendeur spécialisé dans la revente d’électriques et d’hybrides de seconde main. “Pour cet usage, vous n’avez pas besoin d’une voiture destinée aux longues distances. Pour une vingtaine de milliers d’euros, vous aurez une automobile électrique moins chère à l’usage qu’une au carburant neuve d’un même prix.”

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