Bruxelles: ce qui freine les femmes à adopter le vélo partagé

Caroline Lallemand

La mobilité urbaine à vélo ou en trottinette reste un défi pour les femmes belges, confrontées à des infrastructures inadéquates et à un sentiment d’insécurité persistant. À Bruxelles comme en Wallonie, les freins liés aux normes sociales, au harcèlement et à l’organisation urbaine limitent leur accès à la mobilité douce. Des initiatives émergent pour repenser la mobilité au féminin.

En 2025, se déplacer en ville à vélo ou en trottinette n’est toujours pas un acte anodin pour les femmes. Une enquête IPSOS réalisée pour Lime, entreprise spécialisée dans la micromobilité électrique en libre-service, et l’association bruxelloise ZIJkant, engagée pour l’égalité de genre, révèle un chiffre interpelant : 77 % des femmes en Belgique n’utilisent pas de vélos ou trottinettes électriques partagés.

Les freins principaux à l’usage de ces moyens de transport, en particulier la nuit, sont variés selon l’enquête. 53 % des femmes déclarent se sentir en insécurité (zones isolées, risques de harcèlement, etc.), 30 % mentionnent l’éclairage insuffisant le long des pistes cyclables et sur les espaces de stationnement, tandis que 20 % dénoncent l’absence de pistes cyclables protégées et de sécurité routière.

Peur de rouler la nuit

En conséquence, plus de 6 femmes sur 10 disent avoir peur de faire du vélo la nuit, 65 % modifient leur comportement lors de déplacements nocturnes, et 80 % déclarent ne pas se sentir libres de circuler comme elles le souhaitent dans leur ville. Malgré ces obstacles, 55 % des femmes aimeraient faire du vélo plus souvent. C’est pourquoi, créer des environnements urbains plus sûrs et inclusifs est essentiel pour combler cet écart plaident Lime et ZIJkant. Parmi les améliorations prioritaires citées : un meilleur éclairage, plus de pistes cyclables protégées, et plus de stationnements sécurisés près des espaces résidentiels et des hubs de transports en commun.

72% d’hommes

En Belgique, l’utilisation des vélos et trottinettes électriques partagés par les femmes reste extrêmement faible. Seules 28 %des femmes se disent prêtes à les utiliser, tandis que 47 %indiquent qu’elles ne le feraient pas. Ces chiffres se reflètent également dans les données de Lime : 72 % des usagers à Bruxelles sont des hommes, ce qui met en évidence un écart de genre significatif dans l’adoption de la micromobilité.

« Ce constat est regrettable, car un vélo ou une trottinette offre la liberté et l’indépendance. Comme le disait l’activiste américaine Susan B. Anthony en 1880 : “Le vélo a fait plus pour l’émancipation des femmes que n’importe quoi d’autre.” Nous pensons que la ville appartient à tout le monde, et que la mobilité est une question féministe », commente Julie Van Garsse, directrice de ZIJkant, par voie de communiqué.

© Getty Images/Maskot

Des freins aussi en Wallonie

Le sentiment d’insécurité est renforcé par des réalités concrètes : peur du harcèlement, crainte des interactions agressives avec des automobilistes,…Ces constats ne sont pas l’apanage de Bruxelles. Un récent rapport de l’IWEPS (Institut wallon de l’évaluation, de la prospective et de la statistique), met en lumière des obstacles similaires en Wallonie.

Dans le sud du pays, les responsabilités domestiques encore largement dévolues aux femmes limitent leur disponibilité et leur motivation à utiliser le vélo, surtout lorsque les trajets impliquent des charges lourdes ou des itinéraires complexes. Le rapport de l’IWEPS souligne aussi un ressenti accru d’insécurité lié au harcèlement, ainsi que l’impact des normes sociales sur l’apparence physique, freinant l’usage régulier du vélo par les femmes.

À cela s’ajoutent des problèmes communs à tous les cyclistes : routes en mauvais état, pistes cyclables insuffisamment entretenues, et interactions dangereuses avec les automobilistes. En Wallonie, comme à Bruxelles, la dépendance à la voiture reste un frein majeur, souvent justifié par un accès plus commode et sécurisé que celui offert par la mobilité active.

Une balade « féministe » le 6 juillet

Pour contrer ces inégalités, Lime et ZIJkant partent sur les routes et organisent ce 6 juillet l’initiative « Women Ride the City », une balade à vélo qualifiée de « féministe » à travers Bruxelles qui vise à « reconquérir l’espace public une rue après l’autre, à célébrer les contributions des femmes à la culture urbaine et à encourager plus de femmes à se déplacer à vélo », commentent les organisateurs.

Le parcours qui s’élancera à 14h de la Place De Brouckère reliera des lieux culturels et symboliques liés aux femmes dans l’espace public. Au-delà de cet acte militant, l’enjeu est bien plus large. Il vise aussi à interpeller les autorités politiques pour repenser la ville afin qu’elle cesse d’exclure silencieusement une partie de ses habitants. Les solutions existent et sont pragmatiques avancent les organisateurs. Elles passent, entre autres, par des campagnes de sensibilisation et des formations.

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