Les PME sans successeurs, un choc annoncé au Japon

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L’économie japonaise souffre d’un déclin démographique record: plus de 29% de la population nationale est déjà âgée de 65 ans et plus. Au Japon, plus d’un million de propriétaires de PME seront âgés de 70 ans ou plus d’ici 2025 et n’auront pas de successeurs.

L’activité dans cette usine de machines-outils près de Tokyo devrait battre son plein. Mais au lieu de cela, le calme qui règne fait qu’on peut entendre le patron y pratiquer la flûte à bec, l’un de ses passe-temps favoris. A 82 ans, Kiyoshi Hashimoto a largement dépassé l’âge de partir en retraite. Mais il n’a toujours pas trouvé de successeur ou d’acheteur pour l’entreprise qu’il a fondée il y a près de 40 ans, bien que celle-ci conserve des clients fidèles. Son problème est loin d’être une exception au Japon, dont l’économie souffre d’un déclin démographique record au monde: plus de 29% de la population nationale est déjà âgée de 65 ans et plus.

Le pays est à l’orée d’une “ère de fermetures de masse”, prédit ainsi Shigenobu Abe de Teikoku Databank, cabinet spécialisé dans les données sur les faillites. Selon un rapport du gouvernement datant de 2019, 1,27 million de propriétaires d’entreprises japonaises de moins de 300 salariés seront âgés de 70 ans ou plus d’ici 2025 et n’auront pas de successeurs. Cette situation pourrait faire disparaître 6,5 millions d’emplois et amputer l’économie nationale de 22.000 milliards de yens (140 milliards d’euros), selon la même étude.

Perte de savoir-faire

Comme ailleurs dans le monde, les PME japonaises se transmettent généralement au sein de la famille du propriétaire ou à des employés de confiance. Mais la stagnation économique prolongée du pays depuis trois décennies a rendu les petites entreprises peu attractives pour les jeunes, et celles implantées dans les zones rurales encore moins. Autre facteur aggravant, certains entrepreneurs japonais âgés jugent honteux de devoir vendre leur société à quelqu’un d’extérieur à leur famille. Certains préfèrent ainsi tout liquider à leur départ en retraite.

Le gouvernement tente de réagir avec diverses incitations financières pour encourager les ventes d’entreprises, et des sociétés privées aident aussi des vendeurs à rencontrer des investisseurs potentiels. L’une de ces sociétés spécialisées, BATONZ, sert d’intermédiaire à plus de 1.000 reventes d’entreprises par an. Mais cela ne touche qu’une infime fraction des gens qui en auraient besoin, souligne son président Yuichi Kamise.

Des vagues de fermetures de PME vont entraîner la perte de savoir-faire technique, de services uniques ou de recettes de cuisine originales dans le cas des restaurants, prévient M. Kamise. “Je pense que ça va porter un sérieux coup à la culture japonaise et à l’attractivité du Japon comme destination touristique”, estime-t-il.

Pépites cachées ou entreprises zombies

“Je croyais que je pourrais seulement me payer un food truck ou un petit bar” (Photo by Kazuhiro NOGI / AFP)

D’autres pensent au contraire qu’il s’agit d’une occasion unique pour faire le tri entre les petites sociétés ayant de la valeur et celles maintenues artificiellement en vie grâce aux subventions. “Il y aura toujours des acheteurs pour des firmes” ayant des “compétences uniques” et un personnel de qualité, affirme Hiroshi Miyaji, 50 ans, propriétaire d’un groupe de logistique fondé par son grand-père et qui a racheté d’autres entreprises, comme dernièrement une petite société familiale de transport routier de marchandises.

La surabondance de petites entreprises à reprendre peut aussi être une aubaine pour de jeunes entrepreneurs, comme Rikuo Morimoto, un chef cuisinier de 28 ans. “Je croyais que je pourrais seulement me payer un food truck ou un petit bar”, raconte-t-il à l’AFP.

Empêché par la pandémie de Covid-19 de partir étudier en Italie, le jeune homme a racheté à bon compte un restaurant italien vieux de 40 ans à Tokyo. Il a gardé le décor, les meubles et beaucoup de l’ancienne clientèle, tout en proposant son propre menu.

Mais de son côté, Kiyoshi Hashimoto cherche toujours une solution pour l’avenir de son usine de machines-outils, après avoir tenté en vain de préparer trois successeurs. “Tout cela irait à la casse si je devais fermer maintenant”, dit-il au milieu des établis, tables de perçage et armoires de rangement de pièces de son usine. “J’attends simplement que quelqu’un vienne et fasse usage de tout cela”.

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