A Paris, les trottinettes en libre-service c’est bientôt fini!
Pour Amanda Rollins, influenceuse américaine, se déplacer dans sa ville d’adoption ne sera plus pareil le 1er septembre, quand les 15.000 trottinettes en libre-service auront disparu des rues de la capitale française.
Une “trott”, “c’est juste tellement chouette!”, s’enthousiasme la créatrice de contenus de 33 ans, installée en France depuis six ans et cumulant 740.000 abonnés sur TikTok. L’arrivée du jour au lendemain de ces engins en 2018, “c’était comme Noël”, raconte-t-elle.
Aujourd’hui, leur disparition durera plus qu’une nuit: les trois opérateurs privés Dott, Lime et Tier Mobility sont sur le pont depuis plusieurs jours pour les retirer des rues d’ici la fin du mois quand Paris deviendra la première capitale européenne à complètement interdire ces deux-roues en libre-service.
Le “non” avait remporté à près de 90% une “votation” inédite début avril sur le maintien du service, mais seul 7,46% des personnes inscrites sur les listes électorales s’étaient déplacés. La maire socialiste de Paris, Anne Hidalgo, avait elle-même fait campagne pour le vote “contre”, soulignant que l’éviction de ces trottinettes réduirait “les nuisances”.
L’influenceuse, “Americanfille” sur les réseaux, qui multiplie les vidéos sur sa vie parisienne et de conseils aux visiteurs, dit avoir reçu une pluie de messages déçus. Trajets quotidiens, visites… les trottinettes étaient aussi “un filet de sécurité” pour rentrer après une soirée au-delà de l’horaire de fermeture du métro, vers 01H00 du matin, explique Mme Rollins. Quelque 400.000 personnes ont choisi une trottinette pour se déplacer en 2022, selon les opérateurs.
Collecte
Chez Tier, “c’est une grosse page qui se tourne”, note Clément Pette, responsable des opérations en France. Quelque 3.000 engins sur 5.000 restent à collecter, au rythme de 500 par nuit. Concrètement, “chaque soir, on ferme une zone” de Paris où les trottinettes seront collectées la nuit suivante par des employés et leurs camionnettes, et où elles ne pourront plus être déposées par les usagers ensuite.
Le territoire se colorie ainsi en rouge sur l’application, jusqu’à ne laisser plus qu’une zone centrale à partir de ce week-end, ouverte jusqu’au dernier moment. Les deux-roues sont ensuite envoyés à l’entrepôt central, réparés, puis transférés dans d’autres villes: un tiers restera en Ile de France, dans 80 communes autour de Marne-la-Vallée ou Saint-Germain-en-Laye. Le reste part essentiellement en Allemagne.
Paris “est un cas unique”, avance M. Pette.
Dott a commencé à retirer les trottinettes mi-juillet et a d’ores et déjà désactivé la location dans son application. Elles seront envoyées à en Belgique ou à Tel Aviv (Israël).
Chez Lime, Paris sans trottinettes, “ça nous fera étrange”, confie Xavier Miraillès, directeur des affaires publiques.
Lime ne ferme pas de zones, mais le retrait va progressivement raréfier les engins, qui sont aussi réparés avant de quitter la capitale pour Lille, Londres, Copenhague et des villes allemandes. Des dizaines de trottinettes de l’entreprise californienne attendent ainsi leur passage entre les mains des mécaniciens dans un hall d’une zone industrielle à Charenton-le-Pont, aux portes de Paris.
Vélos
Deux tiers de la flotte sont déjà ramassés et “nous avons tourné la page trottinettes” pour toute l’Ile de France, note le représentant de Lime, assurant que la “perte économique” liée au marché parisien pourra être absorbée, sans licenciements “cette année”.
Les opérateurs misent sur un report de ses clients vers les vélos, déjà proposés par chacun. Tier “envisage d’augmenter” sa flotte de 5.000 vélos actuellement, si la demande le permet, explique M. Pette, et Lime propose déjà 10.000 vélos.
Sur la cinquantaine de salariés qu’employait Dott pour ses trottinettes, une dizaine devrait être transférée sur son activité de location de vélos. Un plan de sauvegarde de l’emploi (PSE) est en cours de validation.
Outre les vélos, les usagers quotidiens pourraient aussi investir: “la trottinette électrique partagée est une porte d’entrée à l’acquisition d’une trottinette personnelle”, résume Anne de Bortoli, chercheuse au laboratoire CIRAIG à Montréal.
Quant aux touristes, “le vélo est une alternative” mais “ce n’est pas la même chose, c’est plus grand et lourd… c’est pas si agile”, déplore Amanda Rollins. “Mais ce sera certainement la meilleure solution.”