25.000 euros pour une voiture électrique !
La course au véhicule électrique à prix raisonnable est lancée. Plusieurs constructeurs européens annoncent des modèles de taille moyenne pour le prix maximum de 25.000 euros d’ici deux ou trois ans. Ils sont poussés par la concurrence chinoise et surtout par Tesla.
La nouvelle baleine blanche du secteur automobile du Vieux Continent? Sortir de ses chaînes d’assemblage un modèle à batteries à un prix raisonnable.
Volkswagen a posé les premiers jalons en présentant l’ID.2all, voiture attendue pour 2025 à un tarif inférieur à 25.000 euros. Son gabarit est comparable à celui d’une VW Polo à carburant, avec un agencement intérieur semblable à la Golf, mais avec un coffre plus grand. “Nous sommes en train de nous transformer pour amener la mobilité électrique vers le plus grand nombre”, a annoncé Thomas Schäfer, patron de Volkswagen.
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Renault surfe sur une vague proche avec la future Renault 5, annoncée pour 2024 à un tarif à partir de 25.000 euros. Pour les constructeurs européens, il s’agit de répondre aux critiques du grand public, qui leur reproche de se cantonner à des modèles électriques hors de portée. En Belgique, c’est assez clair, 90% des automobiles à batteries sont achetées par des sociétés.
Pas de vrai modèle pas cher aujourd’hui
Certes, quelques modèles à prix raisonnable sont disponibles, mais leur usage est limité à la ville. Comme la Dacia Spring (fabriquée en Chine) du groupe Renault, à partir de 20.990 euros, dont l’autonomie ne dépasse guère les 200 km. Même chose pour la très petite Citroën Ami, à 7.990 euros, qui compte deux places et ne dépasse pas 45 km/h.
Hors ces singularités, les constructeurs européens semblaient jusqu’ici miser sur des tarifs élevés, dopés par d’excellents résultats financiers. Mais voilà, ils craignent de laisser le marché électrique du moyen de gamme à d’autres. L’enjeu est donc désormais la voiture de monsieur et madame Tout-le-Monde, pour faire les courses, se rendre au travail ou partir en vacances. Quelques constructeurs chinois l’ont compris. MG, une marque du groupe SAIC (Shanghai), a lancé chez nous un modèle compact, MG4, à partir de 32.285 euros, soit environ 10.000 euros de moins que la concurrence européenne ou coréenne pour une voiture comparable.
D’après Helena Wisbert, professeur en automotive economics à l’université d’Ostfalia (Allemagne) et directrice du Center of Automotive Research, la menace chinoise demeure encore toutefois limitée. “Posséder une marque forte reste la clé. Les constructeurs traditionnels bénéficient d’une grande base de clientèle et de la fidélité des consommateurs, là où les marques chinoises doivent encore construire leur notoriété.”
Les tarifs des modèles électriques écoulés en grand volume seront identiques à ceux des voitures à carburant avant 2027.”
HELENA WISBERT
(CENTER OF CAR RESEARCH)
Notoriété dont bénéficie par contre Tesla, augmentée par son réseau de bornes qui offre un confort supplémentaire à ses utilisateurs. L’américain devrait bientôt lui aussi annoncer un modèle compact à 25.000 euros. Cela lui sera indispensable pour atteindre la promesse que le constructeur a lui-même formulée de produire 20 millions de voitures par an en 2030, soit deux fois plus que les volumes des leaders mondiaux Toyota ou Volkswagen.
“Le désir des gens de posséder une Tesla est très élevé. Le facteur limitant est leur capacité à pouvoir se la payer”, a affirmé Elon Musk lors d’une conférence à l’adresse des investisseurs. La Tesla la moins chère – le Model 3 – est en effet commercialisée à partir de 45.970 euros. Et encore, son tarif a été abaissé en janvier dernier: il s’élevait auparavant à 52.990 euros.
Tesla influence les tarifs
Or, “des constructeurs comme Tesla jouent un rôle essentiel dans la fixation des prix des voitures électriques”, continue Helena Wisbert. Créant des remous sur le marché, ces baisses de tarifs lancées par une marque qui reste l’une des plus rentables du secteur sont un avant-goût de cette influence. Et celle-ci pourrait déboucher sur une situation paradoxale.
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“La parité des coûts entre une automobile à carburant et une électrique de gabarit comparable ne sera sans doute pas atteinte avant la fin de la décennie, estime Helena Wisbert, mais ce sont des fabricants comme Tesla qui détermineront les prix de vente, comme ils le font déjà en Allemagne actuellement. Les autres fabricants devront donc suivre, quitte à perdre un peu de marge. Dans le segment des voitures vendues en grand volume, nous verrons dès lors les tarifs des modèles électriques au même niveau que ceux à carburant dès avant 2027.”
La promesse d’Elon Musk de produire un jour une voiture compacte pour tous à un tarif modéré était attendue lors du Tesla Investor Day, le 1er mars dernier. En vain. Mais les dirigeants de l’entreprise ont déjà esquissé la voie qu’ils envisagent, annonçant préparer une nouvelle génération de plateforme qui réduira de 50% le coût de chaque exemplaire, et plus de 100 milliards de dollars d’investissement d’ici 2030. Face à cette perspective, les constructeurs européens ont du travail. Ils doivent progresser rapidement. Selon Patrick Hummel, analyste chez UBS cité par le Wall Street Journal, l’ID. 3 de Volkswagen, vendue aujourd’hui à plus de 40.000 euros est encore juste “légèrement au-dessus du break even”.
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Quatre pistes pour produire moins cher
Un gros effort doit donc encore être fourni pour produire moins cher, autour des 25.000 euros. Comment? Voici les pistes suivies.
1. Batteries moins chères. Chaque constructeur développe sa stratégie pour réduire le coût des batteries, qui représente jusqu’à 40% du prix du véhicule. Cela passe par la construction d’usines qui en fabriquent. “Si les constructeurs achètent les batteries (à des fournisseurs, Ndlr), ils doivent le faire au prix du marché, indique Helena Wisbert. Dans les années qui viennent, ils produiront eux-mêmes ces batteries et garderont leurs coûts sous contrôle.” Les groupes Volkswagen et Stellantis suivent cette voie et des usines de batteries sortent de terre notamment en Allemagne et en France. “Tesla est un bon exemple: ce constructeur a la meilleure productivité car il bénéficie d’un niveau élevé d’automatisation et une forte intégration de la chaîne de valeur concernant les batteries.” C’est lui qui a d’ailleurs créé le terme “gigafactory” pour désigner ces énormes usines de batteries.
Par ailleurs, des technologies de batteries moins coûteuses sont désormais industrialisées, notamment les systèmes LFP (lithium-fer-phosphate), que Tesla utilise sur les modèles d’entrée de gamme et que vont adopter d’autres constructeurs européens comme Stellantis, Renault ou VW.
2. La production dans des pays low cost. Le modèle ID. 2all de Volkswagen sera assemblé en Espagne, où les coûts salariaux sont plus réduits que dans le nord de l’Europe. Stellantis pourrait importer la future Citroën CE3 électrique d’Inde. L’Europe centrale aussi est attractive. Et Tesla a annoncé une nouvelle usine, au Mexique…
3. Des plateformes plus économiques et du volume. Pour réduire les coûts, tous les constructeurs misent sur le volume et sur de nouvelles plateformes qui sont partagées entre plusieurs modèles, comme la CMF-B EV que Renault va utiliser pour les futures Renault 5, Renault 4 ou Nissan Micra. Volkswagen mise sur une version light de la plateforme MEB utilisée pour les VW ID. 3, ID. 4, ID. 5, ID.Buzz et des modèles Audi et Skoda.
4. Des modes de production nouveaux. Ici aussi, Tesla a montré la voie. Le constructeur américain table sur une forte automatisation. Et sur un concept utilisant le gigacasting, d’énormes presses de fabrication italienne, Idra, qui permettent de mouler d’un coup des éléments de carrosserie ou de structure qui, traditionnellement, sont le fruit d’un assemblage de plusieurs dizaines d’éléments. Ces machines colossales exercent une pression jusqu’à 6.000 tonnes et davantage. Cette approche a permis de réduire de 40% le coût de la structure des Model Y et le temps de fabrication à une dizaine d’heures par exemplaire, contre trois fois plus pour une VW ID.3. Les constructeurs européens s’intéressent de très près à ce mode de production, en sachant qu’il réduira fatalement les effectifs nécessaires à la fabrication des véhicules.
Il ne faut toutefois pas espérer de miracles. Les voitures européennes électriques à prix raisonnable attendues dans deux ou trois ans ne seront pas encore réellement low cost. Ou il y aura des subtilités. Quand Volkswagen parle de son ID. 2all à moins de 25.000 euros, par exemple, c’est pour un modèle équipé d’une petite batterie. “Notre but est d’arriver à une autonomie de 320 km (standard WLTP) pour le modèle d’entrée de gamme”, précise Martin Hube, porte- parole de la marque VW au siège. Les chiffres et les données sont encore incomplets. Le modèle à 450 km d’autonomie sera sans doute plus près des 30.000 euros, mais cela reste encore un point d’interrogation. Volkswagen a voulu à la fois mettre en appétit les clients potentiels et ne pas trop informer les concurrents…
Lithium en baisse
Le cours du lithium a reculé de plus de 30% depuis début janvier, après deux ans de hausse considérable, pour atteindre 75.000 euros la tonne fin 2022. Les cours du cobalt et du nickel, deux matériaux forts utilisés dans les batteries, sont aussi à la baisse. Voilà qui pourrait contribuer à la diminution du prix des batteries, donc des automobiles électriques. Ce prix n’avait cessé de baisser avant que la hausse du prix des matières premières ne stoppe cette tendance. L’évolution future reste toutefois incertaine. D’autant que d’autres technologies pourraient s’imposer, comme les batteries au sodium, matière plus répandue que le lithium. Des batteries au sodium sont par exemple développées par le numéro un mondial de la batterie, le chinois CATL.
Voitures électriques
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