Meli, quand la famille bourdonne toujours
Propriétaire de l’entreprise de fabrication de miel Meli, la famille Florizoone n’y exerce plus de fonction opérationnelle depuis près de 27 ans. Néanmoins, onze de ses membres suivent toujours de près les heurs et malheurs d’une entreprise qui figure parmi les plus connues de notre pays. “Nous nous sommes adaptés au rôle d’administrateur.”
Chaque année, des apiculteurs des quatre coins du monde envoient leur production à l’usine Meli de Furnes où sont traités quelque 11 millions de kilos de miel générant un chiffre d’affaires avoisinant 50 millions d’euros. “Ces dernières années, nous avons fortement investi dans l’automatisation et la numérisation. Nous sommes devenus une entreprise moderne qui emploie 55 salariés et affiche un excellent bilan”, se réjouit Koen Steurbaut. Le Gantois a succédé en 2017 à Philip Cammaert qui a dirigé l’entreprise pendant plus de 20 ans et n’est que le second CEO de Meli à ne pas appartenir à la famille Florizoone. “Laisser la gestion quotidienne à un CEO ‘étranger’ n’a pas été facile, reconnaît Guy Florizoone. Tout est une question de confiance.”
Une crise profonde
La famille Florizoone est aujourd’hui encore l’unique actionnaire de la société. Elle s’est toutefois rendu compte au décès d’Albéric Florizoone, en 1992, que, sur le plan opérationnel, il était préférable de passer la main. A 85 ans, le fondateur de l’entreprise familiale en était toujours le directeur général mais comme aucun de ses enfants – Roland, Robert, Guy et Nicole – ne souhaitait reprendre le flambeau, l’entreprise a plongé dans une crise d’autant plus profonde qu’elle connaissait des problèmes financiers. Car outre la fabrication du miel, ses activités s’étendaient également au célèbre Meli Parc d’Adinkerke (La Panne) qui accumulait les pertes. Il a donc été fait appel à un gestionnaire de crise et les membres de la famille se sont retirés du pôle opérationnel de l’entreprise.
Au bout d’un an, celle-ci s’est mise en quête d’un nouveau CEO et son choix s’est porté sur Philip Cammaert. “Il accepté mais à une condition : que la famille n’intervienne pas dans la gestion quotidienne”, rapporte Guy Florizoone. Délocalisées en 1954 à Bruxelles, les activités ont repris le chemin de Furnes car, comme le souligne Roland Florizoone, “le classement de notre bâtiment Art Déco à Bruxelles ne nous offrait aucune possibilité d’extension. En revanche, la nouvelle usine de Furnes nous mettait à nouveau à la pointe du progrès technique”. Tandis que la production de miel reprenait des couleurs, le parc d’attractions restait le talon d’Achille du groupe. Il a finalement été vendu en 1999 à Studio 100 qui l’a rebaptisé Plopsaland. “Ça n’a pas été facile émotionnellement parlant, mais les considérations commerciales l’ont emporté”, se rappelle Guy Florizoone.
La troisième génération
Marthe Van Doren, la veuve d’Albéric Florizoone, 97 ans aujourd’hui, a suivi de près la transformation de l’entreprise. “Elle nous a toujours soutenus”, explique Robert Florizoone. Elle ne mettait qu’une seule condition : que les quatre enfants donnent leur consentement à chaque décision. “Vous imaginez bien que cela n’a pas toujours été évident et qu’il a souvent fallu chercher un consensus”, ajoute Guy.
Les quatre enfants d’Albéric Florizoone sont toujours membres du conseil d’administration. La troisième génération compte sept descendants dont trois siègent, eux aussi, au conseil d’administration. Les quatre autres sont informés des tenants et aboutissants de toutes les décisions via un comité consultatif. “La génération qui monte doit s’intéresser à l’entreprise, estime Roland Florizoone. Tant au conseil d’administration qu’au comité consultatif, les petits-enfants ne sont pas là pour faire de la figuration. Ils participent au débat et leurs propositions sont prises en considération. Ils ont parfois des idées très surprenantes et s’intéressent beaucoup à l’écologie, au marketing et aux médias sociaux.” Outre Koen Steurbaut, le conseil d’administration compte encore trois membres qui n’appartiennent pas à la famille : le président Dirk Van Den Broeck (Patrimmonia Real Estate), Luc Sillis (un ancien du fabricant de chips Croky) et Philip Cammaert, l’ancien CEO de Meli.
Koen Steurbaut attache une grande importance au contact avec la famille. “L’idée est que nous constituions la base, de manière à ce que tout le monde soit d’accord sur la stratégie. Il doit évidemment y avoir de la place pour le débat mais il est capital que la direction et les propriétaires soient sur la même longueur d’onde.” Pour Koen Steurbaut, les choses fonctionnement plutôt bien : “La famille ne s’est encore jamais opposée à un investissement majeur proposé par la direction”. La présence de la famille est un gage de stabilité.
Fondation privée
Pour bien fixer les choses, les actions de l’entreprise familiale ont été logées dans une fondation privée. Aucun des actionnaires ne peut donner ses actions en nantissement et si l’un veut vendre, il doit d’abord proposer ses actions aux autres membres de la famille. Les actionnaires perçoivent des dividendes annuels. Pour l’exercice 2018, ils s’élevaient à 1,3 million d’euros.
La totalité du bénéfice net n’est en effet pas distribuée, de sorte de constituer une réserve financière dans un bilan très sain. “Cela nous permet de construire sur le long terme et d’asseoir la stabilité de l’entreprise”, conclut Koen Steurbaut.
Dans l’ombre du patriarche
L’histoire de Meli débute en 1925 quand Albéric Florizoone a commencé à vendre le miel qu’il récoltait au fond du jardin de la maison parentale à la famille, aux voisins et aux amis. Il s’est ensuite mis à fournir quelques magasins locaux. En 1934, il se lança dans la construction du Palais des Abeilles, à Adinkerke, un espace d’exposition dotée d’une cafétéria. Le succès fut tel que, après la Seconde Guerre mondiale, il a fallu agrandir les lieux. Rebaptisé Meli Parc, le Palais imaginé par Albéric Florizoone devint l’une des principales attractions touristiques de la côte belge. Un second parc a vu le jour à Bruxelles, sur le plateau du Heysel.
Jusqu’à sa mort à l’âge de 85 ans, Albéric Florizoone a conservé le contrôle total de sa société. Ses quatre enfants y étaient actifs mais avec un pouvoir de décision très limité. “Mon père avait une personnalité dominante. Il ne cédait sur rien, il avait toujours le dernier mot sur tout”, soupire Guy Florizoone. En plus de leurs responsabilités dans l’entreprise familiale, les trois fils et la fille Nicole avaient donc une activité professionnelle annexe. “C’était la soupape dont nous avions besoin pour pouvoir nous exprimer”, explique Robert Florizoone. Robert se consacrait à l’achat et à la vente d’attractions, Guy vendait des machines à sous dans l’horeca, Nicole avait ouvert son propre hôtel et Roland s’était lancé dans la politique locale et provinciale.
Malgré des moments de frustration, aucun des enfants n’a rompu avec l’entreprise familiale. “Il y avait un lien émotionnel très fort avec le parc d’attractions, se souvient Roland Florizoone. On n’y vendait pas de produits du groupe mais uniquement du plaisir. Cette satisfaction compensait le reste.”
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