La voiture ne représente qu’un tiers des déplacements, mais elle occupe pourtant encore plus de la moitié de l’espace public bruxellois. C’est le constat d’une nouvelle étude publiée par l’asbl Les chercheurs d’air, en collaboration avec le bureau d’urbanisme BRAT. Une réalité qui freine fortement la transition vers une mobilité durable et accentue le décalage entre l’usage réel de la ville et son aménagement, estiment les chercheurs.
L’étude de l’asbl bruxelloie Les Chercheurs d’air révèle que 53,2 % des rues et places de la capitale sont consacrés à l’automobile, dont près de 10 % uniquement pour le stationnement. À titre de comparaison, la marche – premier mode de déplacement des Bruxellois – ne bénéficie que de 38,2 % de l’espace public. Les transports en commun, malgré plus de 400 millions de passagers annuels, ne disposent, eux, que de 2,6 % de voiries en site propre. Quant au vélo, il n’occupe que 1,4 % de l’espace via des pistes séparées en site propre.
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L’écart est frappant : près de 70 % des déplacements dans la capitale se font à pied, en transports en commun ou à vélo, alors que l’espace continue de privilégier la voiture. Force est de constater que ce déséquilibre n’a pas beaucoup évolué en dix ans. La part de l’automobile est passée de 57,7 % à 55,5 %, soit à peine –2,2 points en une décennie, pointe l’étude. “Face à cette contradiction, il est urgent de repenser la manière dont on organise l’espace public. Ce n’est pas qu’un enjeu de mobilité : c’est une question de santé, de sécurité, de justice sociale et de qualité de vie”, estime l’ASBL “Les Chercheurs d’air”.
L’équivalent de 362 terrains de football pour se garer
La place occupée par le stationnement automobile illustre l’ampleur de cette situation. En surface, il représente l’équivalent de 362 terrains de football. À titre de comparaison, le stationnement vélo prend 75 fois moins de place. Pour Renaud Leemans, coordinateur de campagnes chez Les chercheurs d’air, la question est avant tout celle d’un usage rationnel des espaces collectifs : « Accepteriez-vous que la moitié de votre salon ou de votre cuisine soit occupée par une voiture ? Probablement pas. Alors pourquoi tolérer que la moitié de notre espace public lui soit consacrée ? », questionne-t-il.
Les artères les plus engorgées
Certaines avenues bruxelloises illustrent mieux que d’autres cette domination automobile. Pour réaliser son étude, l’association n’a pris en compte que les espaces publics qui peuvent être répartis entre plusieurs modes de transport. Ont notamment été exclus des espaces tels que les parcs mais également le ring, les viaducs ou tunnels où ne sont admises que les voitures. Il en va de même d’espaces souterrains tels que le métro.
- Le boulevard Léopold II (entre Ribaucourt et Yser) consacre 60 % de sa largeur à la voiture, dont un quart uniquement pour le stationnement. Aucune piste cyclable sécurisée n’y est prévue et les piétons doivent partager trottoirs et zones de conflit.
- L’avenue Louise, censée être multimodale, reste dominée par les voitures (57 % de l’espace public). On y dénombre quatre zones à concentration d’accidents et, malgré la présence de trams en site propre, piétons et cyclistes y circulent dans des conditions précaires.
- Le Quai des Charbonnages, le long du canal, consacre la moitié de l’espace aux voitures, dont 16 % pour le stationnement, alors même que la voirie devrait logiquement privilégier piétons et cyclistes.
Un enjeu de santé et de justice sociale
Le paradoxe est d’autant plus fort que plus de la moitié des ménages bruxellois ne possèdent pas de voiture. Pourtant, ils subissent une ville encore conçue autour d’elle, avec son cortège de nuisances : pollution, bruit, insécurité routière et moindre qualité de vie, avance le rapport. Chaque année, les émissions liées au trafic routier sont responsables de plusieurs centaines de décès prématurés dans la capitale. 900 Bruxellois meurent prématurément à cause de la pollution de l’air, selon Pierre Dornier, directeur de l’ASBL bruxelloise Chercheurs d’Air.
Pour l’asbl, l’objectif est clair : d’ici 2030, au moins 60 % de l’espace public doit être réservé aux modes actifs et aux transports collectifs. Une condition jugée indispensable pour rendre Bruxelles plus vivable, respirable et adaptée aux usages quotidiens de ses habitants.