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Merkozy, les marchés et le pygmée

Vingt ans très exactement après le traité de Maastricht (la signature date du 7 février 1992, mais l’accord est intervenu le 10 décembre 1991), en voici enfin les arrêtés d’application. Tel est en quelque sorte le contenu du sommet de Bruxelles des 8 et 9 décembre…

Vingt ans très exactement après le traité de Maastricht (la signature date du 7 février 1992, mais l’accord est intervenu le 10 décembre 1991), en voici enfin les arrêtés d’application. Tel est en quelque sorte le contenu du sommet de Bruxelles des 8 et 9 décembre, puisqu’il a assorti de précisions et de sanctions plusieurs critères de convergence définis voilà quatre lustres dans la ville mosane. Ce devait être un nouveau traité, mais le veto britannique a privé l’accord de ce label. C’est plutôt une nouvelle Union européenne, sans la Grande-Bretagne ! Laquelle pourrait devenir “un pygmée sur la scène internationale”, s’est inquiété le vice-Premier ministre britannique Nick Clegg. A Colombey-les-Deux-Eglises, certains affirment avoir perçu le ricanement des mânes du général de Gaulle…

Les marchés ont, le jour même, applaudi à la rigueur imposée à l’Europe par le couple Merkel-Sarkozy, devenu à ce point fusionnel que la presse française le qualifie de Merkozy. Dès le lendemain du week-end cependant, le vent a tourné, l’apaisement ayant fait place au scepticisme. Quelle impression était la bonne ; la première ou la seconde ? On connaît la complainte de la plupart des observateurs : pour se protéger du feu, il faut des cloisons coupe-feu. Mais quand l’incendie est déclaré, il est vain d’en discuter : le salut vient alors des pompiers. La discipline budgétaire imposée par Merkozy – plus précisément sa composante allemande – est peut-être salutaire à terme mais, dans l’immédiat, on ne voit guère que des achats massifs de la banque centrale européenne pour éviter le naufrage des obligations souveraines des pays faibles, et donc de ces pays eux-mêmes, à l’instar de ce qu’a fait sa consoeur américaine. On sait que Berlin y est farouchement opposé.

Mario Draghi, le nouveau président de la BCE, s’y est refusé, contrairement à ce que certains avaient cru comprendre. Normal : cet Italien doit se montrer plus allemand que les Allemands, au moins pendant un certain temps ! A-t-il tort pour autant ? Un élément rarement pris en compte est la crédibilité de l’euro. De gros achats par la BCE reviennent à faire tourner la planche à billets, c’est-à-dire à créer de la monnaie de singe. Les Etats-Unis, qui y sont accrocs, n’en pâtissent pas pour l’instant ; mais qu’en sera-t-il demain ? Si l’euro veut conforter son rôle de seconde devise mondiale et susciter une confiance pérenne, il lui faut sans doute refuser un tel expédient. En espérant bien sûr que cette confiance suscite des achats d’obligations par le reste du monde !

Même conséquence espérée des prêts de dollars sur trois ans _une durée inédite !_ qui seront proposés aux banques les 21 décembre et 29 février, moyennant des dépôts de garanties assouplis. Avec des financements aussi longs, faciles et à bas prix, ces banques ne seront-elles pas tentées d’amasser du papier souverain au rendement très élevé ? D’autant que, sous la pression française cette fois, le sommet de Bruxelles a effacé la bourde de l’automne 2010, quand l’Europe avait annoncé aux investisseurs privés qu’ils devraient à l’avenir partager le fardeau de tout défaut de paiement d’un pays. C’était peut-être “juste”, mais avec les dégâts collatéraux que l’on sait !

Ceci risque évidemment de ne pas suffire à relancer le marché obligataire dans l’immédiat. Alors qu’il y a urgence, car les besoins de refinancement sont énormes à court terme : l’Italie a besoin de 53 milliards d’euros au seul premier trimestre. Les Allemands étant maintenant rassurés sur le long terme, peut-être la BCE va-t-elle quand même pouvoir descendre dans l’arène à titre transitoire. En assurant Berlin d’y aller mollo et en affirmant le contraire aux investisseurs.

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