Loi Peeters sur le travail: 10 mesures qui vous concernent
La loi Peeters ambitionne de réformer profondément le droit du travail en Belgique. Mais que change-t-elle pour les employés et les employeurs ? Zoom sur dix mesures phares qui auront un impact sur votre emploi.
La réforme du droit du travail mise en oeuvre par la loi Peeters pourrait de prime abord être considérée comme une grande révolution, mais les changements apportés par celle-ci sont en réalité relatifs, un grand nombre des mesures établies existant déjà. Ce que fait par contre certainement la loi Peeters, c’est généraliser l’application de ces mesures à l’ensemble des secteurs.
Que vous soyez employé ou employeur, voici dix mesures qui vous concernent directement:
- 1. Votre temps de travail annualisé et la petite flexibilité adaptée
Auparavant, le temps de travail était calculé sur la base d’une période de référence de 3 mois, qui pouvait être relevée à un an. Désormais la règle sera la même pour toutes les entreprises : le contrôle du respect de la durée hebdomadaire du travail se fera d’office sur une période d’un an.
Sur cette période de référence d’un an, les travailleurs pourront prester 143 heures au-delà de la durée hebdomadaire moyenne de travail sans que des repos compensatoires ne soient accordés. Cette possibilité pouvait également déjà être activée avant la réforme.
- 2. Jusque 100 heures supplémentaires volontaires avec sursalaire
L’introduction des heures supplémentaires volontaires est une mesure positive tant pour les travailleurs que pour les employeurs. En effet, moyennant accord des deux parties, jusqu’à 100 heures supplémentaires payées avec sursalaire mais non récupérées pourront être prestées. Cette mesure ne peut donc pas être imposée par l’employeur mais sera mise en oeuvre en concertation avec les travailleurs désireux de prester des heures supplémentaires. L’accord du travailleur devra être renouvelé tous les six mois.
- 3. Le télétravail occasionnel reconnu et encadré
Ce type de mesure est souvent déjà mis en oeuvre de manière informelle par les entreprises. Il est effectivement fort courant qu’un travailleur demande à pouvoir travailler de chez lui afin d’être en mesure d’accueillir un technicien ou de se rendre à un rendez-vous médical.
La réforme prévoit tout au plus la concrétisation de ce télétravail non régulier dans une convention collective d’entreprise ou à défaut, dans le règlement de travail. L’instrument utilisé devra entre autres prévoir les fonctions éligibles au télétravail occasionnel ainsi que la procédure de demande. La question de la mise à disposition de matériel, de l’accessibilité du travailleur et des frais éventuellement pris en charge par l’employeur devra également être réglée.
Le télétravail occasionnel devient donc une pratique reconnue et encadrée au sein de toutes les entreprises.
- 4. De nouveaux objectifs en matière de formation
Les obligations en matière de formation, auparavant chiffrées en pourcentage de la masse salariale (1,9%) sont quant à elles converties en un nombre de jours. L’objectif interprofessionnel consiste en ce que l’employeur accorde en moyenne 5 jours de formation/an/ETP, avec un effort minimal de 2 jours, accompagné d’une trajectoire de croissance destinée à atteindre l’objectif interprofessionnel.
- 5. Un compte-épargne carrière
Le compte-épargne carrière est une mesure positive pour les travailleurs. Ceux-ci vont en effet pouvoir épargner certaines formes de temps (dont les heures supplémentaires volontaires) afin de prendre des congés lorsque cela leur convient le mieux et même éventuellement d’anticiper la fin de leur carrière.
Cette mesure soulève cependant un grand nombre de questions : à titre exemplatif, quelle rémunération sera prise en considération lorsque le travailleur demandera à prendre les congés épargnés ? La rémunération au moment de l’épargne ? La rémunération au moment de la prise de congés ? Quid de la transférabilité du compte-épargne carrière entre employeurs ? Dans le cas où le compte sera géré par une institution externe (banque, assureur), quid des frais administratifs ? Quid du rendement ? Quid en cas de faillite de l’employeur si le compte est géré par ce dernier ? Le travailleur bénéficiera-t-il d’une créance privilégiée relativement à son compte ?
Préalablement à sa mise en oeuvre au niveau de l’entreprise, une CCT (convention collective de travail) sectorielle devra être adoptée. Il serait d’ailleurs préférable qu’une CCT soit adoptée au sein du Conseil National du Travail dans le but de fixer un cadre général s’appliquant à tous les secteurs.
- 6. Donnez vos congés
La loi Peeters offre par ailleurs la possibilité de procéder à un don des congés conventionnels. Ce système est inspiré du droit français et permet à un travailleur dont l’enfant de moins de 21 ans est gravement malade, présente un handicap ou a été victime d’un accident, de recevoir des jours de congés de la part d’autres travailleurs de l’entreprise.
Les jours donnés doivent être conventionnels, il ne sera pas question de donner des jours de congés légaux ou des jours de repos compensatoires. Une difficulté pratique réside dans le fait que l’employeur est tenu de garder l’anonymat des donneurs et receveurs… Au sein de petites entreprises, cela parait presque impossible. Attendons de voir ce que les secteurs prévoiront…
- 7. Votre intérim… en CDI
Moyennant action de la commission paritaire pour le travail intérimaire, il sera en outre à présent possible pour une entreprise intérimaire de conclure avec un travailleur intérimaire, un contrat de travail à durée indéterminée (CDI).
Attention, il n’est pas ici question d’abroger le caractère temporaire du travail intérimaire : chaque mission restera limitée dans le temps. Par la conclusion de ce CDI, les travailleurs intérimaires pourront maintenir leur ancienneté, bénéficier d’une indemnité compensatoire de préavis en cas de rupture de leur contrat et recevront un salaire minimum durant les périodes d’intermission.
Les entreprises intérimaires pourront quant à elles créer des socles de travailleurs pour les profils fort demandés. Les employeurs utilisateurs pourront eux aussi bénéficier de cette nouveauté, qui leur permettra par exemple d’employer le même travailleur intérimaire durant plusieurs missions. Cette nouvelle mesure coûtera cependant davantage pour les entreprises intérimaires, qui seront entre autres tenues de payer un salaire garanti. Il y a fort à parier que ce coût sera répercuté sur les employeurs… L’idée est donc bonne mais ne sera pas sans frais.
- 8. Des groupements d’employeurs pour engager du personnel
Cette mesure, qui existe déjà depuis 2000, permet à des employeurs d’engager ensemble des travailleurs (maximum 50) afin de les occuper simultanément ou alternativement chez chacun d’eux. La réforme prévoit une simplification de la procédure via laquelle l’autorisation de former le groupement est délivrée. La loi Peeters délivre pour le surplus des lignes directrices devant être suivies pour déterminer la commission paritaire de laquelle ressortira le groupement et impose à celui-ci de remettre chaque année un rapport d’activités au SPF Emploi.
- 9. Le travail à temps partiel simplifié
La simplification du travail à temps partiel allègera fortement les charges administratives des employeurs. Ceux-ci ne seront plus tenus de reprendre l’ensemble des horaires à temps partiel applicables au sein de l’entreprise dans le règlement de travail. Seul un cadre général imposé devra y être fixé.
L’obligation de constater le contrat de travail par écrit est quant à elle maintenue. En cas de non-respect de celle-ci, le travailleur à temps partiel pourra choisir l’horaire qui lui est le plus favorable au sein de l’entreprise. Les obligations de publicité des horaires sont bien entendues conservées mais pourront être allégées.
- 10. Les horaires flottants officialisés
Enfin, en ce qui concerne les horaires flottants, ceux-ci étaient déjà appliqués chez de nombreux employeurs. Ce système, a priori illégal, était toléré par l’Inspection sociale pour autant qu’un système de suivi du temps fiable (de type pointeuse) ait été installé chez les employeurs les utilisant. Par la loi Peeters, les horaires flottants pourront maintenant s’inscrire dans un cadre légal.
Aucun changement majeur donc pour ce système déjà présent mais qui devra être concrétisé dans une CCT d’entreprise ou dans le règlement de travail et qui sera par contre dorénavant légalement interdit pour les travailleurs à temps partiel occupés sous un horaire variable.
En conclusion, la réforme enclenchée par la loi Peeters n’est pas une révolution en tant que telle : beaucoup de mesures existaient déjà. Cette réforme peut être considérée comme une étape d’une réforme qui devra revêtir une plus grande ampleur.
Les idées présentées sont bonnes mais devront encore en tout état de cause être concrétisées par les instruments qui les formaliseront (CCT sectorielle, CCT d’entreprise, règlement de travail, CCT adoptée au sein du Conseil National du Travail ?). Le mode d’exécution de certaines des mesures sera plus que probablement également développé par arrêté royal. Une vision plus concrète de la plupart des mesures sera en tout état de cause nécessaire. L’implémentation pratique de l’ensemble de la réforme n’est donc pas encore acquise.
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