Selon toute logique, la SNCB devrait choisir définitivement le constructeur espagnol CAF pour la construction de 600 rames de train. C’est le “contrat du siècle”, qui porte sur un montant de 3,4 milliards d’euros. Alstom emploie pourtant 1.500 personnes en Belgique. Le ministre de la Mobilité, Jean-Luc Crucke, charge son prédécesseur, Georges Gilkinet (Ecolo). Le conseil d’administration est en cours et serait intense.
Selon les bruits de couloir, la SNCB devrait privilégier CAF, ce vendredi, à l’issue d’une réunion décisive pour le “contrat du siècle”. Il s’agit d’un gigantesque marché public à l’horizon 2032 qui porte sur la construction de 180 rames de train pour un montant de 1,7 milliard d’euros. Ce contrat pourrait même être étendu sur 12 ans et aller jusqu’à 600 rames pour un total de 3,4 milliards.
En mars dernier, Trends-Tendances révélait que le soumissionnaire espagnol l’avait emporté au détriment d’Alstom et Siemens. Une décision que le patron d’Alstom Belgique, Bernard Belvaux, avait qualifiée de “choquante” dans un courrier adressé à plusieurs responsables politiques.
La multinationale française qui possède un site de construction de trains, à Bruges, et un autre site de développement, à Charleroi, avait décidé dans la foulée de déposer un recours devant le Conseil d’Etat. Elle a obtenu gain de cause : la décision était suspendue. Le Conseil d’Etat estimait que le choix de la SNCB n’était pas correctement motivé.
La décision est vraiment prise ?
Cette semaine, sans encore connaître la décision, le ministre de la Mobilité, Jean-Luc Crucke (Les Engagés) expliquait à Trends-Tendances que « le conseil d’administration et la direction avaient mené un double travail : une expertise technique pour vérifier si les critères d’attribution étaient cohérents et corrects, et une expertise juridique pour voir comment motiver utilement la décision. »
En fait, la SNCB n’a jamais vraiment songé à relancer le marché public, mais à mieux motiver sa décision. Et selon De Standaard, la décision de la SNCB serait prise. Après une réévaluation, il semblerait même que l’écart entre l’offre de CAF et d’Alstom se serait creusé, selon L’Echo. Le choix sera entériné, ce vendredi.
Le conseil d’administration est en cours. Il nous revient que la bataille est intense et que les mandataires libéraux se seraient joints aux mandataires socialistes, qui veulent relancer le marché public. “On n’est plus très loin d’une majorité”, nous glisse une source proche du dossier.
Clause environnementale
Certains ont regretté qu’une clause d’emploi local n’ait pas fait partie du cahier des charges. Mais la SNCB a rappelé que c’était impossible dans le cadre d’un marché public européen.
Pour sa part, Jean-Luc Crucke dispose toujours d’un pouvoir d’annulation d’une décision du Conseil d’administration. « J’ai même cru voir qu’un ancien ministre, qui m’avait précédé, m’avait suggéré de le faire. C’est assez intéressant, surtout que la clause environnementale manquait dans le cahier des charges. Pour un ministre écolo, oublier cette clause, c’est juste un peu cocasse », a-t-il ironisé.
Le ministre ne devrait pas intervenir. Et pour cause, faire un nouvel appel d’offres prendrait beaucoup de temps. “Si on refait un cahier des charges, alors la procédure repart pour quatre ans. Or, la SNCB a besoin de ce matériel comme de pain », expliquait le ministre.
Débat européen
Au-delà du débat strictement belge, le ministre invite à une réflexion plus large, européenne, sur le secteur du matériel roulant. « Ces trois entreprises, c’est quasiment les trois seules en Europe qui fabriquent du matériel roulant », rappelle-t-il. « Peut-être qu’un jour, il faudrait vraiment réfléchir à voir comment elles peuvent mieux travailler à trois pour être plus efficaces, plus concurrentielles, plus efficientes. »
L’enjeu, selon lui, dépasse le seul cadre intra-européen : « Sinon, c’est du matériel chinois qu’on aura sur le rail. Il est plus que temps que les grands, qui sont grands mais pas géants, évitent qu’un jour un géant vienne leur dire comment il faut fonctionner. »