Budget mobilité obligatoire: un coup dur pour la voiture de société?

Les voitures de société concernent 14,9% des salariés belges. © Getty Images
Robert Van Apeldoorn
Robert Van Apeldoorn Journaliste Trends-Tendances

Le budget mobilité sera imposé l’an prochain à toutes les entreprises proposant des voitures de société. La mesure devrait faire reculer le parc des voitures salaires. Les entreprises s’inquiètent car aucun texte légal n’est encore sorti.

L’importance de la voiture de société va-t-elle diminuer avec l’évolution du budget mobilité prévu dans les mois à venir ? Ce serait logique car le gouvernement fédéral travaille à la mise en place, l’an prochain, du budget mobilité pour toutes les entreprises qui proposent des voitures de société à leur personnel.

Ce dispositif, encore facultatif, laisse au salarié le choix : voiture, vélo, trains, bus, trams, métros, voiture partagée, ou même logement, s’il habite à moins de 10 km de son travail, qu’il combine à sa guise. Cette généralisation vise à encourager une mobilité plus durable et à ne pas tout miser sur la voiture de société.

Le budget mobilité: comment ça marche?

Le budget de mobilité laisse le choix aux salariés de prendre une voiture de société, ou de consacrer le budget de cette dernière à d’autres formes de mobilité, avec les mêmes avantages fiscaux. Ce budget, ou coût de possession, inclut les montants pour l’achat, l’assurance, la maintenance et l’énergie du véhicule, soit un montant évalué entre 3.164 et 16.875 euros par an, et au maximum 20% de la rémunération brute totale. Ce montant est utilisable sans taxes ni cotisations sociales pour les employés éligibles.

Le gouvernement a prévu trois cas de figure, ou piliers, dans lesquels le salarié peut dépenser, tout ou partie, de son budget en mixant à sa guise les composants. Il peut se combiner avec un plan cafétéria, qui comporte souvent un vélo.

Pilier 1. Une voiture à faible émission (zéro émission à partir de 2026).

Pilier 2. Moyens de transport durables et logement. Cela inclut un vélo, un scooter, une trottinette, des abonnements à des transports en commun, des véhicules partagés, du covoiturage, des services annexes (frais de stationnement notamment). Des frais de logement peuvent aussi être financés (loyer, intérêt prêt hypothécaire), pour le salarié habitant à moins de 10 km de son travail.

Pilier 3. Le solde du budget peut être versé en cash, après un prélèvement de 38,07%, qui encourage à plutôt recourir aux piliers précédents.

Seulement 0,5% des salariés concernés

Depuis 2019, les entreprises peuvent proposer un budget mobilité à leur personnel. Mais c’est encore rarement le cas dans la pratique. Selon le SFP Mobilité, 18.516 salariés en ont bénéficié, soit 0,5% du total des salariés. Les voitures de société, ou voitures salaires, concernent 14,9% des salariés. Cela représentait un parc de 627.598 voitures au premier trimestre 2025. Mais ce volume pourrait reculer nettement avec le projet actuel. L’accord gouvernemental prévoit aussi la mise en place d’un budget mobilité dans toutes les entreprises, pour tous les salariés, y compris dans les entreprises ne proposant pas de voiture salaire.

La première étape de ce projet consiste à rendre obligatoire le dispositif à toutes les entreprises attribuant des voitures de société pour les salariés qui y sont éligibles, à partir de 2026. Le salarié, lui, continuera à avoir le choix entre le budget et la formule traditionnelle de voiture salaire. Le projet est confirmé par le cabinet du ministre fédéral de la Mobilité, Jean-Luc Crucke, mais toujours en discussion. La volonté de consulter tous les stakeholders ralentit la progression du dossier.

Inquiétude des entreprises

Les entreprises sont aussi inquiètes car aucun texte légal n’a encore été publié. Le délai pour mettre en place le dispositif devient trop court pour le démarrer en janvier prochain. “Il faut six mois au bas mot, voire un an, estime Marie-Lise Pottier, conseillère à la Fédération des entreprises de Belgique (FEB) pour les questions d’emploi et de sécurité sociale. C’est un dispositif compliqué, un parcours du combattant.”

Une commission mixte composée du Conseil national du travail et du Conseil central de l’économie discute actuellement de certains aspects du projet. La FEB espère qu’un délai raisonnable sera laissé aux nombreuses entreprises concernées par la mesure. Actuellement, selon le consultant MMBB, le budget mobilité n’est proposé que par 2.000 sociétés sur un total de 60.000 attribuant des voitures de société.

La FEB demande un délai et une simplification

“Notre position est que nous soutenons le budget mobilité, mais ne sommes pas favorables à ce qu’il devienne obligatoire, précise Marie-Lise Pottier. S’il devient obligatoire, nous souhaitons que les modalités d’application soient simplifiées.” Le point délicat est, entre autres, le calcul du montant du budget, le coût de possession ou TCO. “Un vrai casse-tête, les entreprises nous le disent en français et en néerlandais”, affirme Marie-Lise Pottier.

“Notre position est que nous soutenons le budget mobilité, mais ne sommes pas favorables à ce qu’il devienne obligatoire.” – Marie-Lise Pottier (FEB)
Selon Renta, avec le budget mobilité, le salarié risque de remplacer une voiture zéro émission par une voiture d’occasion plus polluante.” © Getty Images

Le secteur automobile connaît d’autres inquiétudes. La perspective de voir le volume des voitures de société reculer donne logiquement des sueurs froides à un marché de la voiture qui n’est pas dans une forme resplendissante. Les immatriculations ont reculé en Belgique de 9% pour les neuf premiers mois de 2025. Par ailleurs, la croissance du parc des voitures de société semble s’être arrêtée.

Renta, la fédération des entreprises de location de voiture, se montre critique sur certains aspects du budget mobilité. “Nous estimons que l’intervention dans le logement, le crédit hypothécaire ou le loyer, n’a pas sa place dans un budget mobilité, estime Stijn Blankaert, directeur général de Renta. Cela n’a rien à voir avec la mobilité. Le salarié risque de remplacer une voiture zéro émission par une voiture d’occasion plus polluante.”

Le nouveau budget mobilité pourrait en effet freiner l’étonnante progression des véhicules de société zéro émission. Actuellement, plus de 400.000 voitures électriques circulent en Belgique, en grande majorité acquises par des entreprises. Elles représentent plus de 30% des voitures neuves immatriculées cette année.

Les réactions de Renta et de la FEB illustrent les tensions qui règnent dans de ce dossier, avec des demandes de reports, de délais, de retouches et de modifications.

Surtout pour les jeunes et les urbains

“Beaucoup d’employeurs nous téléphonent pour nous demander ce qu’il faut faire, confie Joëlle Boutefeu, senior legal consultant chez Securex consulting. Pour le moment, le budget mobilité concerne surtout des jeunes. Ceux-ci sont plus ouverts à d’autres types de transport que la voiture, à laquelle les boomers sont encore très attachés. Il est surtout pratiqué dans des zones urbaines. En Wallonie, dans les endroits moins desservis par les transports en commun, il est moins attractif.”

La possibilité de financer le logement est une motivation importante. “C’est très populaire auprès de ceux qui optent pour ce dispositif, dit Joëlle Boutefeu, qui note que le budget mobilité est encore méconnu. Beaucoup d’employeurs ne le connaissent pas, mais cela s’améliore.”

Face à ces inquiétudes, d’autres acteurs y voient plutôt une nouvelle opportunité. Le jeune secteur des services de mobilité devrait bénéficier de cette évolution. “Nous allons sans doute multiplier notre activité, estime Koen Van De Putte, CEO d’Olympus Mobility. L’entreprise a construit une plateforme numérique pour réserver et acheter différents moyens de transports (voiture Cambio, train, bus, tram, vélos partagés, etc.) au départ d’une application. La plateforme peut gérer un budget mobilité, y compris la partie logement, de même que d’autres interventions de l’employeur (indemnité de déplacement, frais professionnels). Le service est commercialisé en direct ou via des partenaires comme Acerta ou Traject.

Un accélérateur pour les services de mobilité

Pour l’heure, Olympus Mobility gère 550.000 transactions par mois. Lorsque le budget mobilité sera rendu obligatoire, le volume devrait exploser. “Je n’ai pas osé faire de prévision pour 2026, nous confie Koen Van De Putte. Nous ne connaissons pas encore les nouvelles modalités, mais nous sommes prêts. S’il faut passer à deux millions de transactions par mois, on peut le faire.”

Koen Van De Putte ne voit pas d’inconvénient à ce que le budget mobilité soit rendu obligatoire. “Il y a des couples où chacun a droit à une voiture de société. Alors que certains préfèrent choisir de n’en prendre qu’une et utiliser un budget de mobilité de l’autre partenaire pour un vélo, utiliser les transports en commun ou le logement.”

“Certains couples préfèrent ne prendre qu’une voiture de société et utiliser un budget de mobilité de l’autre partenaire pour un vélo ou les transports en commun.” – Koen Van De Putte (Olympus Mobility)

Cette entreprise fait partie des nouveaux acteurs qui aident les entreprises à proposer des alternatives à la voiture salaire. Il leur est impossible de gérer elles-mêmes des budgets de mobilité. Cela crée de nouveaux services pour les secrétariats sociaux et des nouvelles entreprises comme Olympus Mobility, qui vont se charger du travail pratique à l’aide d’outils digitaux. Il y a aussi Mbrella, du groupe D’Ieteren, qui est un concurrent d’Olympus Mobility, très actif sur le marché.

Deux types d’acteurs sur le marché

Le processus pour les entreprises peut passer par une phase de consultance pour élaborer la mobility policy, avec un secrétariat social ou un consultant comme Traject ou MMBB. L’exécution est assurée par un opérateur comme Olympus Mobility. Ce dernier facture tous les mois les prestations du budget mobilité. Et il calcule le solde éventuel à régler au salarié à la fin de l’année.

La sortie du projet semble laborieuse, mais est confirmée. La grande affaire sera l’extension du budget à tous les salariés. Et pas seulement à ceux qui peuvent recevoir une voiture de société. Elle sera cruciale pour que tout le personnel des entreprises aient un meilleur accès à la mobilité. Aucun délai n’est fixé pour la mise en place de ce nouveau projet. Projet qui sera l’affaire de ce gouvernement… ou du suivant. Il faudra de toute façon, avant cela, en mesurer le coût fiscal.

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