Des voitures électriques européennes à 20.000 euros ?
La création d’une voiture électrique abordable “fabriquée en Europe” présente un défi complexe tant pour les décideurs politiques que pour l’industrie automobile. De quoi ouvrir la voie à une concurrence chinoise de plus en plus déterminée à détrôner les marques historiques.
Contrairement à l’industrie textile ou des smartphones, l’automobile européenne parvient encore à échapper à la concurrence chinoise bon marché. Mais, s’accordent les observateurs, cela ne devrait pas durer: une ribambelle de marques préparent leurs modèles pour le Vieux continent, comme l’illustre la forte présence de la Chine au salon de l’automobile de Munich (IAA), qui se tient cette semaine. Ces nouveaux arrivants allient avance technologique -grâce aux investissements de la Chine dans l’électrique depuis une douzaine d’années- et faible coût de main d’œuvre.
Les gouvernements européens exhortent les constructeurs du continent à rendre accessible la mobilité électrique dans la perspective d’interdiction des nouveaux véhicules thermiques ou hybrides en 2035. Un message que devrait reprendre le chancelier allemand Olaf Scholz qui inaugure l’IAA mardi.
Electrique à 20.000 euros ?
En Chine, les prix catalogue des voitures électriques sont “jusqu’à 60% inférieurs aux prix en Allemagne”, constate Ferdinand Dudenhöffer, expert de l’industrie automobile. Le directeur général du français Stellantis, Carlos Tavares, avait évoqué fin juillet une “invasion” de constructeurs qui ont “un avantage coût de 25%”. Marque chinoise la plus vendue sur le Vieux continent, MG propose ainsi des prix autour de 30.000 euros hors bonus environnemental, selon les modèles d’entrée de gamme. Fondée en Grande-Bretagne en 1924 mais relancée après sa faillite en 2005 par le géant chinois de l’automobile SAIC, MG “bénéficie de sa notoriété d’ancienne marque occidentale ainsi que de la compétitivité du marché chinois”, souligne Felipe Munoz, de JATO Dynamics.
Au premier semestre de cette année, les marques chinoises ont capté 8% du marché de l’électrique d’Europe occidentale alors que leurs parts étaient quasi nulles en 2019, d’après les calculs de l’analyste Matthias Schmidt. Le premier constructeur chinois de voitures électriques, BYD, devrait commencer à inonder le marché européen à partir du deuxième semestre 2023, d’après M. Schmidt. Son modèle Atto 3 s’est déjà hissé en tête des ventes de voitures électriques au mois de juillet en Suède, où plus d’un quart des immatriculations sont électriques.
En face, les constructeurs européens font tout pour réduire leurs coûts de production et proposer des modèles moins chers. Même Mercedes, qui a recentré sa stratégie sur le luxe, a promis dimanche un modèle destiné à rendre l’électrique “accessible”, a déclaré Ola Kallenius, sans détails.
En mars, la marque allemande VW présentait la future ID.2 à moins de 25.000 euros, attendue en 2025. Elle prévoit également de développer un modèle à moins de 20.000 euros, un prix auquel peu de constructeurs sont parvenus pour l’électrique. Stellantis mise surtout sur la Citroën C3 électrique, qui sera dévoilée mi-octobre, et Renault va lancer la citadine R5, promise sous la barre des 30.000 euros. La marque Opel du groupe compte aussi proposer un modèle “autour de 25.000 euros” peu après 2025, selon son patron Florian Huettl lundi.
“Patriotisme”
“Plus on aura de modèles électriques, plus nous profiterons d’économies d’échelle”, a expliqué dimanche soir à Munich le patron de Volkswagen, Oliver Blume, misant sur la hausse des volumes pour réduire les prix.
D’ici là, sur fond de ralentissement économique, la part de marché des voitures électriques, encore trop chères, devrait chuter de 12% en septembre, d’après M. Dudenhöffer. En France, le gouvernement a promis une offre de location de voitures électriques “à prix accessibles”, le président Emmanuel Macron ayant évoqué la somme de 100 euros par mois pour ce leasing, sous conditions de ressources. La France envisage aussi de conditionner les subventions pour les voitures électriques à un “score environnemental” susceptible de limiter les importations chinoises.
En Allemagne, pays de Volkswagen, BMW et Mercedes, les primes à l’achat ne sont pas considérées comme une solution durable: pour pousser les constructeurs à commercialiser davantage de véhicules électriques à des prix abordables, le gouvernement a réduit cette année le bonus écologique et compte le supprimer progressivement d’ici 2025. Une situation qui pourrait peser sur les marges confortables qu’ont dégagé les groupes européens en profitant de l’inflation pour faire monter les prix.